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MARATHON ET STEEPLE, DES SÉLECTIONS OLYMPIQUES À HAUT RISQUE

Les sélections pour les Jeux Olympiques comportent toujours leur lot de surprises et polémiques. Pour les Jeux de Paris, deux disciplines sont sous pression : le Marathon hommes et le steeple masculin, avec le quota de 3 maximum dépassé. Pourtant la FFA pourrait retenir Morhad Amdouni, qui n’a plus couru depuis février et Nicolas Marie Daru, qui ne figure pas dans le groupe cible Afld.

Un sélectionné olympique sur le marathon qui est blessé et/ou hors de forme mais qu’on ne contraint pas à démontrer sa forme alors que deux autres coureurs ont réalisé le minima olympique. C’est le cas de Morhad Amdouni, retenu sur son record de France de 2h03’47 établi mi-février à Séville, et qu’on n’a plus retrouvé sur le bitume depuis.

Morhad Amdouni est-il en forme à 5 grosses semaines du Marathon olympique ? La question demeure sans réponse compte tenu de son absence totale de vraie compétition depuis Séville. Le sociétaire de Val d’Europe a suite fait de la figuration en cross (16ème au Garric) et sur piste avec deux 3000 m de niveau inter régional dans le cadre des interclubs (8’40 et 8’49). Ensuite out du championnat d’Europe de semi, en raison d’une blessure. Puis aux 10 km de Langueux, c’est à quelques minutes du départ qu’Amdouni fait demi tour.

Autant d’éléments qui plaident pour une difficulté physique plutôt inquiétante à quelques semaines des JO. Or les conditions de sélection fixées par la FFA pour Paris 2024 sont très claires : « Jusqu’à la réunion technique de l’épreuve, la FFA pourra proposer le retrait d’un athlète de la sélection en cas de constatation d’un état de forme insuffisant ou d’une blessure compromettant la compétitivité de l’athlète dans son épreuve. »

Un élément fort que Maître Bertrand, avocat d’Hassan Chahdi, a fait valoir auprès de la FFA pour obtenir qu’un test soit imposé aux possibles sélectionnés olympiques, compte tenu que Hassan Chahdi et Félix Bour ont également réalisé le minima olympique, comme Nicolas Navarro, présélectionné, et Mehdi Frère, en délicatesse avec les règles antidopage. Soit 5 marathoniens pour un quota de 3, dont 4 ayant disputé diverses compétitions, y compris le Championnat d’Europe de semi pour Bour et Navarro (Frère sorti sur suspension provisoire prononcée par l’AIU).

Avec, selon nos informations, la convocation de Morhad Amdouni pour un test de forme à l’Insep Paris le jeudi 27 juin. Mais son entraîneur Jean Claude Vollmer s’est fortement opposé à cette exigence en avançant que son protégé avait bien démontré son état de forme avec sa prestation sur 3000 mètres pour les interclubs. Un argument plus que surprenant tant un 3000 mètres n’a pas grand-chose à voir avec les 42.195 km d’un marathon !

Et pour parachever le tout, Morhad Amdouni a mis le cap fin juin sur le Kenya pour sa préparation terminale alors qu’il était inclus dans le stage Équipe de France programmé à Font Romeu à partir du 6 juillet. Un choix pour le moins choquant alors que le Kenya est en proie à une énorme vague de dopage qui démontre l’étendue du problème à tous les niveaux et dans tous les lieux de stages. Comment la FFA peut-elle encore accepter que des athlètes qualifiables pour les Jeux s’exilent dans ce pays à quelques semaines du rendez-vous parisien ??

Nicolas Marie Daru, opération commando sur le Steeple

Autre errement qui confirme bien que le sujet dopage n’est pas majeur pour la FFA : le cas de Nicolas Marie Daru. La DTN serait prête à retenir le Champion de France de steeple pour les Jeux Olympiques. Pourtant celui-ci ne fait pas partie du groupe cible de l’AFLD, comme le confirme la liste du 23 avril 2024.

Pourquoi un tel manque ? Parce que Nicolas Marie Daru a réalisé une progression fulgurante dans le steeple, qui s’accorde mal avec les contraintes de l’intégration dans le groupe cible par l’AFLD.

A 35 ans, le sociétaire d’Echirolles est apparu telle une bombe dans le paysage athlétique français et personne n’aurait prédit il y a deux ans qu’il puisse devenir champion de France dans une discipline très compétitive, face à trois athlètes d’extrême qualité : Alexis Miellet, Louis Givaert, Djilali Bedrani, tous performants sur le 3000 m steeple et également sur le 1500 mètres.

La comparaison des chronos est parlante : 3’39 pour Daru, 3’34 pour Miellet et Gilavert, 3’35 pour Bedrani. Et pourtant c’est Nicolas Marie Daru qui a fait parler une pointe de vitesse sidérante sur son dernier tour avec 58 secondes alors que ses rivaux ne couraient qu’en 59.

La surprise ne pouvait qu’être grande, confirmant une progression chronométrique plus que surprenante depuis 2022. Car Nicolas Marie Daru n’a tâté du steeple qu’au printemps 2022. Dans ses jeunes années de pratique, sous le maillot des Coquelicots St Etienne, et du SA Montbrisonnais, entre 2004 et 2010.  Il n’était qu’un très moyen coureur de 1500 mètres, record à 4’10, à 19 ans, et de steeple, 9’54’, en junior à 18 ans, jamais sur un podium national, avec seulement un très modeste podium de vice-champion départemental cadet sur le cross en 2006.

Ensuite, l’athlétisme disparaît de sa vie en parallèle de son entrée dans les commandos des Chasseurs Alpins où il effectue des missions à l’étranger avant d’intégrer le Bureau des Sports. Le sport revient dans son parcours, étonnamment par le trail, en 2017. Il y accumule alors les victoires sur des épreuves régionales, peu de réussites sur des épreuves majeures, excepté une 3ème place à la Saintélyon fin 2021. Et c’est en 2022, qu’il opère alors un virage surprenant, vers la piste et le steeple. Avec à la fin de saison 2022, une marque plutôt insignifiante de 8’31 !

Brutalement, c’est l’explosion : en juillet 2023, Daru réalise 8’18 et frôle la sélection au Mondial de Budapest. Début 2024, le sociétaire d’Echirolles obtient une première apothéose, celle de l’Equipe de France de cross pour le relais mixte. A la mi-mai, un nouveau record sur le steeple, 8’16’’36, en Pologne, lui donne le ticket pour le Championnat d’Europe de Rome, où il passe à la trappe, 6ème, alors qu’Alexis Miellet décroche le titre et Djilali Bedrani la médaille d’argent.   

Pour la DTN, ce titre pourrait lui donner le ticket d’entrée pour Paris 2024, alors même qu’il n’a pas réalisé le minima olympique fixé par World Athletics à 8’15’’. C’est un point important alors que Djilali Bedrani est maintenant sur siège éjectable après ce France, en dépit d’une saison 2024 où il a réalisé deux fois les minima olympiques (Marrakech et Rome), de son record à 8’05’’et de son expérience des grands rendez-vous internationaux, plusieurs fois au Mondial, aux Europe sur piste et en cross, et présent aux JO 2021 (7ème en série).

Et sans oublier que la DTN n’a pas imposé dans ses critères de sélection l’obligation d’être intégré dans le groupe Cible AFLD. Le volet anti-dopage n’est présent que pour indiquer qu’un athlète en proie à une procédure anti-dopage ne peut être retenu.

C’est plutôt « léger » à considérer qu’ainsi un athlète pourrait représenter la France sans avoir pu être soumis à une véritable surveillance, au contraire de ses rivaux. A noter qu’au Kenya, la Fédération a imposé la règle de 3 contrôles hors compétition espacés d’au moins 15 jours pour qu’un athlète puisse disputer les trials kenyans. Certes, le pays est classé « rouge » sur le plan dopage, mais cela donne une indication des exigences qu’il est possible de prévoir dans ses critères de sélection pour limiter les situations douteuses ou propices aux critiques.

Mais même si la position officielle de la FFA est l’hostilité au dopage, ce « vide » démontre qu’une nouvelle fois, 5 ans après les scandales du dopage de Clémence Calvin et Ophélie Boxberger, et les affaires successives de localisations irrégulières qui ont frappé des athlètes de l’Equipe de France (Amaury Golitin, Mahmadou Fall, Pierre Ambroise Bosse, Mehdi Frère), des garde fous suffisants n’ont pas été posés. Certes, selon nos informations, l’AFLD a intégré Nicolas Marie Daru dans son « groupe de contrôle », réservé à des athlètes de bon niveau en préambule de leur intégration dans le groupe cible. Cela autorise des contrôles inopinés, mais cela n’est pas tout à fait équivalent sur le plan juridique aux procotoles imposés aux athlètes du monde entier, (en particulier il n’est pas demandé de fixer un créneau d’une heure pour être accessible pour un contrôle inopiné) avec les conséquences de manquements qui peuvent en découler. Or l »affaire Medhi Frère, grand ami de Nicolas Marie Daru, confirme à nouveau que « l’arme » de la localisation est de plus en plus utilisée dans la lutte anti-dopage.

Analyse : Odile Baudrier

Photo : D.R.