Mo Farah conserve son leadership sur le 10.000 mètres, il s’impose à nouveau à Eugene, en 26’50’’97, demeurant invaincu sur la distance depuis 2011. Mais le double champion olympique n’a pas dissimulé une certaine déception, il aurait souhaité passer sous les 26’30’’.
Le visage de Mo Farah demeure fermé. Sur cette ligne d’arrivée du stade d’Eugene, la joie n’est pas au rendez-vous pour le Britannique, en contrepied complet à l’enthousiasme du public. Dans les belles tribunes du Hayward Field, les spectateurs s’étaient tous levés pour l’épauler dans les ultimes mètres de cette course, qui le confirmait comme le leader de la discipline, invaincu depuis 2011.
Mais Mo Farah attendait beaucoup mieux que les 26’50’’ 97 que le chrono affiche. C’est 4 secondes de plus que son record personnel qu’il avait établi ici même en 2011. Et c’est 20 secondes de plus qu’espéré par Mo Farah pour ce premier 10.000 mètres de sa saison.
Sa déception paraissait telle qu’il n’arrivait pas à la dominer pour se réjouir de cette nouvelle démonstration de force, supplantant deux gros talents kenyans, Kamworor and Tanui, et confirmant que sa défaite de Doha sur 3000 mètres ne l’avait pas rendu vulnérable. Un leader est fait pour être battu, et l’odeur de la défaite attire…
Mo Farah, 16ème performer mondial
C’est une performance autour de 26’30’’ qu’il ambitionnait, et cela aurait représenté un bond en avant de 16 secondes sur son record de 2011, 26’46’’57, qui le place comme 16ème performer mondial de tous les temps.
En approchant les 26’30’’, Mo Farah se hisserait vers le top 3 mondial, dominé par Kenenisa Bekele, Haile Gebrselassie, Paul Tergat. Trois très grands noms de l’athlétisme qu’il rêve évidemment de rejoindre tout en haut des bilans.
Pourtant un tel chrono paraît hors norme pour un athlète âgé maintenant de 32 ans. Un simple regard sur les dates de naissances de ce trio de tête confirme que ces grosses performances sont revenues à de jeunes athlètes. Kenenisa Bekele n’avait que 23 ans pour son record du monde de 26’17’’53. Haile Gebrselassie affichait 25 ans pour ses 26’22’’75, et Paul Tergat, le plus âgé, atteignait seulement 28 ans pour pointer en 26’27’’85.
Mo Farah, lui, a émergé bien plus tardivement. Pour son premier 10.000 mètres, en 2008, il a déjà 25 ans, il le boucle en 27’44’’54. Une marque que plus de 200 performers mondiaux ont atteinte à ce jour.
Sur 5000 mètres, Mo Farah n’est pas non plus un talent si précoce, il réalise 13’07’’ en 2007, il a alors 24 ans, et ce sont plus de 160 athlètes qui pointent sous cette performance.
Ce n’est véritablement qu’à partir de 2011 qu’il sort de cet anonymat et fait irruption dans les meilleurs mondiaux, et surtout avec son double titre olympique à Londres sur 5000 et 10000 m réalisé l’année suivante.
Les lièvres difficiles à trouver
Mais Mo Farah n’a cure de ces considérations d’âge, et ne veut pas se fixer de limites. Ses ambitions pour ce meeting d’Eugene le démontrent. Son manager Ricky Simms a avoué avoir passé beaucoup de temps à rechercher des lièvres capables de l’amener en 13’15’’-13’20’’ à la mi-course.
Ricky Simms a même révélé après la course qu’il avait offert un gros paquet de dollars aux meilleurs coureurs de 5000 mètres, avec une somme à plus de 5 chiffres, mais qu’il n’avait pu les convaincre de se mettre au service de Mo Farah.
Il n’y a que 40 athlètes pointés sous les 13’15’’ l’année dernière. Comme le souligne l’expert de « LetsRun », pour prétendre mener en tête de course sur ces allures, il faudrait qu’ils soient plutôt capables de courir sous les 13’00’’. Et ils sont seulement 9 à avoir gommé ce repère dans les deux dernières années.
La tâche du manager n’était pas aisée. Doit-on s’en offusquer ?
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand