La Kenyane Susan Jeptooo, récente vainqueuse au Cross Ouest France, installée à Lyon depuis 8 ans, et en attente de sa naturalisation, pourrait être la grande marathonienne du futur pour la France. C’est la certitude de Harzouz Saadi, son entraîneur, qui épaule également depuis huit ans, Abdellatif Meftah, qu’il espère voir revenir au plus haut niveau sur marathon cette année.
Susan Jeptooo sera-t-elle la grande marathonienne française du futur ? Oui, affirme sans hésiter Harzouz Saadi, son entraîneur depuis deux ans, convaincu des capacités de cette jeune Kenyane de 29 ans, installée à Lyon depuis 2009, et qui a déposé un dossier de naturalisation française. La récente victoire au cross Ouest France de sa protégée marque un nouveau signal fort de son potentiel dévoilé au fil de l’année 2016.
Ces derniers mois, ses records sont tombés à vitesse grand V, pour hisser Susan Jeptooo dans le haut des bilans FFA : 32’48’’ sur 10 km (4ème au bilan) – 1h10’49 sur semi (2ème) – 2h35’24 sur marathon (3ème). En deux ans, les progrès de la fluette athlète sont conséquents, elle tombe 1 minute 30 sur le 10 km, 4 minutes sur le semi, et boucle son premier marathon au printemps 2016 en 2h40’, et le deuxième en 2h35’, en octobre dernier (*).
Tout au long de l’année 2016, elle a emmagasiné les victoires sur quasiment toutes ses courses. Et elles sont très nombreuses ! Susan Jeptooo apparaît comme une boulimique de compétitions, avec 17 résultats recensés sur sa fiche FFA, comportant 5 épreuves de 10 km, 6 semis, 2 marathons et 4 cross (dont la 3ème place au France). Et ce n’était rien comparé à l’année 2015, où elle disputait 35 compétitions, incluant 9 courses de 10 km, 10 semis, et 13 cross ou courses sur piste…
Susan Jeptooo, des progrès rapides mais logiques pour Harzouz Saadi
Le sujet est sensible, et Harzouz Saadi l’aborde très spontanément dès qu’on le questionne sur sa petite protégée : « Elle progresse de manière régulière, et logique. Nous, on ne gagne pas 2 minutes d’un coup, on gagne 10’’-20’’, des choses normales » Mais il admet qu’il a parfois ressenti des interrogations autour de ces performances : « Oui, il y a du scepticisme. Les gens voient une athlète faire 36’ et passer à 32’, c’est bizarre. Mais elle a progressé lentement, elle avait des qualités au départ, elle était forte, et récupérait facilement ».
Susan, qui explique s’être installée en France en 2009, après être venue pour disputer une course, en compagnie de son mari, Jakob, apparaît dans les bases fédérales à partir de 2011, d’abord sous les couleurs de Lyon Athlétisme, puis sous celles de Athlé St Julien 74. Dès le début, elle montre des performances de bon niveau, souvent sur les podiums, et dotée d’un record sur 10 bornes à 37’ qu’elle abaisse dès 2012 à 35’37’’.
