Une finale avec la présence de trois français, ce n’était jamais arrivé. Une finale historique car les hurdlers tricolores trustent les trois places du podium, Pascal Martinot Lagarde l’emporte devant Dimitri Bascou qui était favori, Wilhem Belocian prend le bronze.
« Les haies, c’est un sport cruel ». Trois drapeaux dans un sac, trois drapeaux sortis du sac, trois drapeaux tendus, des bras qui s’allongent, du bleu, du blanc, du rouge sur les épaules, un seul flotte au vent. C’est PML en extase, un bouquet de tulipes jaunes à la main qui se laisse aspirer par la ruche bourdonnante.
« Les haies, c’est un sport cruel » la phrase résonne encore, les mots sont choisis pour exprimer la déception, la poisse, la défaite. Dimitri Bascou en connaît un rayon de supermarché question désillusion. « Les coups de masse, il faut oublier ». Il ajoute : « C’est la médaille que je pouvais espérer. Ca m’est passé dessus ».
A l’entraînement, un cap avait été franchi, des automatismes acquis pour plus de stabilité technique, pour affronter mille scénarios. Pour espérer repousser tous les démons. En cette finale, le grand démon, c’était Pascal Martinot Lagarde au couloir 6. Dimitri au couloir 5 sent le souffle de cette gigantesque araignée repliée sur elle-même. Il sait désormais que la bête est en forme. La qualif aux Europe !!! PML l’avait arrachée à Glasgow en 7″63 le 24 janvier. Une semaine plus tard, c’est l’accro à Dusseldörf, stop à la première haie. Alors Aubière, il saute la case. Un tour dans les tribunes qu’en même, aux côtés de Patricia Girard, ils se sont quittés en bons termes. Sans trop se faire remarquer même si le gaillard aime bien sa dose de télé et de micro. Et deux semaines plus tard, PML est remis d’aplomb, plus relâché, plus allongé. Il passe les deux tours en montant dans les tours. Dimitri est en danger, PML est de retour.
« On se bat contre la tension, pour ne pas être paralysé par le stress » Dimitri explique mais que du bleu dans les couloirs !!! Au 3, au 5 et 6 !!! La tension ne demande aucun permis pour s’infiltrer : « A la première haie, je monte un peu haut. Et ce petit écart peut suffire pour provoquer un décalage. Et ça change la course ». L’assurance tout risque saute en éclat. Dimitri Bascou n’est que second en 7″50 à un centième, l’épaisseur d’un ongle.
«On a envoyé un message, la France, c’est le pays des haies » c’est PML qui exulte ainsi. Le triplé est historique mais de ce fait d’armes, c’est PML le maréchal des armées. Celui qui a conduit la bataille depuis le matin « sans rien lâcher ». Il gigote. A deux pas des micros, une jeune femme perchée haut sur des hauts talons, dévore ses paroles. C’est son amie, elle « fricote ». « Je ne suis pas arrivé avec les mêmes armes que d’habitude. J’étais conquérant car je n’avais pas de temps d’engagement, je n’avais pas la casquette de favori ». Il s’est dit : « Là, je vais m’éclater. Je n’étais pas en mode « je viens pour gagner ». Non, j’étais en mode « je vais me faire plaisir ». Ce qu’il dissimule à l’approche des ces Europe, c’est ce gros mois de janvier, où il met les doses pour rattraper le temps. « J’apprends, j’apprends, j’apprends », Pascal Martinot Lagarde s’est constitué un gros staff qui fait jaser. Mais qu’importe les railleries, ça s’emboîte bien, le grand compas de PML pointe à nouveau juste, il ajoute : « Je savais moi, ce que j’étais capable de mettre sur la piste ».
« Toutes les marches du podium nous appartiennent » PML a une joie sincère. Dimitri Bascou et Wilhem Belocian se sont esquivés, médaillés mi figue mi raisin, entre regrets et raison. « Demain, la photo, sur le podium, ça sera que du bleu, du blanc et du rouge, ça c’est un gros kif ». « Les haies c’est un sport cruel », allez…pas toujours !!!
> Texte et photos Gilles Bertrand