Le 15 avril 2013, dans Boylston Avenue, la vie d’Adrianne Haslet-Davis tourne au cauchemar. Elle est l’une des 264 victimes de l’attentat qui endeuille ce jour-là le Marathon de Boston. Trois ans après, cette danseuse professionnelle, amputée de la jambe gauche et appareillée d’une prothèse, a pris le départ du marathon dans une démarche de résilience.
Cette petite vidéo ne dure que quelques secondes. Quatre personnes sont au centre de l’image, deux hommes sont à droite, ils portent un tee-shirt bleu avec pour inscription « Adrianne Strong ». Ils tiennent la main d’une jeune femme qui s’arrête subitement devant une large banderole jaune posée au sol. Elle avance sa jambe gauche, elle porte une prothèse courbée. Elle pose lentement la « lame » sur le mot marathon. Le groupe lève les bras vers le ciel, Adrianne Haslet-Davis est finisher du Marathon de Boston.
A l’automne dernier, la presse avait présenté le projet de cette Américaine, victime des attentats survenus en 2013 lors du Marathon de Boston. Cette danseuse professionnelle amputée de la jambe gauche avait débuté une lente rééducation pour, dans un premier temps, remarcher puis pour espérer remonter sur une scène et enfin courir appareillée d’une prothèse telle que celles portées par les athlètes handisport. Le professeur Hugh Herr, directeur de l’Institut Biomécanique et Technologique du Massachusetts s’impliqua lui-même dans ce projet pour réaliser une prothèse qui puisse répondre aux contraintes de la danse. 78 jours lui seront nécessaires pour remettre le pied sur le sol, équipée d’un premier prototype. Et un an après l’attentat de Boston, Adrianna Haslet-Davis avec son partenaire Christian Lightner remontaient sur les planches pour présenter une courte version de « Ring the Bells ». C’était à l’occasion d’un colloque où le professeur Herr présentait le résultat de ses travaux ayant pour thème : « Eliminer le handicap humain grâce à la technologie ». En avril 2015, dans le cadre de la campagne « Heroes of Summer », elle réalisait une chorégraphie, dansant sur une scène très symbolique, la ligne d’arrivée du Marathon peinte au sol en plein cœur de Boston.
Il y a six mois, Adrianne Haslet-Davis allait plus loin dans cette démarche de reconstruction, de résilience. Elle décidait de s’entraîner pour disputer le Marathon de Boston 2016 malgré les peurs et les angoisses qui l’envahissent. Elle s’est ainsi rapprochée de l’association Limbs for Life (Des membres pour la Vie) afin de récolter des fonds destinés à aider financièrement des personnes handicapées ne pouvant s’appareiller avec des prothèses modernes pouvant redonner de la mobilité et assurer ainsi une possible réinsertion sociale. Elle a par ailleurs débuté un tour du monde pour expliquer son combat et donner de l’espoir à ceux qui, comme elle, ont été victimes d’attentats ou ont été touchés par une maladie invalidante.
Elle qui n’avait jamais couru s’est entourée d’amis pour lui permettre de relever ce défi. Pas à pas, foulée après foulée, mile après mile. Ce n’est que lorsqu’elle fut capable de courir 10 miles qu’elle annonçait à la presse son projet.
Adrianne Haslet-Davis, trois ans après l’attentat dans lequel on recensa 264 victimes, prenait ainsi le départ de la 120ème édition du Marathon de Boston. Pour la danseuse, ce fut un long chemin de croix à la fois physique et émotionnel. Physique car très vite, à partir du 7ème mile, elle allait souffrir avec sa prothèse. Sa jambe mutilée avait gonflé. Elle était contrainte à stopper une heure au 14ème mile. Pour reprendre avec courage sa » marche » en avant se répétant des milliers de fois, « il ne faut pas craquer, je dois finir ».
En soirée, celle-ci entourée de ces amis, de sa famille et de quelques reporters, franchissait la ligne d’arrivée en s’écriant submergée par l’émotion « je me sens incroyable ».
> Texte Gilles Bertrand