Pour Saadi, outre ces capacités physiques, un autre élément clef dans cette progression est celui de son choix d’arrêter en décembre 2015 son travail d’agent d’entretien dans les écoles de Lyon pour se consacrer exclusivement à la course à pied, et c’est d’ailleurs pour des raisons financières qu’il justifie qu’elle dispute autant de compétitions. Et il y a bien sûr aussi la relation particulière tissée avec Susan Jeptooo dès que celle-ci le sollicite pour qu’il la conseille il y a deux ans : « Elle a eu des entraîneurs qui n’étaient pas à son écoute. Un athlète est sensible à ton écoute. Moi, je vois quand elle n’est pas bien, je lui dis d’arrêter la séance, si elle est bien, je lui dis d’accélérer. »
Harzouz Saadi, conseiller d’Abdelatif Meftah depuis 10 ans
Un entraînement « sur mesure » que le duo effectue au parc de Parilly, parfois sous l’œil de Pierre Sallet. Car le spécialiste de l’anti-dopage et Harzouz Saadi sont deux amis de très longue date, après avoir pratiqué ensemble le triathlon à bon niveau dès les catégories juniors. C’est d’abord pour Abdellatif Meftah que le coach a souvent cherché conseils auprès de Pierre Sallet, pour mieux épauler le coureur auprès duquel il joue un rôle très général, qu’on pourrait désigner sous le terme d’homme de confiance, et qu’il préfère, lui, décrire tout simplement : « Nous sommes deux frères ! »
Meftah et Saadi se sont rencontrés par une connaissance commune, il y a près de dix ans, et depuis, Harzouz Saadi a toujours été là pour démêler toutes les situations compliquées. Comme à l’époque, la sortie de la Légion Etrangère de Meftah, en délicatesse avec sa hiérarchie en raison d’un refus de sélection qui l’avait amené à être suspendu. Comme plus récemment, pour lui trouver un nouveau club d’accueil, qui, après pas mal de péripéties, sera finalement Sarthe Running au Mans, ou encore pour chercher des solutions à une situation financière devenue difficile après l’arrêt de son travail par la municipalité du Mans, suite à sa suppression des listes de haut niveau.
C’est aussi Saadi qui effectue la localisation du marathonien sur le système Adams de l’AFLD, et ces questions d’anti-dopage trouvent une acuité particulière pour lui, si proche de Pierre Sallet, une référence dans ce domaine. Celui-ci tient d’ailleurs à expliquer : « Dans ma position, je ne pourrais jamais m’engager à 100% sur aucun athlète, mais Abdellatif est un gars bien qui depuis 10 ans que nous sommes amis, a toute ma confiance. » Saadi souligne également : « Nous n’avons jamais eu de problèmes au niveau biologique ou médical. Comme tout athlète ; il a fait 1 ou 2 manqués. Il faut savoir qu’à une époque, il se faisait contrôler chez lui 2 à 3 fois par semaine. Mais on n’a rien à cacher, nos suivis sont là, on est transparents. »
Le come back de Meftah après 18 mois de blessure
Même si Abdellatif Meftah annonce être son propre entraîneur, Saadi donne aussi son point de vue sur l’entraînement. Surtout, il a joué un rôle essentiel pour le ramener au meilleur niveau après plus de 18 mois de blessure. C’est finalement à Lyon, grâce aussi à l’aide de Pierre Sallet que le diagnostic de tendinite rotulienne a été posé, avec des soins effectués par le kiné des filles de l’Olympique Lyonnais, lui permettant de retrouver des sensations correctes au printemps dernier, avant la reprise en septembre à Paris-Versailles, puis quelques performances correctes, avec la sélection pour les Europe de Cross, une 2ème place à la Prom Classic, puis cette 5ème place (et 2ème Français derrière Carvalho) au Cross Ouest France. Maintenant, le regard n’est plus tourné que vers le marathon, avec l’ambition de retrouver l’Equipe de France pour le mondial de Londres, et le duo s’est envolé ce 22 janvier pour un long stage à Kapsabet au Kenya.
Harzouz Saadi y fera une incursion de deux semaines, mettant en stand by son travail de gérant de société, d’une boîte dans la menuiserie, mené en parallèle d’une franchise d’un magasin de prêt à porter et d’une fonction d’associé dans une société spécialisée dans la défiscalisation. L’homme est rôdé à jongler dans son emploi du temps pour se rendre disponible au gré des besoins de ses deux protégés, et de leurs compétitions.
Les mois à venir seront décisifs pour tous les deux, il escompte un come back correct pour Abdellatif Meftah, et il annonce un rapide passage sous les 1h10 et 2h30 pour Susan Jeptooo. Et déjà, il a fixé un cap à la jeune femme : moins courir en se concentrant sur des compétitions mieux dotées.
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : Gilles Bertrand
(*) Le chrono de 2h35’24 a été effectué au marathon de Rennes. Il figure dans les résultats, et est repris par la base « All athletics ». Toutefois il n’est pas intégré sur la fiche FFA de Susan Jeptooo ?