Un scandale est apparu autour du Marathon de Boston, avec la découverte de la triche de coureurs pour se qualifier pour cette épreuve, et un mathématicien a même créé un algorithme pour les détecter. En France, l’Ultra Trail du Mont Blanc exige également une qualification. Et pour parer aux dérives de tricherie, le chronométreur « Live Trail » a développé des systèmes débusquant de tels errements.
Mike Rossi. En un an, le nom de ce marathonien est devenu illustre aux Etats-Unis. Pour son énorme tricherie lors de son marathon qualificatif pour Boston. Pour obtenir le précieux sésame, il annonçait avoir couru le marathon de « Lehigh Valley » à Allentown en Pennsylvanie en 3h 11, alors que son précédent record tournait autour de 3h45, et il bouclait Boston en 4h01’.
Paradoxalement, Mike Rossi s’est signalé lui-même à la vindicte populaire. Après son marathon de Boston d’avril 2015, il s’était insurgé via les réseaux sociaux contre le Directeur de l’école de ses enfants, qui avait refusé d’accepter leur absence pour avoir accompagné leur père à Boston. L’histoire avait fait grand bruit, mais avait aussi attiré l’attention sur ce coureur, et les premiers observateurs notaient d’entrée que son temps de qualification n’était visiblement pas en rapport avec son niveau, d’autant qu’il était absent de toutes les photos publiées sur le site de l’épreuve de Pennsylvanie.
Déjà plus de 47 tricheurs détectés sur l’édition 2015
Plus de 22.000 commentaires sur ce thème ont été publiés sur le forum du très fameux site LetsRun, avec parmi eux, un certain Derek Murphy, analyste à Cincinnati, qui se décidait à s’intéresser de plus près à cette affaire et à tenter de mieux évaluer la tricherie dans le peloton de Boston. Comme l’explique « Runners World », il mettait au point avec trois autres personnes un algorithme, dévoilant les coureurs finissant avec plus de 20 minutes d’écart sur leur temps de qualification, soit 2439 personnes.
L’équipe Murphy menait alors un travail méthodique pour disséquer les performances de ces personnes, en utilisant les photos consultables en ligne et les résultats disponibles sur diverses bases. Leur échantillon se restreignait alors à 1409 coureurs, parmi lesquels les enquêteurs ont à ce jour déjà détecté 47 cas douteux. Comme le détaille «Runners World », on y retrouve des Français, Italiens, Japonais, Australiens, Canadiens, et des Américains. La plupart ont entre 30 et 40 ans, et ce sont majoritairement des hommes (33 sur 47). Selon Murphy, 29 ont reçu leur dossard de coureurs qui s’étaient qualifiés de manière normale, 10 sont suspectés d’avoir coupé le parcours dans leur marathon de qualification, et 4 apparaissent sur des résultats de courses qui ont été falsifiés…
En France aussi, les triches existent
Ce phénomène de triche résulte en grande partie de la situation inédite de ce grand rendez-vous américain, qui exige
un chrono minimum pour décrocher un dossard. En France, le scénario est identique pour l’Ultra Trail du Mont Blanc, avec l’obligation d’obtenir un certain nombre de points dans divers trails pour être autorisé à courir.
Là aussi, la tentation de tromperie est grande, mais la société de chronométrage « Live Trail », leader sur le marché du trail, après avoir peaufiné son système justement sur l’UTMB, a travaillé pour anticiper de tels problèmes. Les logiciels développés par l’équipe Live Trail intègrent ainsi des calculs capables de détecter les coureurs affichant des incohérences de chrono durant les courses de qualification. Autant d’éléments susceptibles de révéler le recours à des voitures par les coureurs sur certaines sections de parcours…
Exemple vécu pour l’édition 2015, avec une certaine A.B. (*). Celle-ci s’insurge de ne pas figurer dans le classement officiel de l’Intégrale des Causses, alors qu’elle prétend avoir franchi la ligne d’arrivée en un peu plus de 12 heures, et ce chrono est validé par la caméra filmant l’arrivée en continu. Mais en réalité, son temps d’arrivée a été « filtré », comme l’explique le chronométreur de Live Trail. Pour plusieurs raisons. La première est qu’elle n’a été badgée à aucun point volant placé à différents lieux stratégiques sur le parcours. Cette coureuse disparaît ainsi des radars durant plus de 30 km, échappant aux quatre contrôles intermédiaires. Elle prétexte bien un problème avec sa puce de détection, mais cet argument se voit balayé par la technologie mise en place, avec 2 puces fournies à chaque coureur.
La coureuse prend le parcours à l’envers et franchit ensuite la ligne d’arrivée
Les recoupements opérés par « Live Trail » permettent de découvrir qu’avec son temps d’arrivée, elle serait la personne qui aurait fait la plus grosse remontée de places sur les 30 derniers kilomètres. Et l’enquête effectuée à partir des caméras mises en place sur la zone d’arrivée révèle surtout que cette personne aurait en fait effectué une partie de la fin du parcours à l’envers avant de le reprendre à l’endroit pour franchir la ligne d’arrivée… En résumé, la traileuse n’a pas couru tout le parcours, mais a mis en scène une fausse arrivée !
Une très jolie tricherie que des méthodes sophistiquées ont permis d’empêcher. Même s’il est quasi-certain que des petits malins passent à travers les mailles, et se mentent à eux-mêmes pour se prétendre capables d’atteindre un résultat en réalité hors de leur portée physique…
Texte : Odile Baudrier
Photo : D.R.
* Les initiales ont été modifiées