Depuis trois ans, Stella Akakpo s’entraîne à l’INSEP avec Olivier Vallaeys, coach formé à l’école Urtebise. Quelques minutes après la médaille de bronze sur 100 mètres de sa protégée, celui-ci explique sa philosophie de l’entraînement. L’ombre du grand Fernand n’est pas loin.
La route du Collet de Deze, Olivier Vallaeys, la connaît bien. Elle vire, elle tournicote, elle surplombe, elle plonge dans ces Cévennes oubliées et reculées.
Accrochée, plein sud, aux flancs d’un coteau, la montagne de Mortissou, le fief des Camisards, c’est là que Fernand Urtebise s’est retiré. Loin des fracas, du brouhaha et des vivas des stades. Dans un mazet douillé, bien restauré, en paix.
Olivier Vallaeys y a sué lorsque le soleil arrose et inonde d’un feu cinglant cette terre revêche que plus personne ne veut herser, semer, récolter. A remonter des murs, à tailler la pierre, à échafauder, à faire tourner la bétonneuse avec le grand Fernand.
Olivier Vallaeys a été l’élève de Fernand Urtebise maître artisan des succès de Stéphane Diagana. Puis il est devenu son assistant, trois années, avant de prendre sa destinée comme entraîneur sprint – haies dans une lignée dont le premier clac départ revient à Jean Huitorel.
« L’excellence, c’est la maîtrise dans l’adversité, c’est exprimer la totalité de son potentiel »
Chez Olivier Vallaeys, il y a du Fernand dans les veines. Il y a ce côté paisible d’un paysage cévenol qui impose le silence. Tout en rondeur, tout en plein et délié, tout en lumière même lorsque au zénith le soleil vous intime de rentrer aux abris.
Il y a ce côté cérébral, très affectif dans la relation aux autres, dans le lien qui l’unit à ses athlètes. Stella Akakpo est brillante, pétulante, captivante de joie et de vie après sa médaille de bronze, Claude Vallaeys, lui s’assoit, les deux mains sous les cuisses. Il savoure ? Oui. Mais il est déjà dans la réflexion, dans l’analyse du bon. Il parle, il regarde loin, le ton est posé : « L’excellence, c’est la maîtrise dans l’adversité, c’est exprimer la totalité de son potentiel. Et pour cela, il faut partager des valeurs ».
Cette phrase, combien de fois, Fernand Urtebise l’exprima, la petite larme à l’œil submergé par l’émotion. Olivier Vallaeys revendique lui aussi ce rôle d’éducateur à la Fernand : « Je veux faire de belles personnes ». Alors ne rejoignent ce groupe d’entraînement à l’INSEP que ceux qui ont cette sensibilité, cette volonté de partager, cette capacité d’écoute « Moi, je ne suis pas un entraîneur physio, je suis plus dans la compréhension, dans la prise de conscience de soi-même. Il faut donner une conscience technique à l’athlète ».
Finale du 100 mètres, des cérémonies de remise de médaille à rallonge, un rideau de pluie plonge la ligne de départ dans une lumière brouillée. A l’échauffement, le coach a vu Stella dans le bon : « C’était très équilibré. Tous les appuis étaient bons. Le pied répondait parfaitement. Cette année, Stella a beaucoup progressé dans sa connaissance technique. Son futur passe par là. Elle est très réceptive, mais peut-être qu’elle récitait trop sa leçon, qu’elle oubliait de courir tout simplement. Elle doit maîtriser son savoir ». Objectif : faire le métier que l’on sait faire…courir vite.
Sur cette ligne droite, Stella s’est battue sans faille. « Je n’ai rien lâché, je ne lâche plus rien » glisse rayonnante cette petite boule de muscle, de joie et de vie. L’entraîneur ne dit pas autre chose : « Elle a une volonté sans faille. Elle a une ambition, l’ambition dans le bon sens du terme. Elle est moteur dans le groupe. Mais attention, le leadership, ça se partage. Elle a un enthousiasme, une joie de vivre. Je suis heureux de la voir dans cet état d’esprit. C’est ça la richesse de notre métier».
Dans le cadre de la fameuse pyramide inversée, le moule façonné par Fernand Urtebise pour inspirer des sprinters de niveau mondial, Olivier Vallaeys explique encore comme les vieux padres cévenols qu’il faut donner pour recevoir. Qu’il faut écouter pour répondre. Comment mieux parler, mieux verbaliser pour mieux faire comprendre. Pour que l’athlète progresse, pour que lui-même puisse progresser : « Nous avons le vécu, mais ce sont eux qui nous font progresser » insiste-t-il.
La médaille n’a que quelques minutes, Stella embrasse les siens, elle est lumineuse. Le coach savoure : « Savourer, c’est le moment pour chercher le positif. Une médaille, cela aide à prendre du recul plus vite ». En mixte zone, Stelle Akakpo explique que « Oui, je suis pro. Et je vais l’être de plus en plus ». Sans oublier de regarder le monde qui tourne, les écueils, les souffrances, les laissés pour compte. Avoir tout simplement une conscience. Elle s’est engagée comme marraine dans une association d’aide aux autistes, bientôt elle le sera pour une autre association militant au Congo. En écho, le coach ajoute : «Ils ont une vie de privilégiés car ils vivent leur passion. Ils ont mis leur passion entre mes mains Donc mon métier, c’est de guider mes athlètes. J’essaie de trouver le chemin qui est le mieux pour eux ».
Le stade s’est vidé. Il ne reste que quelques vigiles pour surveiller l’enceinte esseulée. Olivier Vallaeys n’est pas pressé de quitter l’enceinte. Il parle de la mémoire des vieux entraîneurs, du partage de savoir, du risque de dupliquer des recettes, la hantise de Fernand Urtebise qu’il cite maintes fois. Il précise : Avec lui, c’était comme une famille ». Il savoure.
> Texte et photo Gilles Bertrand