Patricia Djaté-Taillard avait brillé lors du Championnat d’Europe en salle de 1996, remportant l’or sur 800 mètres. Maintenant à 44 ans, après avoir assumé des fonctions au niveau de la DTN de la Fédération, elle demeure en immersion dans l’athlétisme, avec une fonction de Cadre Technique régional à Bordeaux.
« Je dois tout à l’athlétisme. Ma vie actuelle. La femme que je suis. Mon mari, Frédéric que j’ai connu athlète. Mes amis, qui sont d’ex-athlètes. Mon travail ». En une phrase, Patricia Djaté-Taillard a planté le décor de sa vie orchestrée autour de l’athlétisme. Un sport auquel elle voue beaucoup de reconnaissance pour tout ce qu’il lui a apporté, avec une mention particulière à ses entraîneurs successifs, Denis Cloup, Richard Descoux, Philippe Dupont, tous très importants pour leur accompagnement.
Avec en premier l’accès à ces performances qui lui ont permis de briller au plus haut niveau, comme lors du Championnat d’Europe en salle de Stöckholm, qu’elle remporte. De ce rendez-vous suédois, elle l’avoue, un peu confuse, elle a tout oublié ou presque. .. Et d’expliquer avec humour : « Je ne me rappelle même pas de la manière dont j’ai couru. Heureusement, j’ai mes anti-sèches. » Comprenez ses carnets d’entraînement où elle a tout noté depuis ses débuts, et où elle a pu retrouver son temps de passage au 400 mètres, 61’’7, celui de son dernier 200 mètres, 29’’3, et retrouver le souvenir que le titre s’était joué dans le dernier tour, dépassant Svetlana Masterkova dans la ligne opposée, et Stella Jongmans dans la ligne droite.
Les JO, une grande désillusion
Cet or suédois arrive en toute logique quelques mois après sa 4ème place aux Mondiaux 1995, mais il s’agira finalement de son seul titre international majeur, les JO d’Atlanta se soldant pour elle par une grande désillusion, 6ème seulement alors qu’elle pouvait espérer un podium. De cette olympiade, elle se souvient bien de son état d’esprit préalable, sur le tempo du « On va tout casser ! », et du choc qu’elle subissait après son arrivée dans la souffrance : « J’ai eu comme une chape de plomb qui m’est tombée dessus ».
Un quasi-traumatisme à constater la métamorphose physique de la Russe Svetlana Masterkova, qui remportera deux titres dans ces Jeux, sur 800 m et 1500 m. Pourtant Patricia le soutient, elle ne se prenait pas la tête avec les problèmes de dopage, adoptant une ligne de conduite simple : « J’étais parmi les meilleures mondiales. J’avais les armes pour m’exprimer, dans les meetings, dans les championnats. Sur la ligne de départ, je n’étais pas perturbée par cela. »
Et elle n’adhère point à l’idée que l’usage de produits dopants chez certaines a pu la priver de médaille : « Une médaille était physiquement possible. Mais je n’ai pas réussi à trouver les clefs pour l’obtenir ! »
Car Patricia a un credo simple, celui de l’excellence. Et même après plusieurs minutes en « off » à évoquer le fléau du dopage, elle souligne : «Je crois aux exceptions qui font des performances. J’en suis la preuve. »
Seule Française sous les 1’57 »
L’excellence a rythmé sa vie d’athlète, pour l’amener à onze records de France, seule Française sous les 1’57’’minutes, et sa carrière post-athlétisme, en charge pendant plusieurs années du demi-fond national au sein de la FFA. Une fonction à laquelle elle était la première femme à accéder, et à seulement 34 ans, représentant un sérieux challenge qu’elle surmontait sans difficulté : « Franck Chevalier le DTN de l’époque m’avait expliqué qu’il avait hésité à me nommer, de crainte que j’ai du mal à m’imposer dans un demi-fond où les athlètes maghrébins étaient la majorité. Mais je n’ai jamais eu de problèmes. Mon statut d’ancien athlète m’a servi.»
Ces quelques années, entre 2005 et 2009, lui ont permis de se maintenir dans cet environnement de la compétition qui la passionnait, et elle résume : « Je ne travaillais que sur le brillant ! » Cette mission achevée, elle n’a pas perdu d’intérêt pour le haut niveau, elle l’avoue : « Le haut niveau coule dans mes veines même si j’en suis éloignée. »
Car après presque une décade à travailler à la FFA, elle est revenue vers une mission régionale, en charge du suivi des athlètes minimes, des entraîneurs, des structures d’entraînement, et aussi de l’entraînement au centre régional de demi-fond, où elle conseille les filles alors que Bernard Mossan s’occupe des garçons.
Coach auprès des jeunes athlètes régionales
Ce travail d’entraîneur est la partie du job qu’elle préfère. Même si elle l’avoue, elle a eu un peu de mal à ses débuts, à s’inscrire ainsi sur les traces de ses entraîneurs passés : « Je leur suis redevable. Du coup, cela m’a posé un problème. Je me demandais si j’allais être à leur hauteur. Je les mettais sur un piédestal. Mais finalement, je ne suis pas eux, je suis différente ! »
Cette fonction l’intéresse parcequ’ elle aime bâtir les réflexions à mener pour la mise en place de l’entraînement. Elle passe ainsi beaucoup de temps sur internet, pour découvrir les méthodes employées, par les uns et les autres, dans l’athlétisme comme dans la natation ou le foot. Elle aime réfléchir à la problématique posée par ses athlètes, qui l’oblige à trouver des stratégies. Elle apprécie ces échanges avec des personnes qui ont un autre regard, une autre manière de vivre, et qui lui apportent beaucoup.
Et après cinq ans passés du côté du coaching, elle a fait un constat simple : « Sur le papier, il est très facile de faire des performances. Mais à cause de plein d’autres paramètres, les performances ne viennent pas ! »
Texte : Odile Baudrier
Photos : Gilles Bertrand