Renaud Lavillenie a eu l’honneur d’une conférence de presse internationale organisée par l’IAAF en préambule au lancement de la Diamond League qu’il tentera de remporter pour la 6ème fois, avec également l’objectif d’un premier titre mondial à Beijing. Le Français s’est ainsi livré en anglais pendant plus de 30 minutes au jeu des questions-réponses des journalistes du monde entier.
A peine de retour des Etats-Unis, que Renaud Lavillenie renouait avec les sollicitations médiatiques. L’IAAF avait orchestré une conférence de presse très inédite, sous la forme d’une télé conférence, réunissant des journalistes du monde entier, suivant en direct les propos de Renaud depuis Clermont Ferrand, avec en chef d’orchestre Phil Minshull, journaliste célèbre de la BBC.
Un honneur que l’IAAF doit bien à Renaud Lavillenie. Le Français compte parmi les ambassadeurs de choix du circuit de la Diamond League, il est le seul athlète vainqueur chaque année depuis sa création en 2010 ! Et cette saison encore, il y sera une nouvelle fois fidèle, débutant dès la mi mai à Doha pour finir en septembre à Bruxelles, après avoir transité par Eugene, Rome, Paris, Lausanne, Monaco and Brussels. Avec l’ambition de conserver cette couronne, tout en remportant le seul titre qui lui manque encore, celui de Champion du Monde.
. Vous avez déjà débuté votre saison aux Drake Relays ce week-end. Comment vous sentez-vous actuellement ?
– Je me suis entraîné à Chula Vista, où les conditions étaient très bonnes, et où il fait toujours chaud et du soleil. C’est exactement ce qu’il me faut pour sauter bine. Comparé à l’année dernière où j’avais démarré après ma blessure au pied, cette année est beaucoup plus facile. J’ai fait beaucoup de bons entraînements, et je suis très heureux d’être de retour à ce niveau. Je suis allée à des Moines pour les Drake Relays. J’ai sauté 5.80 m dans la compétition de rue, avec le vent et le froid, alors je suis très content de ça. Pour la compétition dans le stade, le temps n’était pas très bon, alors nous avons sauté en salle. Bien que les conditions étaient parfaites, mes perches n’étaient pas correctes, elles étaient trop molles, et je n’ai sauté que 5.62 mètres. Mais c’était bien de concourir contre les jeunes Américains et les Canadiens, alors je suis content. Je suis maintenant concentré sur ma prochaine compétition, qui sera à Doha.
. Vous avez indiqué avoir utilisé dans la street competition la même perche qu’au Championnat d’Europe en salle, et n’avoir jamais sauté aussi haut en avril. Cela vous donne une grande confiance pour cet été ?
– Oui, car il y avait beaucoup de vent, et il faisait froid. J’ai eu du mal à 5.70 et 5.75 m, mais être capable de passer 5.80 dans ces conditions me rend très confiant pour le futur. L’année dernière à Shanghai, j’avais passé 5.82 m en mai, pour débuter ma saison. Cette année, c’est très excitant, je vais essayer de sauter le plus haut possible.
. Que s’est-il vraiment passé avec votre perche à des Moines ?
– Les perches étaient trop souples. A l’échauffement et au premier saut, on a vu de suite avec mon entraîneur que ce serait très difficile, car je n’avais pas les bonnes marques, et pas les bons sauts. D’un côté, c’est bien pour moi, car cela prouve que je peux sauter très haut avec une perche plus dure.
. Vous avez maintenant le record du monde et le titre olympique. Qu’est-ce qui vous garde motivé ?
– Pour l’année prochaine, mon objectif est de gagner une deuxième médaille d’or olympique à Rio. Je suis encore très excité et vraiment motivé. Depuis deux ans, j’ai fait du bon boulot, j’ai franchi plusieurs fois plus de 5.90 et 6 mètres, je saute souvent plus de 5.80 m. Mon premier titre olympique à Londres a été une grande compétition qui m’a laissé beaucoup de bons souvenirs. Je veux recréer ces bons souvenirs aux prochains Jeux Olympiques et c’est ce qui me laisse motivé pour l’entraînement chaque jour.
. Peut-on parler d’une tradition de la perche en France ?
– Pour moi, c’est une tradition. Mon père était perchiste. J’ai commencé la perche pour faire comme mon père ! C’est très compliqué et très intéressant. Il faut réussir à courir vite, et à voler le plus haut possible. On a des sensations fortes, on se pousse dans les airs. Ce sont des sensations telles que quand on commencé, on veut les retrouver. I LOVE pole vault !
. On entend dire que vous êtes capable d’aller plus haut. Etes-vous d’accord ?
