Ophélie Claude-Boxberger demeure en attente de la décision de l’AFLD suite à son contrôle positif à l’EPO de septembre 2019. La Montbéliarde, qui soutient avoir été la victime de son beau-père, espère une relaxe et a repris l’entraînement, avec en filigrane l’espoir des JO de Tokyo, à la faveur de leur report d’une année.
La porte des JO s’est-elle entrouverte pour Ophélie Claude-Boxberger avec l’annonce du report d’une année des JO de Tokyo ?? La Montbéliarde veut y croire, et en plein confinement, elle a repris l’entraînement, avec chaque jour PPG, renforcement, vélo d’intérieur, et travail sur des haies qu’elle conservait dans son garage, à côté de son caisson hypoxie. Le tout sur la piste cyclable située en-dessous chez elle, en respect de la règle du kilomètre imposée durant ces deux mois.
Ophélie Claude-Boxberger explique : « J’essaie de maintenir un bon niveau. J’avais vraiment perdu au moment du problème. » Le « problème », c’est ce contrôle positif à l’EPO de mi-septembre 2019 qui lui a été notifié début novembre par l’AFLD. Débutait alors une séquence digne d’un très sombre polar, avec les aveux de son beau-père, Alain Flaccus, s’accusant de lui avoir injecté de l’EPO à son insu, dans une optique de vengeance contre son nouveau compagnon, Jean-Michel Serra.
Avec quel mobile ? L’amour et la jalousie. Ce sont les termes qui ressortent de l’audition d’Alain Flaccus devant l’AFLD, fin janvier. En parfaite corrélation avec ses précédentes déclarations de fin novembre lors de sa confrontation avec Ophélie Claude-Boxberger, devant les gendarmes de l’OCLAESP.
Les aveux de Flaccus à l’AFLD
La jeune femme n’a pas eu accès aux PV des auditions de l’OCLAESP, mais en accord avec le Code du Sport, l’AFLD lui a communiqué l’ensemble des déclarations effectuées en son siège par les divers protagonistes de cette sinistre affaire : Alain Flaccus, Sylvie Claude, sa mère, Jean-Michel Serra, son compagnon, et ex-médecin de la FFA.
Elle m’explique : «J’ai eu ses aveux à l’AFLD. Je n’ai pas les aveux de l’OCLAESP. J’ai seulement l’audition, quand il s’est effondré, qu’il a dit qu’il était amoureux de moi, qu’il voulait que Jean-Michel Serra tombe, qu’il ne supportait pas cette relation-là, et qu’il voulait me récupérer. Ce sont les termes qu’il a employé d’ailleurs à l’AFLD. C’était un peu troublant. »
A aucun moment, Alain Flaccus apparaît s’être écarté de sa ligne de conduite, celle de sa culpabilité. Un scénario qu’il présente d’abord à l’OCLAESP, qu’il explicite en janvier, dans l’Est Républicain, sa seule interview accordée à ce jour, et à nouveau auprès de l’AFLD.
Et son discours très bien rôdé ne déroge pas, pour coller avec les affirmations d’Ophélie qui répète avoir seulement senti une petite piqûre en bas du dos, pendant une séance de massage durant laquelle elle se serait endormie.
Un massage qu’elle avait étonnamment accepté de la part de son ex-agresseur, puisqu’Ophélie soutient avoir été la victime de violences sexuelles de la part d’Alain Flaccus durant son adolescence alors que cet entraîneur au club de Montbéliard est devenu le compagnon de sa mère. Le couple Flaccus-Claude s’était formé au moment où Jacky Boxberger, le papa d’Ophélie, ex-compagnon de sa mère, venait de décéder tragiquement au Kenya, piétiné par un éléphant.
Une autre victime d’Alain Flaccus la soutient
Alain Flaccus conteste avoir été ce prédateur sexuel dans ses rares déclarations publiques. Mais Ophélie Claude-Boxberger m’affirme avoir obtenu un témoignage fort d’une autre victime. Celle-ci soutient avoir été violée à plusieurs reprises par l’entraîneur, à l’âge de 14 ans. Sa vie en a été gravement perturbée avec plusieurs tentatives de suicide. Ce serait son ex-mari, entraîneur actuel au club de Montbéliard, qui l’aurait convaincue de parler à Ophélie. Et elle aurait détaillé les faits dans une attestation de témoin qu’Ophélie a transmise à l’AFLD, à l’appui de son dossier. Selon Ophélie, d’autres victimes pourraient encore apparaître, d’anciennes athlètes du club, car les langues s’y seraient déliées pour lever le voile sur les dérives de l’entraîneur.
Toutefois, après parution de cet article, des personnes de l’entourage de cette femme auteure de l’attestation m’ont précisé que celle-ci évoque plutôt une emprise psychologique exercée par Alain Flaccus, à son encontre, alors qu’elle était âgée de 15 ans.
Pour autant, aucune procédure judiciaire n’a été enclenchée à ce jour. Les faits sont trop anciens pour cette ex-victime. Ophélie Claude-Boxberger dispose encore d’environ 4 années pour déposer une plainte (18 ans après la majorité). Mais dans l’immédiat, c’est une assignation directe qu’elle va déposer contre Alain Flaccus, pour l’accusation d’empoisonnement. Elle l’avait déjà effectuée en décembre dernier, mais contre X, faute de pouvoir le mettre en cause nommément.
Avec quelles conséquences de ce contexte très glauque au niveau de la procédure de l’AFLD ? Les avis divergent pour prédire si la commission des sanctions pourrait être sensible à l’argument d’un geste « dément » effectué par un homme jaloux, cherchant à nuire à Jean-Michel Serra, le néo-compagnon d’Ophélie, et médecin de la FFA.
La responsabilité du sportif est totale
Les règles du code mondial anti-dopage sont sans ambiguïté : l’article 2.1 stipule « Il incombe à chaque sportif de s’assurer qu’aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme. Les sportifs sont responsables de toute substance interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dont la présence est décelée dans leurs échantillons. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de faire la preuve de l’intention, de la faute, de la négligence ou de l’usage conscient de la part du sportif pour établir une violation des règles anti-dopage. »
Un élément fort, auquel il s’ajoute le point relatif à la charge de la preuve, qui en accord avec l’article 3 du Code Mondial Anti-dopage, revient à l’AFLD. Sur ce plan, les éléments sont limpides : les deux échantillons de l’urine prélevés le 18 septembre à son domicile à Montbéliard contiennent bien de l’EPO.
Les faits sont là et ne peuvent être contestés. Les membres de la commission des sanctions de l’AFLD prendront-ils en compte ce statut de victime qu’Ophélie Claude-Boxberger endosse alors même qu’elle a accepté de faire revenir dans son entourage proche son ancien violeur ? Son argument d’avoir ainsi répondu à une demande de sa mère, pour se réconcilier, peut-il être entendu ?
Ce sont des éléments tangibles qu’on aimerait maintenant voir apparaître. Surtout pour étayer la version d’Alain Flaccus sur son achat d’EPO. Dans son PV d’audition à l’AFLD, Ophélie Claude-Boxberger a retrouvé la version qui avait déjà circulé : « Il a acheté en Andorre. Auprès d’une personne qui lui aurait proposé ça, qu’il aurait rencontré sur un stade pendant que je m’échauffais. Ce serait quelqu’un qui m’aurait croisée au France Elite. Moi, je ne sais pas qui c’est. J’ai juste eu le prénom. Karim. »
Qui est Karim, le vendeur d’EPO à Alain Flaccus ??
Alors qui serait ce fameux Karim, tellement admiratif d’Ophélie qu’il aurait observé qu’elle était en retard sur sa préparation, qui aurait conseillé à Alain Flaccus de lui injecter de l’EPO pour lui permettre de progresser, qui lui aurait vendu sur le Parking du Pas de la Case ?
Ophélie le soutient, elle n’a pas essayé de le savoir. Elle m’explique : « J’espère que l’OCLAESP va remonter sur les caméras de surveillance sur Andorre, de la vidéo-surveillance sur le parking. C’est ce qui me reste pour tenir, qu’ils vont réussir à trouver la vérité. »
Un témoignage de ce fameux « Karim », confirmant cette version rocambolesque, pourrait peser lourd. Le confinement a ralenti le travail d’enquête de l’OCLAESP, contrainte à se concentrer sur les dérives autour des trafics de masques et médicaments inhérents à l’épidémie de COVID 19, et à stopper les actions sur le terrain. Comme pour le service enquêtes de l’AFLD mené par Damien Ressiot.
De nouveaux éléments pourront-ils lever le voile sur cette situation complexe et apparaître avant que Ophélie Claude-Boxberger ne comparaisse devant la commission des sanctions de l’AFLD, qui a stoppé, à ce jour, tout son programme ?
Si la décision prise ne satisfait pas la jeune femme, elle pourrait se tourner vers le Conseil d’Etat, qui avait rejeté en janvier sa demande en référé de levée de suspension provisoire, et jugerait maintenant sur le fond.
Et dernier recours enfin, celui du TAS, cette fois sur un appel à l’initiative de l’Athletics Integrity Unit. Car pour l’instance anti-dopage de l’IAAF-World Athletics, les faits sont limpides, la violation des règles anti-dopage est manifeste.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand