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Affaire Jama Aden, Djibouti dopage d’Etat ?

Souleiman
Ayele Souleiman

Lors de l’opération Rial, 7 coureurs Djiboutiens étaient présents en Espagne car Djibouti était devenu l’une des principales bases de recrutement de Jama Aden. Un pays qui 25 ans après les exploits d’Ahmed Salah redressait la barre pour exister à nouveau sur l’échiquier international. La presse d’opposition s’est emparée de ce scandale pour dénoncer un « dopage d’Etat ».

 

« J’attends, je suis sur un strapontin, je ne sais pas de quel côté je peux tomber ».

La foudre est tombée sur la tête de Jean Pierre Prijack. Son timbre de voix ne trompe pas, l’homme est sonné.

L’affaire Jama Aden a fait l’effet d’un souffle volcanique à Djibouti où ce français, coopérant depuis 40 ans à l’Office des Eaux, officie encore comme entraîneur, détecteur, formateur, avec une connaissance minutieuse de ce petit pays bordant le golfe de Tadjoura.

Lui aussi croyait à la résurrection de l’athlétisme djiboutien après des années de disette à espérer la découverte d’un nouveau Ahmed Salah, ce nomade somali détecté du côté d’Ali Sabieh, l’un des plus brillants marathoniens de la planète, 2h 07’07’’ sur marathon, vainqueur de la première Coupe du Monde en 1985, médaillé de bronze aux J.O. de Séoul en 1988 et par deux fois médaillé d’argent aux Mondiaux de Rome et de Tokyo. Dans la foulée, les plans de détection se mettent en place, financés par des fonds de coopération, le tout piloté par Daniel Gaveau,  un entraîneur « expat » avec pour modèle le système à la kenyane. Mais cela se solde par un échec car Djibouti n’a ni le réservoir, ni la structuration, ni le système scolaire à la kenyane pour copier le grand frère voisin dans cette corne de l’Afrique.

Avec 7 athlètes déjà qualifiés pour les J.O.,  Jean Pierre Prijak et la Fédération Djiboutienne croyaient en la résurrection, un succès pleinement attribué à Jama Aden missionné pour prendre en charge l’élite des coureurs locaux pour la plupart non pas Djiboutiens mais recrutés dans le Somaliland, à 300 km de la frontière, dans la région de Borama, un pays autoproclamé indépendant en 1991, frange côtière du Nord de la Somalie bordant le golfe d’Aden de Ceelaayo à l’est à la frontière Djiboutienne à l’ouest.

Lors du meeting de Djibouti organisé le 30 mars dernier sous la haute autorité de l’Etat, Jama Aden avait été ainsi accueilli en chef d’Etat avec les honneurs de son rang, celui d’un général capable de conduire ses troupes, un petit bataillon de fantassins coureurs, vers le succès et de hisser haut le drapeau de la nation.

A Djibouti, Al Whida parle de « dopage d’Etat ». On est proche de la vérité.

Comment Jama Aden, originaire lui aussi de Somalie, a-t-il jeté son dévolu sur Djibouti ? Jean Pierre Prijack le précisait lors d’un entretien réalisé pour SPE15 en mars : « Nous étions avec Ayanley Souleiman aux Jeux Arabes. Nous sommes allés nous présenter mais Jama Aden ne semblait pas vraiment convaincu. Sauf que le lendemain, Ayanley remporte le 1500 en 3’33’’, record personnel battu de 3 secondes. Là, son intérêt a changé ».

Jama Aden mesurait ainsi tout le potentiel qu’il pouvait tirer de ce pays pour alimenter son team cosmopolite avec un système financé par l’Etat djiboutien, à savoir offrir gîte et couvert, un paquetage  dans l’un des corps de l’armée Djiboutienne et un passeport dès lors que le niveau international est atteint.

Ayanley Souleiman qui, cet hiver, établissait un record du monde du 1000 m en salle avec un temps de 2’14’’20 a donc été le déclencheur pour relancer le demi fond local. Une dizaine de coureurs ont suivi, tous originaires de Borama,  Mohamed Ismael 8’24’’ sur steeple, on le surnomme Fatah, le sous-lieutenant Youssouf Hiss Bachir, 7’43’’44 cet hiver à Stockholm, le junior Abdi Waiss Mouhyadin 3’36’’09 sur 15, Ibrahim Ougass, 13’30’’ sur 5000 et Abdilahi Ali Elmi sur 10 000 sans oublier  le jeune Daallo (sans doute un surnom à Djibouti, c’est le nom d’une compagnie aérienne), lui aussi originaire de Borama « encore plus fort que Souleiman » selon Jean Pierre Prijack. Excepté un coureur junior qui était sur le départ pour « être préparé »  en vue des prochains Mondiaux juniors (pour un remake de Hamza Driouch ???), tous étaient présents en Catalogne lorsque la police espagnole réalisait l’opération Rial pour faire tomber Jama Aden soupçonné de doper ses athlètes.

A Djibouti, la presse d’opposition s’est emparée de l’affaire pour tirer à boulets rouges sur le président de la République Ismael Omar Guelleh considéré comme coupable d’avoir orchestré ce plan de relance en donnant les clefs de la maison à Jama Aden. Le chef d’Etat est même désigné de despote et de tyran alors que Mohamed Ahmed Cheick dit Cheikho, le président de la fédération Djiboutienne d’Athlétisme est quant à lui qualifié de « voyou de la pire espèce, un type sans foi ni loi ».

Quelque soit l’issue de l’affaire Jama Aden et quelque soit le résultat des contrôles anti dopage qui ont été opérés lors de l’opération Rial, il ne fait nul doute que le demi fond djiboutien qui relevait tout juste la tête, va de nouveau sombrer. A Djibouti, Al Whida parle de « dopage d’Etat ». On est proche de la vérité.

 

> Texte et photo Gilles Bertrand