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Meeting de Stanford, au cœur de l’excellence

Le meeting de Stanford compte parmi les rendez-vous importants pour les jeunes athlètes américains, séduits par son ambiance particulière sur ce stade installé en plein cœur de Palo Alto, ville emblématique de la Silicon Valley.

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Silicon Valley. Ce nom sonne familier à travers le monde entier. La référence planétaire pour les industries de pointes qui gouvernent nos vies. Palo Alto en est le cœur. Qui ignore que cette ville héberge Facebook et Google et peut se revendiquer comme le berceau d’internet et de l’informatique ? Grâce aux précurseurs, Bill Hewlett et Dave Packard, les créateurs de Hewlett-Packard. Tous les deux issus de l’université de Stanford, également fréquentée par les créateurs et dirigeants de Google, Youtube, Yahoo, Microsoft…

Mais surprise en arrivant dans Palo Alto, la ville ne reflète pas cette frénésie qu’on associe à un lieu dédié au high tech. Intra muros, les artères sont larges, les rues calmes, aux antipodes des autoroutes bondées qui la jouxtent, prises d’assaut par les milliers de travailleurs de la Silicon Valley contraints à avaler des heures de bouchons pour rejoindre leurs résidences dans des villes dortoirs. Les quartiers étonnent aussi, par leur mélange de maisons de luxe et habitations modestes, existant avant que Palo Alto donne le ton de la Silicon Valley. Ici, pas de hautes tours vitrées rutilantes, les bureaux s’éparpillent dans de petits immeubles bas, noyés dans la verdure d’espaces verts entretenus au millimètre.

De l’autre côté de l’avenue El Camino Real, à proximité du centre, l’université de Stanford a conservé la très originale architecture qui a rendu célèbre son campus. Chaque jour, ses très beaux monuments, la Memorial Church, la Hoover Tower, font d’ailleurs l’objet de visites touristiques. Depuis sa création, la vieille institution, elle compte plus de 120 ans d’existence, n’a pas lésiné sur les moyens mis à disposition de ses 16.000 étudiants. Avec premier luxe, l’énorme espace, qui transforme cette université en un havre de paix très exceptionnel dans un environnement aussi urbanisé que la baie de San Francisco. Enserré par de larges artères, le cœur du campus ne se traverse qu’à pied ou par des pistes cyclables. Les résidences étudiantes traditionnelles, en briques, côtoient des bâtiments plus modernes, financés par les généreux donateurs, parmi lesquels Phil Knight, ancien élève devenu PDG de Nike.

Des infrastructures sportives très luxueuses

sélection 14Stanford aime le sport et le montre avec des infrastructures sportives rutilantes, terrain de base ball, stade de foot, de foot américain, piscine couverte et plein air, stade de tennis, d’athlétisme… Un équipement digne d’une grosse ville et réservé à l’entraînement de ses étudiants, et aussi de temps à autre accessible pour une compétition open.

Les athlètes ont ce privilège à l’occasion du « Stanford Invitational », reproduisant le concept des fameux rendez-vous américains que constituent les Penn Relays et les Drake Relays. On y mélange lycéens, collégiens, étudiants, athlètes professionnels, sur un programme comptant ici une centaine d’évènements sur deux jours, avec 3300 participants.

Sur le stade d’athlétisme, à gauche à l’entrée du Campus, l’ambiance est bon enfant. A comparer avec la frénésie des Penn Relays à Philadelphie, on pourrait la qualifier de « cosy », et bien dans le ton de cette institution très haut de gamme. Le cœur névralgique de l’organisation s’est installé à l’arrière du stade, sous de grands arbres. Quelques écoles ont installé leur tente, d’autres ont pris d’assaut les tables dédiées au pique nique, pour y déposer sacs et ravitaillements. Un vestiaire a été improvisé, les athlètes s’y déshabillent en plein air avant d’accéder au stade par un petit couloir de moquette rouge. Dans l’espace dédié à l’échauffement créé dans une simple allée goudronnée, les athlètes répètent leurs gammes et départs, côte à côte dans les trois couloirs dessinés. Pour leur footing, d’autres s’échappent sur les zones entourant le stade, au cœur du campus qu’ils peuvent ainsi sillonner sans contrainte, toute l’Université fonctionnant sur le principe américain de l’accès libre.

