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Marathon de Paris : les chronos féminins s’envolent

Un vent de folie a soufflé sur la course féminine du marathon de Paris. Le record de l’épreuve tombe avec Purity Rionoripo, en 2h20’54’’, et dans sa foulée, elles sont cinq femmes à finir sous les 2h22’, et trois à améliorer leur record de près de 3 minutes. Une nouvelle confirmation du boost actuel des résultats féminines, à accueillir avec une certaine circonspection, tout juste deux jours après l’annonce du contrôle positif de Jemimah Sumgong, la championne olympique de Rio.

Texte : Odile Baudrier – Photos : Gilles Bertrand

Purity Rionoripo
Purity Rionoripo

L’EPO détectée dans les urines de Jemimah Sumgong, en pleine préparation pour le Marathon de Londres, qu’elle avait remporté en 2016, a ruiné le moral de toute une communauté du running, au Kenya comme dans le monde entier. Les tweets des uns et des autres, les articles parus dans les divers médias, attestent de cette sidération face à cette tromperie de celle qui a été sacrée championne olympique il y a à peine 8 mois. Même si des rumeurs circulaient sur d’éventuelles mauvaises pratiques, il paraissait inenvisageable qu’elle soit assez inconsciente pour parachever sa préparation pour Londres de manière artificielle… Mais le jeu en valait sans doute la chandelle, avec en perspective de gros paquets de dollars, en particulier les 300.000 dollars des World Marathon Majors.

Cette sordide nouvelle ramenait aussi sur le devant de la scène le débat autour des performances de trois autres Kenyanes, en ce début d’année 2017, avec les records du monde de Joyciline Jepkosgei, de Peres Jepchirchir, et le chrono incroyable de 2h19’ de Sarah Chepchirchir, évoluant dans le même groupe d’entraînement que Jemimah Sumgong.

Flomena Cheyech
Flomena Cheyech

Et dans la foulée, les résultats féminins du marathon de Paris ne peuvent manquer, eux aussi, de susciter interrogations et questionnements. Quatre femmes sous les 2h21’36’’ sur un marathon, c’est extrêmement rare, et l’analyse des bilans confirment qu’il n’y a que deux précédents : Chicago en 2002 (4 femmes) et Dubaï en 2012 (6 femmes). Mais ces deux épreuves avaient bâti des plateaux plus qu’exceptionnels à grands coups de dollars, en particulier à Chicago, avec l’orchestration d’un record du monde pour Paula Radcliffe (2h17’18’’).

Un gain de 3 minutes pour passer de 2h24 à 2h21

Paris ne se situait nullement dans un tel contexte, et la liste des élites féminines dévoilait cinq coureuses aux records évoluant entre 2h22’44’’ et 2h24’47’’, et sans personnalité très marquante. Au bout du compte, elles seront quatre à littéralement exploser leur meilleure marque.

marathon de paris 2017 16
Visiline Jepkesho

Purity Rionoripo, la première, descend sous les 2h21’ (2h20’54’’), elle valait 2h24’47’’ depuis Chicago 2016. Agnès Barsosio termine aussi sous ce seuil (2h20’57’’), pour un record à 2h24’03’’ datant de 2013. Flomena Cheyech prend la 3ème place en 2h21’22’’, contre 2h22’44’’ établi lors de sa victoire à Paris 2014. Visiline Jepkesho est la 4ème, 2h21’36’’ contre 2h24’44’’ pour sa victoire à Paris 2015.

Elles sont ainsi trois à gagner plus de 3 minutes sur leur référence. Ce n’est pas rien ! Sans la sale affaire de Jemimah Sumgong et de ces gros chronos des coureuses du Kenya, cette sarabande de performances parisiennes n’aurait peut-être suscité qu’une simple perplexité. Et les commentaires n’auraient pas manqué non plus pour insister sur le retard qu’enregistrent encore les performances féminines, et que ces Kenyanes seraient en train de combler.

Mais plusieurs repères donnent un peu le tournis. Surtout l’âge de ces marathoniennes en plein progrès. Purity Rionoripo n’a que 24 ans, et derrière elle, un très beau background, depuis son titre de championne du monde cadette sur 3000 m en 2009, avec aussi une 2ème place au Mondial junior de cross en 2010, un chrono de 2h25’ dès ses débuts sur la distance des 42.195 km en 2015, répété ensuite à 2 reprises, en 2016.

Cependant Agnès Barsosio et Flomena Cheyech affichent toutes les deux 35 ans. Et comme le souligne le manager Gianni Di Madonna : « C’est possible de courir en 2h20-2h21. Mais pas pour des femmes qui courent depuis 10 ans, et qui ont 35 ans ! »

Agnes Barsosio est en fait Agnes Kiprotich, l’épouse d’Abraham Kiprotich

Mais, c’est surtout, le résultat d’Agnes Barsosio qui suscite un vrai malaise. Car les initiés n’ont pas manqué de l’identifier sous le nom qu’elle utilise habituellement, celui d’Agnes Jeruto Kiprotich. Elle est en effet l’épouse d’Abraham Kiprotich, tristement connu en France pour avoir été sélectionné aux JO de Londres pour la France avant de connaître un contrôle anti-dopage positif en 2013, et une suspension de deux ans… Elle même n’est nullement une inconnue en France, où elle débuté sa carrière, écumant les classiques et courses diverses à travers tout le pays, durant les années 2004 à 2010.

Agnes Barsosio ou Agnes Kiprotich
Agnes Barsosio ou Agnes Kiprotich

Durant la suspension d’Abraham, Agnes,  mère de deux enfants, a poursuivi, elle, sa carrière, accumulant les compétitions à travers le monde entier pour faire vivre la famille. Elle a ainsi disputé 5 marathons en 2014, 2 en 2015 et 2 en 2016. A Séoul, au printemps 2016, elle s’était rapprochée à nouveau de son record personnel de 2h24’03’’ établi en 2013.

Sur les pavés parisiens, pour son 15ème marathon en 10 ans de carrière, c’est une véritable embellie qu’elle a traversée, et comme on aimerait juste l’accueillir avec des yeux brillants…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand
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Purity Rionoripo