L’Ethiopienne Almaz Ayana marque les esprits pour ces Jeux de Rio avec un record du monde du 10000 mètres pour son titre olympique dans une course d’une densité exceptionnelle, avec quatre femmes sous les 30 minutes. Pour son 2ème 10.000 mètres, la championne du monde en titre du 5000 mètres gomme la Chinoise Junxia Wang avec 29’17’’45.
Avec cette course, les annales de l’athlétisme se sont enrichies de manière spectaculaire, avec des performances ébouriffantes. Sur cette piste du stade Olympique Joao Havelange, quatre femmes sont passées sous les 30 minutes, elles n’étaient jusqu’alors que cinq à y avoir réussi dans toute l’histoire du 10.000 m. La marque de la fameuse Chinoise Wang Junxia, avec 29’31’’78 se voit gommée de 14 secondes par Almaz Ayana. C’est tout simplement monstrueux !
D’autant que la performance de Wang Junxia n’a jamais été perçue comme légitime, tant les suspicions de l’époque sur le groupe du coach Ma se sont renforcées avec les révélations ultérieures de ses athlètes, l’accusant de les avoir dopées pour leur permettre de gommer douze records du monde au milieu des années 90.
L’un de ces records, celui du 1500 mètres détenu par Yunxia Qu, avait été gommé en juillet 2015 par Genzebe Dibaba. Il demeurait encore sur les tablettes celui du 10.000 mètres, qu’Almaz Ayana torpille pour conquérir le titre olympique.
Les deux Ethiopiennes suppriment ainsi les références à ce clan chinois très décrié. Mais elles non plus n’échappent pas à certaines interrogations. S’orchestrant pour Genzebe Dibaba, autour de son coach, Jama Aden, que la justice a fini par rattraper cet été, et qui demeure confiné en Espagne, sous le coup d’une enquête pour détention de produits dopants. Et pour Almaz Ayana, les questionnements ne font certainement que commencer, avec une telle performance au terme de seulement deux années au top niveau.
Almaz Ayana explose en 2015
L’Ethiopienne a émergé brutalement en 2015 à 23 ans. En début de saison, elle n’est alors qu’une coureuse « normale » avec un record à 14’25’’ établi en 2013, et soudainement, au mois de mai, elle devient la 3ème performeuse de tous les temps avec 14’14’’32. Au mois de juillet, elle se présente au meeting Areva de Paris avec l’ambition d’un record du monde, mais Genzebe Dibaba torpilla sa tentative en ralentissant volontairement l’allure durant la course. Au mois d’août, elle s’accapare le titre de championne du monde, en supplantant Genzebe Dibaba, et en la privant ainsi d’un 2ème titre mondial après celui du 1500 mètres.
Almaz Ayana fait ainsi irruption dans la cour des très grandes en quelques mois seulement. Jusqu’alors, sa carrière ne comportait guère de distinctions, excepté une 5ème place au Mondial juniors sur 3000 mètres steeple. C’est sur cette distance qu’elle avait débuté en athlétisme, avant que par hasard, elle ne découvre le 5000 mètres au meeting Areva de Paris en 2013, avec un chrono de début de 14’25’’.
Cette saison olympique l’a vue s’orienter vers le 10000 mètres, et sa première tentative donne de suite le ton. Fin juin, elle boucle le meeting d’Hengelo, la sélection pour l’Ethiopie, en 30’07’’, déjà un résultat exceptionnel, elle est la première femme à courir aussi vite en sept années. Avant Hengelo, elle avait aussi brillé sur 5000 mètres, avec 14’12’’.
Un tour en 66 »67, et un kilomètre en 2’50 »
Une énumération de performances dénotant un bond en avant stratosphérique pour la jeune Ethiopienne, et qui ne peut qu’interpeller. Tout autant que sa stratégie de course, l’amenant sur des allures folles dès la mi-course, pourtant déjà atteinte en 14’’46, et sur la base d’un chrono inférieur à 30’00’’. Mais Almaz Ayana évoluait à un rythme incroyable, plaçant une accélération démente à la mi-course, avec son 14ème tour en 66’’67, enchaînant ensuite plusieurs tours en 67’’, puis 68’’, pour avaler le kilomètre entre le 5ème et le 6ème en 2’50’’ (soit des bases proches de son record personnel sur 3000 mètres), elle bouclait le 2ème 5000 mètres en 14’’30.
Dans le climat délétère de ces Jeux de Rio, où les soupçons de dopage rôdent sans discontinuer, Almaz Ayana ne pouvait que se retrouver mise sur la sellette. Elle n’a pas éludé, rétorquant à ces questionnements : « Trois choses simples. Je me suis entraînée, surtout pour le 5000 et 10000 m. Ensuite, je prie Dieu. Dieu m’a tout donné. Mon dopage est mon entraînement. Mon dopage est Dieu. Autrement, je suis transparente comme du cristal. »
Des analyses plus « techniques » mettront aussi en évidence l’avantage retiré de cette finale disputée dans des conditions météos très favorables, avec une température douce, grâce à son horaire matinal. Ainsi que la densité de ce plateau réunissant Tirunesh Dibaba, double championne olympique, Vivian Cheruiyot, plusieurs fois championne du monde, en bronze à Londres, l’autre Kenyane Nawowuna, ou encore l’Américaine Molly Huddle, toutes avides de grosses performances.
Mais s’il est certain qu’une finale de 10000 mètres en matinée ne peut que bénéficier aux chronos, il est tout aussi sûr que toute finale olympique réunit toujours le gratin d’une discipline, et des athlètes ne rêvant toutes que de scintiller au firmament…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand