Stian Angermund s’est vu notifier une suspension de 16 mois, après son contrôle positif à la Chlortalidone à l’arrivée de la CCC à Chamonix en août 2023. Le trailer norvégien a accepté cette sanction, après une longue procédure suite à la constitution d’un dossier de défense intégrant des expertises qui visaient à étayer la possibilité d’une contamination accidentelle. Celle-ci n’a pu être démontrée, mais il existe une possibilité qu’elle ait eu lieu. D’où cette sanction réduite de 8 mois. Depuis le début de cette affaire, Stian Angermund a constamment clamé son innocence.
Pour la première fois en France, un trailer reçoit une sanction pour des faits de dopage. Dans le passé, les suspensions ont concerné des trailers originaires du Kenya, et n’avaient pas été décidées par l’Agence Française de Lutte Anti-Dopage. Cette fois, c’est donc un Norvégien, Stian Angermund qui a été mis en cause en France, suite à son contrôle positif à l’issue de la CCC à Chamonix au mois d’août 2023. Une affaire de grande portée dans le monde du trail, de par la notoriété de Stian Angermund, double champion du monde de trail, en 2022 et 2023, de ski alpinisme, et par sa complexité.
La Chlortalidone ne dope pas, elle couvre le dopage
D’abord par le type de produit détecté : la chlortalidone n’est nullement un produit dopant. Ce médicament diurétique est prescrit dans le cas d’hypertension artérielle, et donc inefficace sur le plan des performances sportives. Mais comme tous les diurétiques, son rôle est précieux pour diluer les urines rapidement et interdire la détection d’un autre produit dopant, absorbé, lui, pour booster le physique. C’est à ce titre qu’il figure sur la liste des interdits par l’Agence Mondiale Anti-dopage, catégorie S5, diurétiques et agents masquants. Et les témoignages de sportifs dopés ont confirmé que les diurétiques figuraient dans leur panoplie pour contrer les contrôles anti-dopage.
Comment un tel produit a-t-il pu se retrouver dans l’échantillon de Stian Angermund prélevé à l’arrivée de la CCC ? Le Norvégien l’affirme depuis le début, il ne l’a jamais ingéré. D’où sa défense bâtie autour d’une contamination effectuée à son insu. Une ligne bâtie en concertation avec Paul Greene, le célèbre avocat américain, réputé pour sa capacité à obtenir la relaxe de ses clients, ou a minima, la remise de peines.
La fin d’une cure dopante ou une contamination accidentelle ?
C’est exactement le résultat de cette procédure, qui a abouti à une sanction de 16 mois au lieu des 24 mois qui auraient dû appliqués selon les règles du Code Mondial Anti-Dopage. Pourquoi cette mansuétude de l’AFLD ? Justement en raison de la possibilité d’une contamination accidentelle, et même si l’hypothèse d’une injection volontaire pour dissimuler une cure dopante demeure une autre piste. Et selon nos informations, ont également été pris en compte la notification relativement tardive à Stian Angermund de son contrôle positif et les démarches très importantes effectuées par le Norvégien et son avocat pour tenter de découvrir l’origine de cette contamination.
C’est en effet seulement le 20 octobre 2023 que le trailer a reçu un mail de l’AFLD l’informant de sa violation des règles anti-dopage en date du 31 août 2023. Un retard imputable à l’engorgement du laboratoire d’analyses de Saclay en raison des Jeux Paralympiques et d’un automne chargé. Les instances de l’AFLD ont estimé que ce décalage empêchait à Stian Angermund d’avoir toutes les possibilités de découvrir l’origine de cette fameuse contamination effectuée à son insu.
La recherche de l’origine de cette contamination
Comme dans toutes les affaires similaires, le Norvégien a d’abord fait le tour de toutes les personnes de son entourage pour tenter de comprendre. Comme il l’a expliqué dans une longue interview donnée à Julien Gilleron pour le média « Relance », lui-même n’utilisant aucun médicament et aucun complément alimentaire, il a donc regardé du côté des compléments absorbés par sa compagne, des médicaments de sa belle-mère. Il a également testé ses produits Maurten utilisés pendant la CCC. Sans succès.
Et c’est alors que Stian Angermund a orienté ses recherches du côté des personnes gravitant autour de lui à Chamonix durant les jours précédant la CCC, et pendant la course elle-même. D’où cette démarche très inédite de solliciter UTMB Chamonix pour obtenir les numéros des lots des produits énergétiques mis à disposition par l’organisation sur les points de ravitaillement en vue de leur analyse pour y détecter du Chlortalidone qui aurait été intégré par erreur durant la fabrication. Ou encore plus étonnant, de demander à connaître les identités des bénévoles qui oeuvraient sur ces ravitaillements pour savoir s’ils utilisaient ce médicament, de solliciter l’hôtel où il résidait pour poser les mêmes questions, et même le team Manager de la Team Asics pour qu’il interroge lui aussi les salariés de la marque japonaise présents durant la période d’avant compétition.
Tout cela sans aucune réponse de ces différentes structures. Un point que Stian Angermund juge déterminant puisqu’il estime qu’il n’a pu ainsi étayer la preuve qu’il avait été contaminé à son insu. Mais est-ce si surprenant ? Pas vraiment. D’abord parce que les divers interlocuteurs n’ont pas souhaité dévoiler des éléments qui relèvent strictement de la vie privée de chacun, bénévole ou salarié. Sans oublier surtout qu’une contamination indirecte, par exemple entre un bénévole soigné avec du Chlortalidone et qui aurait ravitaillé le trailer, apparaît complexe à expliquer. Et à noter également que durant l’épreuve, Stian Angermund avait puisé dans ses propres gels et sticks de boissons, comme il l’avait fait connaître par son compte Instagram, après l’épreuve, en dévoilant sa stratégie de ravitaillement, comptant 4 gels, 1 gel avec Caféine, et 1.5 litres de liquides fabriqués à partir de 3 sticks Drink Mix.
La contamination par des contacts intimes ou par des médicaments pollués
En réalité, dans toutes les affaires où la contamination a été retenue pour disculper le sportif, ce sont des personnes du très proche entourage qui ont admis avoir utilisé elles-mêmes le produit qui allait ensuite être détecté dans l’échantillon du sportif. Exemple avec deux cas très médiatisés : l’escrimeuse française Ysaora Thibus, contaminée lors de relations intimes par son compagnon utilisateur d’un complément contenant de l’ostarine. Le tennisman italien Jannik Siner, contaminé lors d’un massage par son kiné, utilisateur d’une crème au clostébol. Et même si certaines explications ont pu faire sursauter, ces témoins providentiels ont ainsi permis aux sportifs de sortir indemnes de la procédure.
La contamination apparaît avoir également retenue pour stopper les sanctions de certains sportifs lorsqu’il est apparu qu’ils utilisaient des compléments alimentaires ou médicaments qui avaient été contaminés par erreur durant le process de fabrication. Dans de tels cas, la preuve a pu être établie après une analyse des restes de compléments ou médicaments issus du même lot et prouvant la présence du produit incriminé et non listé dans les composants. Exemple avec la demi-fondeuse américaine Brenda Martinez, exonérée de toute sanction, car l’hidrochlorothiazide détectée provenait d’une contamination par un médicament autorisé, comme validé par le laboratoire après analyse des plusieurs comprimés de ce médicament.
La cycliste Mariane Beltrando, une autre victime du Chlortalidone
Le cas de Stian Angermund n’est pas sans rappeler celui de Mariane Beltrando, contrôlée positive pour le même produit. La jeune spécialiste de BMX avait, elle aussi, plaidé une contamination à son insu, mais sans fournir de contexte plausible à cette théorie. Dans un premier temps, la Commission des Sanctions l’avait relaxée de toute sanction, mais après un appel de l’AFLD auprès du Conseil d’Etat, elle se voyait finalement suspendue pour deux ans.
Une affaire qui a sûrement peser dans la balance pour l’avocat de Stian Angermund pour l’inciter à accepter l’accord proposé par l’Agence Française de Lutte Anti-Dopage, avec cette remise de sanction de 8 mois pour descendre à 16 mois au lieu de 24 mois. C’est évidemment encore bien trop long pour le Norvégien, tellement convaincu d’avoir été indûment mis en cause….
- Analyse : Odile Baudrier
- Photo : D.R.