Le marathon US marque le pas, surtout chez les hommes avec au bilan 2015, pas un coureur signant un temps sous les 2h 10’. Le meilleur d’entre eux est Luke Puskedra, 2h 10’24’’ à Chicago en 2015. On le présente comme favori des sélections olympiques américaines qui auront lieu à Los Angeles le 13 février prochain. A découvrir et à suivre.
Aux Etats Unis, il suffit d’une étincelle pour que la mécanique médiatique s’enflamme. Et comme souvent, dans ces emballements précipités, il y a bon nombre de pétards mouillés, des perfs qui fanent plus vite qu’un nénuphar sorti de sa mare.
Les 1h 01’36’’ réalisés à Houston par le jeune Luke Puskedra en 2012 furent à ranger sur cette étagère bancale. En cette année olympique, cet étudiant signe en effet, à 21 ans, un temps significatif pour que sponsors et médias s’intéressent de très près à ce coureur qui en termine de son cursus universitaire à l’Université de l’Oregon à Eugene. Classé 132ème mondial cette année-là dans une marée de Kenyans, 81 sont recensés dans le même échantillon, Luke Puskedra paraphe ainsi le bas de page d’un contrat Nike conséquent et rentre dans l’écurie coachée par Alberto Salazar, le Nike Oregon Project. Aux côtés de Galen Rupp, son rêve se réalise, il devient athlète pro.
Mais cet athlète fin et longiligne ne confirme pas. Tiraillé dans ses choix, entre demi-fond long et route, il hésite…ses perfs stagnent. Deux saisons, sans rien à se mettre sous la semelle, c’est trop long, les volets se ferment. Nike se retire, le NOP aussi, Luke Puskedra n’a plus la main, dans ce jeu de l’oie géant, l’implacable vérité des chiffres le renvoie à la case départ.
Il aurait pu tout plaquer. Il s’en est fallu d’un rien lorsqu’il tire un cap pour rejoindre l’Afrique du Sud où les parents de sa compagne possèdent une ferme. Il oublie la course à pied, les régimes, une vie d’ascèse, une forme d’infantilisation lorsque l’on met son destin d’athlète entre les mains d’un entraîneur à l’exigence absolue.
Le marathon, c’est un grand jeu de l’oie, Luke Puskedra en connaît les règles, pour éviter les pièges, le labyrinthe, la prison, le puits
2014, retour au bercail. Andy Powell son entraîneur au sein des Duke, le rattrape par l’épaule « ton avenir, mon gars, c’est d’être coureur pro ». Il a bien quelques kilos de trop mais à 23 ans, tout son potentiel est intact. Il prépare vite fait le marathon de New York. Le temps n’est pas significatif, 2h 28’54’’ mais un schéma directeur se dessine, c’est bien sur marathon qu’il doit s’exprimer, car bridé sur piste avec des temps insuffisants, comme ses 27’56’’62 sur 10 000, pour émerger au niveau mondial.
Cela s’avère juste car une année plus tard, Luke Puskedra s’est installé au sommet de la hiérarchie américaine avec ses 2h 10’24’’ réalisés à Chicago, un temps certes modeste mais qui le place favori des trials, les sélections américaines qui auront lieu le 13 février prochain en plein cœur de Los Angeles et qui offrent une sélection olympique aux seuls trois premiers de la course.
Ces trials sont encore aujourd’hui une vraie énigme. Il y aura bien entendu la vieille garde au départ dont Meb Keflezighi en route pour une quatrième sélection et Dathan Ritzenhein handicapé par les blessures, mais le mystère est bien entretenu quant à la participation de Galen Rupp qualifié avec 1h 01’20’’ en décembre à Portland, de même pour le crossman Chris Derrick, 1h 03’41’’ à Jacksonville en janvier. Le marathon, c’est un grand jeu de l’oie, Luke Puskedra en connaît les règles, pour éviter les pièges, le labyrinthe, la prison, le puits. Aux trials, on a un seul coup à jouer.
> Texte Gilles Bertrand