Le 800 mètres du Meeting d’Eugene de fin mai s’annonce très impressionnant, avec les meilleurs mondiaux en lice, en particulier Mo Aman, champion du monde du 800 m en titre, et Taoufik Makhloufi, champion olympique du 1500 m en titre. Tous les deux ont choisi cette saison de changer d’entraîneur, l’Ethiopien Aman passant sous la houlette Du Britanno-Américain Mark Rowland et l’Algérien Makhloufi rejoignant Philippe Dupont.
Les parcours de Mo Aman et Taoufik Makhloufi s’entrecroisent ce printemps d’une drôle de manière. L’épisode a été lancé par Mo Aman. L’Ethiopien annonçait en février qu’il rejoignait le « Oregon Track Club » pour y évoluer dans le groupe coaché par Mark Rowland. Courant avril, la rumeur autour de Taoufik Makhloufi couvant depuis quelques semaines explosait au grand jour, l’Algérien serait maintenant drivé par Philippe Dupont.
Aux Etats-Unis, comme en France, ces choix ont créé sensation, et discorde. Mark Rowland s’est retrouvé mis sur la sellette pour accepter d’entraîner un athlète non américain, et de lui donner des armes face à Nick Symmonds, le meilleur US sur la distance, qui avait été le dauphin de Mo Aman au Mondial de Moscou en 2013. Même si en réalité, Mo Aman est une vraie pépite, sacré champion du monde à 19 ans seulement, alors que la carrière de Nick Symmonds, 32 ans, paraît maintenant bien entamée, et ne compte vraiment que cette médaille d’argent.
Philippe Dupont, la surprise
En France, les oreilles de Philippe Dupont ont probablement beaucoup sifflé après que la rumeur persistante soit définitivement confirmée par notre site le jeudi 23 avril après un OK officiel de la Fédération Algérienne. Pour le Français, la controverse tourne surtout autour du passé troublant de Taoufik Makhloufi, avec la polémique autour de son titre de champion olympique du 1500 mètres. Et sur la surprise de voir Philippe Dupont renouer des liens avec un athlète algérien après l’épisode du dopage d’Ali Saidi Sief. On a pu aussi entendre des reproches autour de la mise à disposition d’un cadre fédéral de la FFA auprès d’un athlète étranger.
Mais en Algérie, la nouvelle n’a pas non plus été bien perçue, avec le sentiment qu’en réalité, la collaboration entre les deux hommes devrait plutôt profiter au coach français, au prétexte que Taoufik Makhloufi allait livrer à son entraîneur toutes les ficelles de sa programmation…
Canular autour de Mo Aman, bientôt Américain…
Aux Etats-Unis, début avril, l’affaire autour de Mo Aman est montée d’un cran durant quelques heures, avec l’annonce par le site « Lets’Run » du changement prochain de nationalité de l’Ethiopien, qui décidait d’opter pour la nationalité américaine. Mais il s’agissait en réalité d’un pur canular publié à l’occasion du 1er avril, comme sait en produire la presse anglo-saxonne… Le même jour, en Angleterre, il était ainsi annoncé que Mo Farah redevenait Somalien !
Les rédacteurs du site US s’en sont donnés à cœur joie, orchestrant un argumentaire dans lequel Mo Aman se plaignait du manque de considération à son égard en Ethiopie, où seuls les marathoniens seraient pris en compte. Et ils prêtaient même à David Rudisha des propos offensifs contre Mo Aman, l’accusant d’être un vendu.
Un qualificatif outrancier que les Algériens ne sont pas si loin de vouloir appliquer, eux aussi, à Taoufik Makhloufi, comme agités par un sursaut nationaliste et anti-français. Le jeune Algérien, lui, s’était pourtant beaucoup épanché en début d’année sur ses difficultés financières, privé d’aide par le Ministre des Sports d’Algérie, ne lui permettant pas de disposer des fonds nécessaires au financement de ses stages pour lui et ses sparring partners.
Mais la situation s’est visiblement débloquée pour lui, comme en témoigne cette néo-collaboration avec le manager du demi-fond français bâtie sur la base d’un protocole entre les deux fédérations.
Texte : Odile Bertrand
Photo : Gilles Bertrand