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La tricherie en Russie a même profité à Ben Johnson ?

Grigory Rodchenkov, ancien patron du laboratoire anti-dopage de Moscou, et réfugié maintenant aux Etats-Unis où il collabore avec l’anti-dopage, publie ce jeudi son autobiographie, et les premières informations qui en filtrent livrent quelques énormes révélations. Comme la dissimulation d’un contrôle positif de Ben Johnson dès 1986.

La nasse russe a balayé large, et quelques athlètes non-russes en ont profité. Comme Ben Johnson. C’est en tout cas ce qu’affirme Grigory Rodchenkov, ce sulfureux expert du dopage, fournissant ses compétences d’abord à la Russie, pour y bâtir un programme dopant très sophistiqué et une méthode de dissimulation des cas de dopages très efficaces. Et Monsieur Dopage en Russie s’est mué maintenant en informateur de choix pour les instances mondiales anti-dopage depuis sa résidence très protégée aux Etats-Unis.

La parution de son autobiographie prévu pour ce jeudi 30 juillet apparaît contenir encore plus de révélations sulfureuses sur ses mauvaises pratiques à l’époque où il dirigeait le laboratoire anti-dopage de Moscou, et sur les dérives d’un Etat obnubilé par les médailles olympiques au point de bâtir à la fois un système dopant très efficace et des méthodes de détection performantes pour éviter à leurs utilisateurs de se voir repérés.

Plus surprenant peut-être apparaît le fait que d’autres athlètes ont bénéficié de ces dérives. Ce serait le cas, affirme-t-il, pour Ben Johnson : son échantillon prélevé à l’occasion des Goodwill Games organisés en 1986 à Moscou contenait déjà du stanozolol, comme deux ans plus tard, à Séoul pour les JO. Mais là, le Canadien s’en serait sorti sans sanction, sur ordre du Ministère des Sports d’Union Soviétique, qui refusait que leur organisation soit ternie par des contrôles positifs. Et Ben Johnson ne serait pas le seul, 14 échantillons positifs auraient ainsi été couverts…

Un boycott pour éviter trop de contrôles positifs ??

Autre élément très surprenant, celui du boycott des JO de 1984 à Los Angeles. Selon Rodchenkov, il ne résultait pas d’une position politique (officiellement rétorsion au boycott américain de 1980 décidé suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS), mais d’une problématique liée au dopage. Les équipes soviétiques voulaient en effet positionner dans le port de Los Angeles un bateau chargé de vérifier en permanence la « propreté » de leurs sportifs avant qu’ils entrent en compétition. Ceci car juste avant les JO, l’Allemand Donike et l’Américain Catlin avaient mis au point une méthode de détection efficace pour découvrir l’usage des anabolisants. Or les Russes ayant massivement basé leurs préparations sur ces produits, ils souhaitaient effectuer des vérifications le plus tard possible, en utilisant ce bateau. Mais après le refus par le port de Los Angeles de l’entrée de ce bateau, l’Etat Russe aurait préféré alors renoncer aux JO au risque de voir leurs très mauvaises habitudes démasquées.

Trop de dopés à Helsinki en 1983 ??

Nick Harris, le journaliste de MAIL ON SUNDAY, qui a eu le privilège de découvrir en avant-première cette autobiographie, livre d’autres points sulfureux, comme celui de la grande difficulté de trouver dans les camps d’entraînement préparant les Mondiaux d’Helsinki en 1983, l’échantillon d’un athlète « propre » ! Alors, vite, regardons le nom des champions du monde sous maillot URSSS cette année-là, et on y retrouve Serguey Bubka, à la perche, Sergey Litvinov, au marteau, Yekaterina Grun, sur le 400 m haies, Tamara Bykova, à la hauteur.

Rodchenkov mérite la prison !

Quel crédit accorder à ces révélations ??  La question se voit vite posée sur le réseau Twitter des journalistes spécialisés dans le dopage. L’Allemande Grit Harmann, collaboratrice d’Hajo Seppelt, ne dissimule pas sa surprise sur l’explication donnée au boycott de Los Angeles. Car privilège de sa nationalité et de sa connaissance de la langue allemande, elle a eu accès à toutes les archives de la STASI, après la réunification des deux Allemagne. Selon les éléments qu’elle y a découverts, la RDA savait parfaitement bien à l’époque « quand et comment arrêter les injections pour éviter la détection ». Et elle a du mal à croire que le « grand frère » n’ait pas eu les mêmes compétences ?

Surtout cette autobiographie ravive l’animosité de certains journalistes, très critiques sur la transformation de Gregory Rodchenkov, mué de boss du dopage russe, en lanceur d’alerte aux Etats-Unis. Jens Weinreich, journaliste pour Sport et Politics, n’hésite pas ainsi à souligner : « dans un monde idéal, dans un état démocratique avec un système judiciaire indépendant, Rodchenkov devrait effectuer une peine de prison de plusieurs années, comme tous les autres architectes du système de dopage de Russie, présidents du Comité Olympique, ministres des sports, bureaucrates, entraîneurs… »

Les propos sont encore plus durs venant d’Alan Moore, un journaliste irlandais travaillant à Moscou, pour Capital FM Moscow, qui n’hésite jamais à souligner son animosité contre Rodchenkov, profère une nouvelle fois une accusation de taille : « Rodchenkov a dissimulé ses échecs, et même les morts qu’il a provoqués. »

Intox de la propagande russe ou vérité dérangeante sur cet homme qui a donné son nom à une loi anti-dopage aux Etats-Unis ??

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

Autres médaillés au Mondial 1983 : Konstantin Volkov, 2ème à la perche, Yuriy Sedykh, 2ème au marteau, Dainis Kula, 3ème au javelot, Mariya Pinigina, 3ème sur 400 m, Luyboy Gurina et Yeketerina Podkopayeva 2ème et 3ème sur 800 m, Zamira Zaytseva et Yeketerina Podkopayeva, 2ème et 3ème sur 1500 m, Tatiana Kazankina, 3ème sur 3000 m, Raisa Smekhnova, 3ème sur marathon, Anna Ambraziene, 2ème sur 400 m haies, et Galina Murashova, 2ème au disque.


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https://spe15.fr/dopage-la-russie-informee-par-le-laboratoire-des-jo-de-londres/