– Quand je regarde une vidéo de mon saut à 6.16 mètres, on voit que mon corps est au-dessus de la barre, d’environ 4 à 5 centimètres. Alors, je pense que je suis capable de sauter 6.17 mètres. Mais la question n’est pas seulement de savoir si je peux le faire, c’est plus de savoir quand. Car beaucoup dépend des conditions, spécialement en outdoor. Cet hiver, j’ai été proche de le réusir plusieurs fois. Je vais continuer à travailler dur pour cela, mais je veux juste faire de mon mieux à chaque compétition.
. Quels seront vos objectifs pour le premier meeting de la Diamond Ligue à Doha ?
– Pour Doha, mon objectif est de battre le record du meeting et d’établir la meilleure marque mondiale de la saison. J’espère que je pourrais sauter autour de 5.90 mètres, mais on verra si les conditions météos me permettent d’aller plus haut. Je suis très confiant.
. Vous dominez la Diamond Ligue tous les ans. Etes-vous déçu que votre évènement ne soit pas plus compétitif, et que vous n’ayez pas plus d’opposition.
– Non, je ne suis pas déçu. Je pense que ma principale qualité est que je suis constant dans n’importe quelle situation. Je suis capable de sauter haut tout seul ou dans une compétition avec d’autres gars. Alors pour moi, ce n’est pas un problème. L’hiver dernier et cet hiver, j’ai été capable de sauter au-dessus de 6 mètres sans que personne ne me pousse. Mais je n’ai pas besoin de motivation pour rester à ce niveau.
. Quel est votre secret pour sauter si souvent et aussi haut ?
– Je peux courir plus vite que tous les autres, et au décollage, je suis très haut. Je peux vraiment décoller et ensuite je peux rester haut. C’est ce qui explique que je puisse sauter aussi haut. Pendant un saut, ce qui compte est la course d’élan et le décollage. Vous devez être loin pour arriver sur la barre. Et ensuite je trouve toujours une solution pour finir mes sauts !
. Qu’avez-vous appris des sauts de Serguei Bubka ?
– J’ai beaucoup appris de sa course. Il était capable d’être très rapide dans les 6 derniers mètres de l’élan, et ensuite d’être très haut. C’est la clef pour la perche. Cela vous pousse très haut vers le ciel !
. Pensez-vous que quelqu’un pourra surpasser la réussite de Serguei Bubka avec 35 records du monde et six titres mondiaux ?
– Je ne pense pas qu’il y ait la moindre chance que quelqu’un puisse faire mieux que Bubka. Etre capable de gagner six titres mondiaux est juste énorme. Pour moi, cela voudrait dire remporter le titre mondial de maintenant jusqu’en 2025 ! Quand votre premier record du monde est à 6.16 mètres, la possibilité d’aller plus haut est évidemment plus difficile à atteindre.
. Il y a un projet de modification des règles applicables à la perche. Qu’en pensez-vous ?
– Ce n’est pas une bonne idée. Si nous avons moins d’essais, ce sera très difficile de réussir. La perche est une discipline très technique, et il est difficile d’être prêt avec seulement un saut. Nous devons toujours composer avec la météo et le vent. Si les règles changent, il faudra annuler les records du monde précédents !
. Le meeting de Monaco aura lieu un mois avant le Mondial de Pékin. Comment allez-vous gérer cette transition ?
– Je vais me préparer de la même manière que je l’ai fait pour le Championnat d’Europe l’année dernière. J’aurais ma dernière compétition en juillet, puis deux semaiens d’entraînement. Tranquille à la maison. Puis je partirai à Beijing 8 à 9 jours avant les qualifications, pour avoir assez de temps pour récupérer du décalage horaire et pour m’habituer à la météo. Je veux que mon corps soit prêt pour les qualifications. Mais il n’y aura rien de spécial, ce sera comme d’habitude.
. Votre objectif 2015 est-il surtout tourné vers le Mondial et le titre qui vous manque ?
– Le mondial est mon plus grand objectif, mais il n’est pas le seul. Je veux aussi gagner la Diamond Ligue, et améliorer mon record personnel en outdoor, de 6.02 mètres. Je suis vraiment concentré sur les Jeux Olympiques 2016, alors l’année d’avant est vraiment très importante. Le Mondial sera mon dernier grand test avant Rio.
. Maintenant que vous êtes le recordman du monde, est-ce que les choses ont changé sur le plan psychologique pour vous ?
– Depuis que j’ai battu le record du monde, je ne pense pas que beaucoup a changé dans mon approche mentale. Cela m’a indéniablement donné plus de confiance, mais je me sens aussi plus sous pression maintenant, car chacun espère de moi que je saute plus haut qu’avant ! Mais c’est une bonne pression…