Stanford, une université de rêve

sélection 32Le long du vestiaire, Jason Jacobsun surveille avec attention ses protégés du lycée « San Rafael XC », quatre jeunes sur l’équipe de 45 athlètes qu’il entraîne au quotidien. Le coach est un habitué du rendez-vous de Stanford, depuis déjà dix ans. Pour deux raisons : « La compétition est toujours de très haut niveau ici. Et puis comme mes élèves sont au lycée, cela leur permet de découvrir ici le niveau suivant, celui de l’Université. » Une structure pour laquelle ils devront toutefois révéler des qualités hors normes pour décrocher leur ticket d’entrée. Pour conserver son standing, Stanford se réserve à une élite et ne retient que les excellents élèves. Et aussi les plus fortunés avec des frais d’inscription atteignant plus de 45.000 dollars !
Malgré tout, les élèves du lycée public « San Rafael » pourront peut-être intégrer ce sanctuaire. S’ils en ont la capacité intellectuelle, à la faveur du programme d’aide financière. L’idée d’ouvrir l’école aux moins fortunés n’est pas nouvelle mais elle s’est encore renforcée ce printemps 2015, avec l’annonce de la gratuité d’inscription dans le cas où les revenus des parents sont inférieurs à 125.000 dollars. Pour confirmer de manière forte la volonté sociale propre à Stanford de s’assurer que le grand génie du futur ne soit pas évincé faute de ressources.

Stanford, de père en fille

Et bien sûr, comme un peu partout aux Etats-Unis, l’Université recrute en vue de renforcer ses différentes équipes sportives, pour favoriser la mise en avant de cette entité dans les enceintes sportives. La charmante Vanessa Fraser incarne ces surdoués, et livre une véritable ode à Stanford, qu’elle a intégrée il y a 18 mois : « C’est difficile de ne pas tomber amoureuse de cet endroit. J’aime ses vibrations ! » La jeune athlète a baigné dans l’ambiance Stanford depuis sa naissance, son père y avait étudié en son temps. Et aux Etats-Unis, les liens tissés avec son université demeurent tellement indestructibles, qu’ils font partie des gènes transmis à ses enfants…

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Alors, toute son enfance, la longiligne blonde a rêvé d’enfiler ce maillot couleur prune, arborant en grosses lettres blanches le nom de Stanford. Cette saison, elle évolue comme « sophomore », comprenez étudiante de 2ème année, et les performances s’enchaînent avec un nouveau record sur 5000 mètres amélioré de 19 secondes, en 16’01’’23. Et Vanessa Fraser de rendre hommage à son groupe d’entraînement, ces 20 filles évoluant du 800 au 10000 mètres, avec lesquelles elle partage les séances dirigées par Michael Eskind, l’un des six coaches dédiés à l’athlétisme sur ce campus.

Six coaches pour l’athlétisme

Après 18 mois intenses, Vanessa Fraser se sent lancée dans une spirale de réussite qu’elle n’entend pas interrompre de si tôt, avec en ligne de mire encore 4 à 5 ans d’études sur ce campus, où elle étudie les « Symbolic Systems », mêlant informatique et linguistique. Mais elle ne dissimule pas que ces longues années à venir ne la rebutent pas. Au contraire. Chaque jour, le plaisir est au rendez-vous, et sa course du jour l’a encore plus ancrée à Stanford, émue par tous les encouragements reçus sur tout le pourtour du stade.

Un stade qu’elle connaît très bien, elle y courait pour la 6ème fois, fidèle depuis le lycée au « Stanford Invitational », où elle évoluait alors sous les couleurs de Santa Cruz, petite ville californienne du sud de San José. Pour ce meeting 2015, l’équipe de Santa Cruz HS a à nouveau fait le déplacement, une toute petite délégation de huit athlètes conduite par Don Roberts, fervent adepte de la participation à ce rendez-vous : « On y retrouve une confrontation de grande qualité. Cela expose les jeunes à un niveau de compétition élevé. »

Sous sa casquette blanche affichant SC, ce quinquagénaire à l’épaisse moustache n’est nullement blasé par ses 35 ans de coaching, et il jubile avec bonne humeur de l’enthousiasme de ses quatre protégées, qui viennent de briller sur le relais Medley en améliorant leur record de 10 secondes : « Elles sont émerveillées, c’est très amusant à voir ! »

Maggie Vessey, l’égérie de Greg Brock

selection 55Cette victoire ne sera pas la seule que Santa Cruz pourra revendiquer. Au 2ème jour du meeting, Maggie Vessey mettra indirectement à l’honneur cette ville, avec la première place sur le 800 mètres, en 2’01’’58, nouveau record du meeting. Et l’athlète doit son retour à ce niveau à Greg Brock, le coach de référence pour Santa Cruz, il supervise depuis plus de 40 ans la préparation de la High School et du Track Club, et il a été le conseiller de Maggie Vessey entre 2008 et 2010, période où elle brille sur le 800 mètres, puis à nouveau depuis l’année dernière.

Ces deux dernières années, Maggie Vessey a fait beaucoup parler d’elle aux Etats-Unis, pour les tenues extravagantes qu’elle enfile sur la piste. Après la fin de son contrat ave New Balance, la Californienne installée à Beverly Hills s’est lancée dans la création de bodies très glamour. A Stanford, elle arrive pour sa course moulée dans un shorty noir décoré de strass brillants, le top noir avec le dos en résille noir, bretelles asymétriques, et strass argentés sur l’épaule. Les boucles d’oreille Chanel et le maquillage très sophistiqué, faux cils noirs, parachèvent le look très sexy.

A peine son arrivée effectuée, elle se précipite dans les bras de Greg Brock. La vision est un peu irréelle. Cette beauté enlacée avec ce septuagénaire, abrité du soleil sous un grand chapeau de toile beige sur la tête, vêtu d’un tee shirt Santa Cruz et d’une veste de survêtement complètement délavés par l’usure et les lavages. Greg Brock n’a cure de son apparence. Il tranche ainsi avec ses anciens condisciples de Stanford, qu’on retrouve dans les tribunes, en tenue chic faussement décontractée. Au milieu des années 70, ce miler de talent avait été recruté par l’université, il y partageait la chambre de Franck Shorter, et a buté de peu sur la sélection pour les JO de 1976 sur marathon. Il a ensuite construit une vie modeste autour du coaching, sa passion. Et chaque printemps, il se retrouve sur le bord de la lice de cette piste, qui l’enthousiasme par sa beauté.

Shalane Flanagan, la magie à Stanford

Shalane Flanagan compte aussi parmi les aficionados de Stanford. L’athlète, grandie dans le Massachuchets n’y a pas étudié, elle a fréquenté l’université de Caroline du Nord, mais elle a tissé un lien très particulier avec cette piste, où en 2008, pour ses débuts sur 10.000 mètres, elle s’était appropriée le record US, quelques mois avant d’obtenir la médaille de bronze aux JO de Pékin. Depuis, elle l’avait retrouvée en 2013, à nouveau pour une grosse performance. Et elle l’a choisie ce printemps pour son seul test en compétition avant son marathon de Boston où elle veut accéder au podium.

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Pour Shalane, un seul mot suffit pour qualifier ce lieu : « Magique ». L’athlète marathonienne avoue ressentir ici une sensation très particulière : « Pour les athlètes, tout est une question de support et de soutien des fans. C’est pour cela que je suis entichée de Boston. Ici, c’est ma version côte ouest de Boston ! »

Shalane a pourtant déroulé ses 25 tours dans des tribunes clairsemées, mais les spectateurs présents ont suivi avec vénération la course volontaire de la jeune femme transformée en implacable métronome, pour tourner les kilomètres sur le tempo qu’elle veut adopter dans les 10 derniers kilomètres de son marathon, et finir avec un excellent 31’09’’.

Un bonheur rare et intense que cette quête de la performance de haut niveau. Le cadre de Stanford, fief de l’excellence, était évidemment tout désigné pour l’accueillir.

 

> Texte : Odile Baudrier

> Photos : Gilles Bertrand

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