Ophélie Claude-Boxberger a déposé un nouveau dossier devant le Conseil d’Etat, pour contester sa suspension provisoire suite à son contrôle positif à l’EPO. L’Instance, qui l’avait déboutée en janvier, s’était distinguée dans l’affaire Clémence Calvin. Ce recours marquera le début d’un tourbillon judiciaire pour la Montbéliarde.
Un référé en urgence au Conseil d’Etat. Ophélie Claude-Boxberger renouvelle son recours contre la suspension provisoire prononcée en novembre 2019 par l’AFLD suite à son contrôle positif à l’EPO de septembre 2019. Avec l’ambition d’obtenir cette fois une décision en sa faveur, après qu’elle ait été déboutée début janvier par le Conseil d’Etat, qui n’avait pas été sensible à ses arguments de non-respect de ses droits, et de sanction disproportionnée.
Cette fois, la steepleuse peut s’appuyer sur les éléments figurant dans les comptes rendus des auditions menées en janvier par l’AFLD des différents protagonistes de l’affaire. Avec en ligne de mire évidemment, les aveux d’Alain Flaccus, de lui avoir injecté à son insu de l’EPO, dans l’espoir de nuire au Docteur Jean-Michel Serra, son néo-compagnon, qu’il jalousait férocement. Un alibi incroyable qui n’a, à ce jour, pas été officiellement remis en cause, par aucun des acteurs de cette affaire, avec une enquête de l’OCLAEPS qui se poursuit sous la houlette du Parquet du Tribunal de Paris.
Le Conseil d’Etat, prolixe en décisions
Le déconfinement autorise maintenant le Conseil d’Etat à reprendre le cours normal de son activité. En réalité, celle-ci ne s’est d’ailleurs nullement interrompue pendant le confinement. Au contraire, l’Instance, lieu de contestation ultime des décisions administratives, n’a pas chômé, avec le jugement en urgence, durant cette période, de plus de 100 recours liés au COVID 19, et l’étude de plus de 140 projets de textes du Gouvernement ! Les demandes les plus diverses lui ont été soumises, de la mise à disposition de matériel pour les personnels médicaux, à la limitation de l’épandage des pesticides, en passant par l’interdiction de l’usage des drones à des fins de contrôle sanitaire.
Cette période intense s’inscrit dans la continuité d’une activité de plus en plus soutenue à travers les années, avec plus de 10.000 affaires enregistrées en 2019, pour un délai moyen de jugement d’environ 6 mois. Et d’environ 400 affaires instruite en référé.
Le référé au Conseil d’Etat n’était pas une méthode très connue dans le monde sportif lorsqu’en avril 2019, Clémence Calvin saisit l’instance pour obtenir le droit de disputer le marathon de Paris malgré la suspension provisoire qui lui a été notifiée par l’AFLD, seulement 5 jours avant l’épreuve.
Et cette décision favorable à la marathonienne dévoile alors l’étendue des pouvoirs du Conseil d’Etat, qui intègre dans sa prise de décision les éléments liés aux droits de l’homme et libertés fondamentales, en l’occurrence pour Clémence Calvin, le non-respect de la possibilité de se défendre face aux accusations de l’AFLD d’avoir fui un contrôle anti-dopage à Marrakech.
Clémence Calvin, à quatre reprises devant le Conseil d’Etat
L’instance va devenir fétiche pour la marathonienne. Elle y aura recours à quatre reprises. Deux fois en référé (en avril et en juillet). Deux fois pour des jugements sur le fond. Le dernier recours, celui sur sa suspension de 4 ans, demeure en attente de jugement, Clémence Calvin escompte une annulation de cette sanction, qui lui ouvrirait ainsi les portes des Jeux Olympiques de Tokyo, compte tenu de son chrono de 2h24’, synonyme de minima qualificatif.
Toutefois le Conseil d’Etat a envoyé fin février un signal négatif sur cette affaire, avec l’affirmation que « les constatations des agents de l’AFLD (lors du contrôle de Marrakech) ne sont pas entachées d’incohérences ou de contradictions », et la référence à des « allégations » de la part de Clémence Calvin. Et la validation de cette suspension provisoire, ainsi que celle du rugbyman Hendre Stassen, a même fait l’objet d’une communication spéciale sur la home page du site du Conseil d’Etat.
Jeannie Longo et les syndicats de joueurs, déboutés par le Conseil d’Etat
Avant l’affaire Calvin, le Conseil d’Etat n’avait accueilli des sportifs qu’à titre très exceptionnel. Début 2019, Tony Yoka y avait introduit un recours pour obtenir l’annulation de sa suspension suite à trois no-shows. Sans succès. Précédemment, les affaires jugées dans le domaine de l’anti-dopage s’étaient limitées aux cas Jeannie Longo, Laure Bouleau, et des syndicats de joueurs professionnels.
Avec au cœur des récriminations de la cycliste Jeannie Longo, et du syndicat de joueurs professionnels, la contestation sur les règles de localisation imposées par l’AFLD aux sportifs du groupe cible, les contraignant à fixer pour chaque journée, un horaire et une adresse précis en vue d’un éventuel contrôle anti-dopage.
Des obligations contraires aux libertés individuelles. C’était l’argumentaire déployé par Jeannie Longo, et les joueurs syndiqués. Mais le Conseil d’Etat, pourtant hyper rodé à une telle protection face aux tentacules d’un Etat trop souvent prompt à restreindre les champs d’action individuels, n’avait pas suivi ces revendications. Et pas plus d’ailleurs par la suite la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Un recours gratuit, ouvert à tous les citoyens
Ce droit légitime au recours auprès du Conseil d’Etat s’inscrit comme une panacée pour tous les citoyens français. Avec en principe de base, la gratuité d’accès à l’instance. Toutefois, demeure à la charge du plaignant le coût de son avocat, qui doit être spécialement habilité auprès du CE. Soit un coût d’environ 2 à 3000 euros pour chaque action, auquel s’ajoutent les frais annexes.
Une somme que Clémence Calvin s’était vue contrainte de verser à l’AFLD après la décision de février, et qu’Ophélie Claude-Boxberger demande qu’elle soit mise à la charge de l’AFLD pour ce référé du 28 mai. Comme il est de règle pour la partie perdante.
Une plainte contre Alain Flaccus
Ce nouveau recours pour Ophélie Claude-Boxberger marque le prélude d’un véritable tourbillon judiciaire. La Montbéliarde s’est décidée à porter plainte contre Alain Flaccus, pour le mettre en cause sur les violences sexuelles. Elle m’affirme les avoir subies dès l’âge de 12 ans. Selon ce qu’elle m’explique, l’homme, son entraîneur de l’époque, serait rentré dans la vie de sa mère, Sylvie, en février 2002, et il aurait rapidement commencé ses agissements troubles. Elle m’évoque des gestes équivoques subis durant les vacances des étés 2002-2003, les dates s’entrechoquent, elle avait en réalité 14-15 ans.
Une action qu’elle veut mener malgré les réticences de sa mère, et elle m’explique : «Elle est dans le déni. De toute façon, ma mère fait l’autruche. Pour tout. Dès qu’il y a une difficulté. Elle le sait. Mais je ne suis pas sûre qu’elle l’admette un jour. »
Sylvie Claude, déprimée de cette situation
Lorsque je l’ai jointe au téléphone, il y a quelques jours, pour l’interroger sur cette future plainte, Sylvie Claude, la mère d’Ophélie, m’a répondu d’une voix éteinte : « Je n’ai plus rien à dire. Franchement, ça m’a usée toute cette affaire. Je ne fais pas de déclaration. Désolée. Tout est en cours. Ce n’est pas cool. ». Et lorsque j’insiste pour savoir si elle aurait préféré qu’Ophélie n’intente pas cette action, elle souffle simplement : « Pas forcément. Je ne sais pas ce qu’elle vous a dit. Moi, je ne me prononce plus sur rien. Vous savez, je suis déprimée avec tout ça. » Et d’ajouter : « Après, il y a l’histoire de l’EPO. C’est encore une autre affaire. Celle-là est importante, à mon avis. Je lui souhaite simplement que ça passe, qu’elle puisse recourir. Elle est en fin de carrière, Ophélie, qu’elle puisse encore se faire plaisir. Ca me chagrine un peu. »
C’est épaulée par l’avocate Maître Lobier-Tupin, qu’Ophélie Claude Boxberger veut déposer sa plainte auprès du Tribunal de Nîmes : « Elle m’a été conseillée par Maître Clauzon, qui s’occupe de l’affaire de l’AFLD. Je l’ai rencontrée déjà plusieurs fois. Ca s’est bien passé. Les gens ne comprennent pas que j’ai pu réintégrer Alain Flaccus dans ma vie. Elle le comprend très bien. Elle a eu beaucoup de victimes. Elle a des cas pareils. »
Un procès pour le nom de Boxberger
A la mi-juin, un procès plus soft, mais tout de même à gros enjeux, se profile, pour un jugement sur l’action entamée par Flora Boxberger, la veuve de Jacky, et mère de Jérémy, le demi-frère d’Ophélie. Celle-ci exige qu’elle ne puisse plus utiliser le patronyme de Boxberger, son père qui l’avait bien reconnue à sa naissance, accolé à celui de Claude.
Avec à l’appui de cette action, engagée depuis plus de cinq années, l’argumentaire que le nom de Boxberger aurait été ajouté par la jeune adolescente pour obtenir plus de notoriété, juste après le décès tragique de son père au Kenya.
L’affaire du contrôle positif de l’athlète a ajouté un argument de poids à cette demande, avec une Flora Boxberger qui ne cesse de souligner que la mémoire de son mari se voit ainsi souillée…
Conseil d’Etat, Tribunal de Grande Instance de Montbéliard, Tribunal de Nîmes. Un véritable tourbillon judiciaire s’annonce pour Ophélie Claude-Boxberger. Il restera encore à venir la Commission des Sanctions de l’AFLD. Sans préjuger non plus de la suite de l’enquête encore en cours à l’OCLAESP….
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand