Patrice Gerges, DTN de la FFA depuis la nomination d’André Giraud, comme président, en 2017, après avoir été quatre ans DTN Adjoint, admet que l’affaire Calvin a mis en évidence des disfonctionnements au sein de la FFA. Cet ancien paralympique olympique veut maintenant s’attaquer à une réorganisation en profondeur pour réduire les risques de déviance.
- Comment avez-vous vécu à titre personnel ce mois d’avril très compliqué pour l’athlétisme ?
- Ca a été compliqué du fait que tout le monde a subi cette nouvelle réglementation qui rend l’AFLD un peu plus acteur. Avant, la Fédération était acteur sur les informations de l’AFLD. Là, on a subi. On recevait les informations par la presse. Cela donne un sentiment un peu bizarre dans cette gestion humaine.
- Vous avez eu le sentiment de ne pas être assez informé sur ce qui se passait ?
- Oui. D’avoir bien subi. Dans des fonctions telles que les miennes, on est plutôt habitués à être acteur et pro-actif. Là, subir pose questions sur la façon de gérer les choses.
- Justement, par rapport au marathon de Paris, où il avait été constaté que la direction de la FFA était absente de l’épreuve. Vous aviez fait ce choix en amont. Auriez-vous fait le même si vous aviez connu ce contexte ? Est-ce que vous le regrettez ?
- Déjà, le marathon de Paris n’est pas une organisation fédérale. J’avais privilégié le Championnat de France du 10.000 m à Pacé, la veille. Le marathon de Paris, c’est bien d’y être, mais ce n’est pas obligatoire. Surtout que j’y étais les deux années précédentes, et je ne l’avais pas mis dans mon agenda. Mais la question s’est posée Y aller ou pas y aller ? Ca voulait dire rentrer de nuit, pour être tôt le matin. Pour quel rôle ? Je ne voyais pas le sens de ma présence.
- On a pu avoir le sentiment qu’il y avait une crainte de la FFA de s’exprimer publiquement sur cette affaire ?
- Non. Pour moi, il n’y a pas de craintes. On s’exprime quand on a quelque chose à dire. Si c’est pour être là pour être là, et d’observer quelque chose, de constater comme tout le monde, il n’y a pas de plus valeur à avoir le Président ou le DTN.
- Quels contacts aviez-vous eu avec Clémence Calvin avant ce marathon et dans sa phase de préparation ?
- A partir du moment où il y a eu cette histoire, sa présence au Maroc fin mars, j’ai eu zéro contact avec elle. Avant, je crois que c’était un mois avant, je l’avais croisée, elle était passée à la Fédération. On s’était parlé 2-3 minutes.
- Sur un plan plus général, quelles relations entretenez-vous avec les athlètes ?
- Ca dépend des athlètes et du moment. Il y a des périodes où je suis en flux tendu, donc quand je vois les athlètes, on a des conversations où je demande comment ça va. Il m’arrive de passer à l’INSEP et de croiser des athlètes. Et quand il est nécessaire, je prends du temps avec les athlètes pour dialoguer, de travailler un peu plus sur leurs projets. Mais moi, j’ai des adjoints, et des référents de spécialités. C’est à eux de travailler au quotidien avec les athlètes. Moi, j’interviens quand il y a un besoin exprimé.
- Justement, ces cadres techniques, ces adjoints, vous font-ils des reportings sur les stages, les plannings de compétitions, l’état de santé ? Comment ça fonctionne entre vous ?
- Il y a du reporting. Mais fin février, au Championnat de France de Miramas, j’avais mis en place une réunion car je trouvais qu’il n’y avait pas assez de liens avec les athlètes, et surtout pas assez d’allers-retours. On avait pris la décision de réorganiser la façon d’approcher les athlètes, et surtout de mettre en place un système d’information plus transversal. Jusqu’alors, nous étions tous individuellement avec des informations, mais il manquait un partage collectif. Les choses s’organisent pour pouvoir partager plus nos regards.
- Estimez-vous avoir été suffisamment informé des problèmes de localisation de Clémence Calvin, des changements d’adresses, des lieux ?
- Non. Je l’ai vraiment découvert. Je pense que ça méritera un temps de travail avec l’AFLD car nous, on ne sait pas, on ne connaît pas les localisations des athlètes. S’ils nous disent qu’ils partent en stage aux Etats-Unis, ils nous disent la région. Mais je ne sais pas s’il y a eu changement de localisation tous les jours ou changement ponctuel. On est informés quand les athlètes rentrent prématurément, mais c’est tout. C’est l’information que veut bien nous donner l’athlète qui n’est pas la réalité de sa localisation puisque nous n’avons pas accès à Adams.
- Et les cadres techniques n’ont pas non plus d’autres informations que celles données par les athlètes ?
- Non. Sauf s’ils sont sur le même lieu de stage. Quand on a un entraîneur avec lequel on a des relations de confiance, il nous donne de l’information régulièrement, et il est le garant de l’endroit où sont les athlètes. On avait un stage à Ifrane avec un entraîneur de l’INSEP, qui donne régulièrement des infos sur les athlètes, on sait où ils sont, ce qu’ils font.
- Cet épisode va-t-il vous amener à revoir votre méthode pour que tous les entraîneurs soient contraints à ces retours ?
- Moi, je souhaite que l’argent public et l’argent de la Fédération, lorsqu’il sert à financer un stage, personnel ou collectif, on soit garant de ce qui s’y passe. Et donc qu’on connaisse les lieux d’hébergement, les dates. Et qu’on ait la possibilité à travers un entraîneur présent de savoir où est l’athlète, si l’AFLD nous pose la question.
- Est-ce qu’à l’analyse, il n’y a pas eu des manquements de certains cadres techniques par rapport à Clémence Calvin ? Sur un défaut d’informations ?
- Je ne sais pas. Car Clémence n’a jamais caché où elle allait. Pour le Kenya, nous étions informés. Pour Ifrane, on connaît la période. Quand elle était à Martigues, elle le disait. Ce n’était pas l’athlète qui fait ressortir un manque de lien.
- Mais il y avait du mensonge derrière ?
- Je ne sais pas s’il y avait du mensonge. Tout ce que je sais, c’est que tant qu’il n’y a pas un entraîneur référent présent au même endroit, on ne peut pas avoir la garantie que l’athlète nous dit la vérité.
- Est-ce que malgré tout, il n’y a pas eu des signaux qui ont été négligés par certains intervenants de la Fédération sur ce cas-là ?
- Je ne sais pas. Après, quand on nous raconte une histoire, qu’on fait le rétro planning, on se dit que là, peut-être que… Mais sur l’instant, il n’y a pas eu, en tout cas dans ce qui a été exprimé, le sentiment qu’il y avait un manquement quelque part. Après, quand on en reparle, on voit qu’à tel endroit, elle était avec intel, et que ça n’a pas été dit. La réponse est Je n’ai pas jugé que c’était important. Voilà, c’est le genre de retours qu’on peut avoir. C’est là où c’est important de croiser les regards de façon régulière. Car ce qui paraît peu important pour l’un, va peut-être sembler bizarre à l’autre.
- Est-ce que cela veut dire que cela va amener à renouveler certains cadres techniques ?
- En tout cas, cela va amener à renouveler la façon de travailler. Celui qui ne voudra pas travailler comme je vais le demander, on devra revoir ses fonctions. Le problème des cadres techniques est qu’ils sont des agents d’Etat. Et en-dehors du fait de missionner quelqu’un, on ne peut pas dire, je m’en sépare et j’en prends un autre. Surtout en ce moment où leur statut évolue. On est à la fois dans une gestion humaine de CTS et de gestion de performances et de possibles déviances qui peuvent arriver.
- Justement, la rémunération de ces cadres techniques est-elle impactée par la réussite des athlètes de la discipline qu’ils chapeautent ? Y a-t-il des primes à la performance ?
- Non, il n’y a pas du tout de primes. A la Fédération, il n’y a pas de primes à la performance. Selon leur mission, il y a un pourcentage plus ou moins important consacré à l’entraînement. C’est tout. Les seules primes qui peuvent exister sont des primes sur l’investissement fédéral, il s’agit de quelques centaines d’euros à l’année.
- J’avais entendu parler de primes conséquentes, mais sur une période plus ancienne. Ce n’est peut-être plus d’actualité ?
- La seule prime existante est la prime olympique donnée par l’Etat à l’athlète médaillé. Il y a une prime également attribuée à l’encadrement de l’athlète. Parfois l’athlète demande le partage entre plusieurs intervenants, ou bien la prime d’Etat va à un seul intervenant. Mais ce n’est pas une prime fédérale.
- Est-ce que cette affaire ne prouve pas que le système fédéral était un peu à bout de souffle et que ces problèmes explosent au grand jour en montrant les disfonctionnements ?
- C’est comme tout système. A un moment donné, il est toujours bon de renouveler. Autant des choses ont été renouvelées, autant les choses liées à l’organisation n’ont pas été remises en cause. Et je pense qu’il faut faire évoluer tout ça.
- Une des évolutions est que vous souhaitez maintenant labelliser les lieux de stages.
- C’est surtout l’organisation de ces stages qu’il faut labelliser. Je ne pense pas qu’Ifrane soit un lieu pire qu’ailleurs. On peut s’entraîner sainement à Ifrane si on est dans un environnement sain. Ca veut dire qu’il faut avoir des entraîneurs sur lesquels s’appuyer et se reposer. Je pense qu’il y a des entraîneurs en France qui se disent qu’on peut faire du sport de haut niveau sans chercher à prendre des chemins de traverse. Cela veut dire travailler plus collectivement.
- Cela veut dire introduire de nouveaux entraîneurs dans cette organisation ? Des entraîneurs plus jeunes ?
- Oui, plus jeunes, et pas obligatoirement cadres techniques. On a commencé avec les jeunes depuis que je suis arrivé, on a multiplié les regroupements dans le demi-fond avec les jeunes qui prennent plaisir à se retrouver. C’est ce qu’on voit au cross avec l’Equipe espoirs, qui est contente de se voir, ou les juniors. Ils ont grandi ensemble, ils sont contents de se voir même s’ils sont adversaires. Ils sentent qu’être ensemble en stage, ça les fait progresser. C’est une chose présente chez les jeunes actuels, et beaucoup moins sur l’ancienne génération. Je pense que c’est un tournant.
- Sur Ifrane, on peut dire que vous revenez un petit peu en arrière sur le point de vue développé dans le feu de l’action ?
- Non. Ce qui se passait à Ifrane sur le stage annulé, c’est que l’organisation ne correspondait pas à ce que j’ai indiqué. Il n’y avait pas de médecin présent, ce qui est, pour moi, une première anomalie. La deuxième est que tous les athlètes n’étaient pas hébergés au même endroit. Il y avait des athlètes hébergés avec l’encadrement officiel, et d’autres athlètes qui avaient fait le choix de s’héberger en-dehors. Moi, j’ai dit stop, on arrête.
- Cela veut dire que vous estimez que certains comportements sont troublants ou en tout cas que vous voulez contenir les dérives ?
- Ce ne sont peut-être pas des dérives, ce sont aussi des habitudes. Alors, est-ce que ces habitudes conduisent aux dérives ? Peut-être, mais en tout cas, je veux qu’on arrête de laisser faire. Cela ne veut pas dire que les gens sont coupables de quelque chose. Mais nous, on ne peut pas laisser supposer qu’il y a peut-être une culpabilité car on autorise certains fonctionnements. Je trouve que dans l’intérêt des athlètes, on cautionne, on est garants de ce qui se passe, que c’est sain. En tout cas, on ne laisse rien supposer, même si bien sûr, on ne peut pas être derrière tout le monde. On l’a vu en cyclisme, un se dopait dans les toilettes quand l’autre était dans la chambre à se faire masser. Il peut y avoir des déviances. Quand on veut être déviant, on trouve toujours un moyen de l’être ! En tout cas, nous, on doit organiser quelque chose qui est le plus « sécurit » possible et qu’au moins, les athlètes présents s’y sentent bien et ne se posent pas des questions les uns sur les autres.
- Vous avez évoqué tout à l’heure le relationnel avec l’AFLD. Est-il exact que lorsque l’AFLD constate des no show, vous n’êtes pas informé ?
- Pas directement. C’est quelque chose qui a été questionné dans le système fédéral car on s’est aperçus que ça arrivait à un petit noyau de personnes, qui, elles-mêmes, répercutaient l’information.
- Ca veut dire qu’elles ne répercutaient pas toujours ?
- Il faut que ce soit répercuté pour que ça m’arrive.
- Vous voudriez donc maintenant être destinataire de cette information ?
- Oui. Je pense que s’il y a quelqu’un qui doit avoir l’information, c’est moi ! Quand on prend un peu de hauteur sur la situation, cela paraît étonnant. Toute personne avec qui j’évoque ce point est un peu étonnée qu’il y ait eu ce fonctionnement à un moment donné. Après, je ne sais pas pourquoi ça a été mis en place, comment. A la limite, cette gestion du passé ne m’appartient pas. Moi, ce que je souhaite, c’est être plus moteur. Dans cette lutte anti-dopage, je veux vraiment être moteur.
- Vous ne voulez pas seulement accompagner, vous voulez impulser.
- Oui, complètement. Je veux avoir un temps de travail sérieux et long, s’il le faut, avec l’AFLD sur la façon de travailler intelligemment avec eux. On n’est pas là pour se combattre, on est là pour la même chose. On doit s’entraider.
- Depuis votre prise de fonction, lez avez-vous rencontrés ?
- Oui, une rencontre officielle. Avec Frédéric Sanaur, le directeur général, et le Président. On a pris contact. Depuis, j’ai eu des contacts téléphoniques, plus sur des intentions d’avancée. Pour moi, c’était important de ne pas venir perturber ce qu’ils étaient en train de faire sur cette affaire. Donc d’attendre un petit peu pour enclencher les choses pour travailler mieux ensemble.
- Vous souhaitez donc aborder le problème des no shows, des localisations. Est-ce que l’AFLD ne sera tout de même pas un peu frileuse de vous communiquer ce type d’informations avec la crainte que la confidentialité ne soit pas respectée et que ça puisse remettre en cause leur efficacité ?
- Oui, bien sûr. Mais s’ils ont cette crainte, moi, j’aimerais bien savoir pourquoi ils craignent qu’un agent de l’Etat puisse avoir ce niveau d’informations.
- Vous pensez qu’il y aura débat entre vous ?
- On va en parler. Ca demande peut-être de nous poser des questions en interne à la Fédération Française d’athlétisme sur la façon dont on gère ces situations-là. Je suis persuadé qu’à la Fédé, il y a pas mal de personnes qui ont envie de travailler dans ce sens-là. Peut-être qu’il faut qu’une personne soit désignée, que ce soit quelqu’un qui soit assermenté. Je ne sais pas. Mais il y a peut-être quelque chose à faire. En tout cas, si on ne se pose pas la question, il n’y aura rien qui se fera.
- Un autre domaine concerne directement la FFA, et aussi indirectement la lutte anti-dopage, ce sont les suivis longitudinaux. Quelles informations vous sont transmises par le médecin ?
- Il n’y a pas d’informations transmises. Pour l’instant, cela arrive au médecin, il observe. S’il a des choses à dire, il s’adresse directement à l’athlète. Sans en informer le DTN. C’est la responsabilité du secret médical. Les médecins ont leur logique qui leur appartient. Maintenant, on a décidé de faire en sorte que le médecin des Equipes de France me soit rattaché plus directement. De façon, sans rompre le secret médical, qu’il y ait un niveau d’information suffisant qui permette d’attirer l’attention sur quelque chose qu’il ne faut pas laisser passer. Il faut être un peu plus raccord avec ce qu’on attend des athlètes. Peut-être que certaines largesses ont été possibles, et il est temps de resserrer un peu. Pour moi, il y va de la santé des individus, et le médecin et moi-même, on est là pour garantir la santé et la sécurité des personnes.
- Vous parlez de largesses dans les suivis. Plusieurs sources ont évoqué des irrégularités dans les suivis biologiques de Clémence Calvin en 2014, avant votre nomination. Est-ce que ce type de situations vous paraît plausible au regard de l’organisation actuelle ?
- (Long silence). Quand il y a des problèmes dans le suivi médical, si le bilan sanguin apparaît anormal, le médecin doit normalement demander au président de la Fédération de suspendre l’athlète pour raison de santé, et de faire une interdiction de compétition. Je sais que c’est arrivé dans le passé avec Bernard Amsalem, qui avait demandé à certains athlètes de ne plus avoir de compétitions pendant des mois. Il n’y avait pas contrôle, il y avait quelque chose d’anormal dans le bilan sanguin, qui nécessitait une interdiction de compétitions, pour des raisons de santé. C’est la seule information que peut recevoir le Président. Après, s’il y a eu ça dans le passé, sans qu’il y ait eu d’informations ou de réactions de l’ancien président ? J’émets quelques doutes sur la véracité de ces informations car il me semble que Bernard Amsalem était intimement persuadé qu’il était nécessaire de lutter contre le dopage. Ou contre les déviances. Je reste dubitatif sur ces informations-là ou alors, elles ne lui sont pas arrivées !
- Pour ce que je sais, son nom n’était pas cité dans ces informations.
- Et il n’y a que le président qui peut intervenir dans ces cas-là.
- On entend parler actuellement de situations de proximité entre certains, certaines athlètes et de cadres techniques et de médecins. Etes-vous informé de ces situations ? Est-ce qu’elles vous préoccupent ?
- J’ai été informé de situations préoccupantes. J’attends de rentrer en métropole pour pouvoir gérer ça. En tout cas, pour poser des questions.
- Cela peut poser interrogation sur l’impartialité de ces personnes par rapport à certains process, de sélection, de secret médical, de protection ???
- Oui. A un moment donné. Quand on est dans une relation de proximité trop forte, et qu’on a un rôle assez important dans le fonctionnement fédéral, cela pose question. Surtout si les personnes se cachent pour ça !
- Selon mes informations, vous avez pris contact avec pas mal d’athlètes, et d’entraîneurs, pour des échanges. Quelle est votre démarche ? Chercher des informations, des points de vue ?
- Moi, ce que j’aime bien dans une situation, c’est comprendre la situation avec des regards croisés. J’ai besoin d’avoir ce que pensent les personnes autour de moi, et aussi les athlètes qui sont observateurs. Très très souvent, les athlètes ont un niveau d’information largement supérieur au mien concernant les autres athlètes. Les entraîneurs en ont marre de bosser et d’être pointés du doigt. Je sais que j’en ai blessé à travers mes interventions en pointant du doigt Ifrane au moment où il y a des entraîneurs à Ifrane. C’est mon devoir de travailler avec eux pour éviter de reproduire de telles situations. Ce sont ces regards croisés qui sont importants. Il n’y a que comme cela que moi, j’arriverai à mieux comprendre comment les choses peuvent s’être organisées en cas de déviances, et comment du coup, on peut faire en sorte de limiter tout ça. Le risque zéro n’existera pas. Mais il y a des choses qu’on peut faire très simples, que ces personnes peuvent exprimer. Et il serait de bon ton de les écouter et de travailler avec elles.
- Estimez-vous que la Fédération est en danger actuellement ?
- Non. Non. Je ne pense pas que nous sommes en danger. Je pense qu’il faut changer de fonctionnement et de système. Elle sera en danger si on ne fait rien. Mais je pense que le Président est assez ferme là-dessus. Et comme il dit, si untel ou untel râle, ils râleront…
- Ca signifie que votre démarche s’effectue en osmose avec le Président.
- Oui. A chaque fois que je prends une décision, je la partage toujours avec le président. Parfois, nous ne sommes pas d’accord. Parfois, nous le sommes. Si nous ne le sommes pas, on est au moins d’accord sur la façon dont on va avancer. Là, ce que j’exprime, le Président est d’accord sur cette façon d’avancer.
- Quel délai vous donnez-vous pour procéder à une réorganisation efficace ?
- Moi je rentre le 13 mai, après les championnats du monde de relais de Yokohama. J’ai une réunion le vendredi suivant avec des entraîneurs. Dans la semaine, je vais dialoguer avec quelques athlètes. Et j’espère être prêt pour fin mai, après le deuxième tour des interclubs, qui est un moment privilégié de l’athlé. Il faut entamer cette fin mai avec plus de cohérence de tout le monde dans la façon de bosser. Je sais que les responsables du demi-fond sont d’accord sur ma réflexion. Et derrière, j’avais nommé un DTN adjoint en charge du running, et à peine nommé, une affaire sortait ! Maintenant, c’est à lui de prendre ses responsabilités d’adjoint et de travailler sur un fonctionnement peut-être différent sur le marathon. Ce qui est agaçant pour moi est que j’avais entamé début mars quelques modifications que je voulais mettre en place plus tôt depuis que je suis arrivé, mais tout le monde n’est pas toujours prêt aux évolutions. Car cela perturbe des habitudes. Depuis début mars, je sentais qu’il fallait passer à autre chose. C’est pour cela que j’avais nommé Olivier Gui en DTN Adjoint. On sent qu’il y avait besoin de bouger et de booster différemment les choses. On le fait. Toute cette affaire légitime un peu plus l’envie.
- Cela vous donne un peu plus les coudées franches pour secouer le cocotier ?
- Au moins, tout le monde va comprendre ce qu’il est nécessaire de faire. Alors que quand on fait plus car on voit ou qu’on sent des choses sur le fonctionnement qui ne tourne pas rond, parfois, on est tout seuls à penser ça, et c’est plus compliqué à faire admettre à l’environnement. Là, d’un coup, tout le monde se dit qu’on ne va pas continuer comme ça. Là, Clémence est suspendue à titre provisoire, on n’a pas encore le fin mot de l’histoire. Mais quelle que soit la décision finale, une situation comme celle-ci ne devrait pas se reproduire. Ce n’est pas normal que ça se reproduise.
- Surtout qu’il y avait des signaux !
- Oui, mais les signaux, personne ne me les fait remonter… C’est ce qui est gênant, c’est que plein de monde est au courant de plein de petites choses, mais ça filtre à un certain moment, et moi, je n’arrive pas à avoir la remontée de tous ces filtres.
- Dans les échanges avec les athlètes, on s’aperçoit que l’information sur le dopage n’est pas tellement délivrée par la FFA. Ce n’est pas un sujet majeur abordé dans les stages, dans les Equipes de France.
- Comment dirais-je ? C’est peut-être une faute professionnelle. En tout cas, il y a des indicateurs qui existent, il y a des choses observées, qui se disent depuis plus de dix ans sur la façon d’observer les comportements. Là, je suis en Nouvelle Calédonie et dans le couloir du centre médico sportif, il est affiché une information sur les indications sur les déviances qui conduisent au dopage. Je me dis Où on loupe quelque chose ? Si en Nouvelle Calédonie, ils passent l’info, et que nous, on ne le fait pas dans nos stages ?? On a loupé quelque chose dans ce qu’on attend. Et de la même façon, tout ce qui est lié au harcèlement, toutes ces questions éthiques. On croit trop que c’est de l’acquis. Il y a besoin de travailler un peu plus fortement. Sur l’éthique, on a amorcé pas mal de choses, et on espère que ça produira quelque chose d’intéressant. On va faire la même chose sur tout ce qui est lié au dopage !
Interview réalisée par Odile Baudrier