Svein Hansen, le Président de la Fédération Européenne d’Athlétisme, a été mis en cause par le sauteur en hauteur Patrick Sjöberg, qui l’accuse de complicité à l’égard du dopage, en protégeant des athlètes durant les années où il dirigeait le meeting d’Oslo.
Des athlètes payés pour uriner à la place d’autres athlètes. Des échantillons échangés. Des médecins payés au black pour orienter leurs contrôles. Les informations sont glauques, et concernent Svein Hansen, qui aurait été coupable de jouer « double jeu » durant la période où il assumait la direction du meeting d’Oslo entre 1985 et 2009.
Le patron de la Fédération Européenne d’Athlétisme se voit ainsi mis en cause par son compatriote, Patrick Sjöberg. L’ancien sauteur en hauteur a dévoilé ses accusations dans la presse suédoise auprès d’Aftonbladet et le quotidien norvégien VG a recueilli plusieurs témoignages confirmant les dires de l’ex-athlète.
A l’origine de ce grand déballage, la proposition faite par Svein Hansen, de supprimer les records d’Europe établis avant 2005, pour « nettoyer » les tablettes de performances douteuses. Cette grande purge a suscité des réactions très hostiles de nombreux athlètes concernés, ulcérés de se voir ainsi associés à d’autres athlètes aux pratiques douteuses.
Patrick Sjöberg ne s’est pas contenté de protester sur ce projet de Svein Hansen, il est passé à l’attaque en évoquant publiquement les pratiques douteuses de celui-ci, dans les années où il présidait le meeting d’Oslo, célèbre dans ces années-là par le nombre de records du monde qui y avaient été réalisés.
Ce serait justement pour obtenir ces résultats que Svein Hansen se serait rendu complice de faits de dopage. En particulier en payant des athlètes réputés « propres » pour qu’ils urinent à la place d’autres athlètes, douteux. Selon Patrick Sjöberg, qui affirme avoir accepté à l’époque de jouer le « remplaçant », le tarif était fixé entre 500 et 1000 dollars.
Svein Hansen aurait aussi été actif pour orienter les contrôles sur certaines épreuves plutôt que d’autres, et aurait payé les médecins préleveurs en cash au black pour qu’ils ferment les yeux sur ces dérives.
Patrick Sjöberg n’est pas tout seul à porter de telles accusations. Le journaliste du quotidien VG a mené l’enquête, et a rencontré plusieurs personnes validant de tels faits. En particulier Anne Lise Hammer, une journaliste norvégienne, qui a été l’attachée de presse du meeting d’Oslo, également un temps manager de Linford Christie, et qui relaie avec force ces affirmations qu’elle avait déjà formulées dans un livre « Doping Express» publié en 1988.
A l’époque, Svein Hansen l’avait menacé de l’attaquer pour diffamation, mais il n’en a rien été. Et les propos actuels d’Anne Lise Hammer ont d’autant plus de poids qu’elle est maintenant responsable de la communication pour l’Institut Norvégien de Recherche de la Défense…
Ingrid Kristiansen se révèle également accusatrice de Svein Hansen, révélant par exemple qu’elle avait été soumise à un contrôle anti-dopage au lendemain du meeting d’Oslo, parce que le quota de contrôles n’avait pas été atteint la veille…
Ingrid Kristiansen soutient vigoureusement Patrick Sjöberg, en rappelant que l’ancien sauteur en hauteur a été dans le passé déjà très courageux pour dévoiler un autre secret, bien plus douloureux, celui des actes d’abus sexuel dont il avait été victime toute son adolescence de la part de son entraîneur Viljo Nousiainen, décédé depuis. Patrick Sjöberg avait gardé des années le silence sur les agissements de son coach, devenu son beau-père après son mariage, mais après une longue dérive psychologique, il avait révélé ces actes publiquement en 2011, en compagnie de Yannick Tregaro, un autre athlète concerné.
Svein Hansen, interrogé par la presse suédoise et norvégienne, a complètement réfuté ces faits, les estimant farfelus, et déclarant au contraire que tous les tests effectués durant les Bislett Games respectaient les règles fixées, comme l’affirme également Rune Andersen, responsable de l’Agence anti Dopage Norvégienne. Pour Svein Hansen, les témoignages à charge de Patrick Sjöberg, Anne Lise Hamer, ou encore Ingrid Kristiansen, n’ont pas de base réelle. Et il tient à souligner que l’histoire véhiculée par Anne Lise Hamer et le Hollandais Henk Kraaijenhof, un coach controversé, selon laquelle il aurait lui-même, uriné à la place d’une grosse pointure de l’athlétisme, n’est en réalité qu’une simple blague qu’il aurait imaginée pour s’amuser il y a plus de 30 ans…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.
Mise à jour du 19 mai 2017 : A la suite de la menace de poursuites par Svein Hansen à l’encontre de Patrick Sjöberg, le sauteur en hauteur aurait retiré ses propos, soutient Svein Hansen dans une interview accordée à « Sportscal »