Yohann Diniz a déposé plainte pour diffamation publique à la suite de posts publiés sur les réseaux sociaux fin novembre 2019. Le tribunal de Paris a fait suite à cette demande, et envisage la mise en examen des deux auteurs. Les deux personnes sont reconnues dans le domaine de l’anti-dopage pour leur rôle de lanceurs d’alerte.
Les dérapages verbaux sur les réseaux sociaux sont légion, mais il est très rare que de telles situations débouchent sur l’instruction de plaintes pour diffamation. C’est le cas pour Yohann Diniz qui s’oppose aux deux auteurs de posts qu’il estime diffamants. Et ce jeudi 6 mai, ces deux personnes seront entendues au Tribunal de Paris, par la juge d’instruction Camille Guillermet, qui envisage leur mise en examen.
A l’origine de cette affaire, un post rédigé le 27 novembre 2019 par Pierre Jean Vazel. L’entraîneur de Quentin Bigot fait le relais d’un message de soutien à la FFA et à l’anti-dopage, qui a été rédigé et signé par quelques-uns des meilleurs athlètes français. Ceci en réaction à une ambiance plutôt négative au sein de la famille de l’athlétisme français, suite au contrôle anti-dopage positif d’Ophélie Claude Boxberger, qui survient quelques mois après le problème de contrôle de Clémence Calvin.
Ce post très « soft » va enclencher une série de réactions contrastées. Parmi elles, deux personnes se distinguent par des propos très offensifs contre Yohann Diniz, signataire de cette tribune aux côtés d’une vingtaine d’athlètes. Elles se voient maintenant convoquées par la Juge d’Instruction pour justifier leurs posts.
Les posts tournent autour d’un stage effectué en 2011 à Albuquerque
Le premier auteur se voit questionné pour savoir s’il a bien écrit « Oh maintenant, on va attendre les contrôles de certains de cette liste, histoire de sourire un peu. » Et pour un deuxième post, qui affirme : « Diniz s’est perdu plusieurs semaines à Albuquerque plaque tournante de la dope juste avant son record du monde. » (Il s’agit du record du monde du 50 km piste établi en mars 2011 à Reims).
Le deuxième auteur est interpellé, lui, sur les posts qui sont adressés à destination d’un profil dénommé « Pedro les Sablettes ». Leurs textes : « Et pour embêter mon petit Pedro, quand est-ce que tu nous montres ton suivi biologique et ton passeport biologique. Si t es clean montre-le. En entier, n’oublie pas ceux où les Offscore sont hauts et ceux où tes réticulocyites sont bas (trop bas) ». Et pour le 2ème : « Alors Pedro, c’est le gars qui quand il allait s’entraîner en stage en altitude, son pote le Docteur Dolle lui filait les dates des contrôles inopinés avant. Comme ça il était pénard et tranquillou il éclatait les records de l’Univers sidéral. Il avait même mis 5 mn a speedi gonzales le Ruskof archo recordman de l’Univers sidéral avant lui. Bref un pedro rapido bien chargé ».
Yohann Diniz porte plainte en février 2020
Voilà les propos que Yohann Diniz pointe pour diffamation, et qui ont donc enclenché une plainte avec constitution de partie civile de sa part déposée le 10 février 2020.
En préalable de cette plainte, Yohann Diniz n’a pas réagi en direct auprès des auteurs des posts, pour leur demander la suppression de ces propos. Et pas plus auprès de Pierre Jean Vazel, le propriétaire de la page qui les a relayés, comme me l’a confirmé très récemment l’entraîneur, étonné de découvrir cette procédure judiciaire en cours.
Quelle a été la portée de ces posts sur Facebook ? Certes le message d’origine a connu une portée plus que limitée, avec 87 « Like » et 6 « Partages », mais le profil de Pierre Jean Vazel, qui compte 1573 amis, est public, donc accessible à tous sans restriction. Toutefois à aucun moment, ces posts n’ont fait l’objet d’un relais dans d’autres médias que le réseau social Facebook, ce qui en diminue l’impact.
Autre élément intéressant : les posts les plus virulents sont écrits à destination de « Pedro les Sablettes ». Mais qui se cache derrière Pedro les Sablettes ? Quel est le lien avec Yohann Diniz ? Ce profil Facebook qui existait en 2019 est maintenant supprimé du réseau, et il est donc difficile d’essayer d’y trouver un lien avec le marcheur. Ce n’est qu’en interrogeant un spécialiste de marche athlétique, qu’on apprend que ce surnom avait été donné à Yohann Diniz lors d’un stage par des marcheurs en référence à Pedro Diniz, un pilote automobile brésilien (Yohan Diniz a des origines du Brésil), et aux Sablettes, la plage préférée de Diniz vers Toulon. En résumé, un « surnom » connu uniquement des initiés.
Quel a été le préjudice pour Yohann Diniz ?
Cependant Yohann Diniz s’estime diffamé, au point de lancer cette action en justice. Parce que ces propos lui ont causé un préjudice ? La question demeure, à ce jour, sans réponse. Yohann Diniz n’a pas répondu à mes interrogations pour mieux comprendre l’impact, moral, financier, ou sportif, qu’il a pu supporter par ces allégations.
Une situation complexe provoquée par ces accusations proférées à son encontre par deux personnes, qui souhaitent encore conserver leur anonymat, mais reconnues dans le monde de l’anti-dopage par leur rôle de lanceurs d’alerte. Ces deux ex-athètes n’hésitent pas à faire remonter des informations tant auprès des instances anti-dopage que des journalistes.
Dans ce cas, les deux lanceurs d’alerte se sont faits l’écho de certains questionnements d’une manière plutôt maladroite, mais demeurée finalement très confidentielle, puisque limitée à une petite sphère sur Facebook. Jusqu’à cette plainte pour diffamation de Yohann Diniz. Restent à voir les éléments que les deux lanceurs d’alerte produiront à l’appui de leur défense.
Texte : Odile Baudrier
Photo : G.B.