A chaque sortie, Liv Westphal connaît la réussite, elle profite du meeting de Stanford pour s’approprier un nouveau record de France du 5000 mètres espoir en 15’33’’33, après celui du 5000 mètres et du 3000 mètres indoor. La jeune Française du Boston College incarne parfaitement la réussite à l’Américaine.
Les yeux bleus scintillent de mille éclats. Le sourire est fatigué mais radieux. Son 5000 mètres a comblé Liv Westphal. Le chrono a affiché 15’33’’33. Elle poursuit sur la lancée de son énorme performance de cet hiver, les 15’31’’62.
Liv est accueillie par des hurlements de joie de ses amies et de l’assistante coach du Boston College. Les accolades à la mode américaine se succèdent, pour la féliciter de cette nouvelle performance, qui fait briller leur université sur cette piste de Stanford.
Durant toute la course, le nom de Liv Westphal a souvent été annoncé par le speaker officiel du meeting. Le parcours de la jeune Française est désormais suivi aux Etats-Unis. Elle se tortille avec gêne pour expliquer : « Oui, car j’ai fait une très bonne saison de cross. Et puis mes 15’31’’, c’était le 3ème temps américain. Petit à petit, j’arrive à faire rentrer mon nom dans tête des gens. Evidemment, en tant que Française, ce n’est pas évident ! Il faut vraiment percer pour qu’on retienne le nom. »
La performance claque aux Etats-Unis, et bien plus encore côté France. Elle lui adjuge le record de France senior. Et peut-être aussi le record estival des espoirs ? Les choses ne sont pas très claires, et Liv s’en agace un peu, soulignant demeurer dans l’attente d’infos de la FFA pour savoir si ce chrono indoor peut être validé pour l’outdoor.
La préparation sur tapis roulant à cause du froid
Mais avec ses 15’33’’33 réussis à Stanford, l’imbroglio se trouve dénoué. Liv gomme la précédente référence, celle de Joalsia Llado de 22 secondes, elle datait de 1996. Et pourtant elle arrivait en Californie très incertaine sur ses capacités : « Je me croyais hors de forme. »
La faute à des conditions de préparation très difficiles en raison de l’hiver sibérien qu’a connu Boston, avec des températures glaciales et des chutes de neige impressionnantes. C’est ainsi souvent sur tapis roulant que Liv a effectué ses footings : « C’était tout simplement impossible de sortir ! » Pourtant, Liv adore cette ville où elle vit depuis 4 ans, pour son état d’esprit si particulier qui s’en dégage : « Tous les dimanches matins, il y a au moins 500 personnes qui vont courir dans des conditions incroyables. Quel que soit ton niveau, tu vas courir le dimanche matin par moins 20 degrés ! Je suis vraiment très attachée à cette ville maintenant. Il y a vraiment cet esprit running que j’apprécie. Je crois que c’est vraiment une ville qui incarne la mentalité des courses de fond, qui ne lâche rien. »
Et cette attitude volontaire imprègne complètement Liv. Sur la piste de Stanford, elle ne lâche rien, elle sait qu’une telle compétition est extrêmement rare aux Etats-Unis, avec ce mélange d’étudiantes représentant les Universités aux côtés d’athlètes professionnelles, qui assurent le tempo. Elle sait saisir cette opportunité qu’elles ne sont que 6 sur les 20 filles formant l’équipe du Boston College à avoir été autorisées à effectuer ce déplacement, pour des raisons budgétaires.
La pression est évidemment forte pour que la réussite soit au rendez-vous des investissements. Mais la prise de risque n’existe pas avec pour Liv Westphal. Les bons chronos ont sanctionné toutes ses compétitions hivernales. Le 5000 m début décembre à Boston. Ses deux 3000 mètres en février, avec 9’08’’99 le 13 février à Boston, également un record de France espoir. Etonnamment, Liv boude cette performance, et souligne : « 9’08’’, c’est convenable, sans plus. Je voulais faire moins de 9’05’’ ». Mais la préparation des premiers mois de 2015 ne lui avait pas donné toutes les clefs, faute de réaliser ces séances de résistance qui l’avaient bien affûtée à l’automne dernier.
Bientôt un MBA à 21 ans
Il lui a fallu aussi poursuivre la conciliation entraînement-scolarité qu’elle mène à bien depuis quatre ans maintenant, avec dans quelques mois son MBA en communication, management, et études hispaniques : «C’est une Université qui met plus en avant le côté académique que sportif. »Elle poursuivra pour une année avec un Masters en Business Administration. Et ensuite, le retour vers la France est-il au programme pour la jeune Française ??
Liv rit en expliquant : « C’est la question difficile ! » Au point qu’elle fait même un gros lapsus en utilisant le verbe rester au lieu de rentrer… En théorie, son idée serait de revenir vers son pays natal, mais les choses paraissent embrouillées, avec aussi son envie de s’investir à fond dans l’athlétisme : « Mes parents et moi, on se pose la question de savoir si ça vaut la peine de prendre une année sabbatique. Certes les conditions d’entraînement sont bonnes, mais je vais quand même en cours. Le rythme est assez soutenu. » Et Liv envisage tous les scénarios, l’investissement dans l’athlétisme à 100%, un travail à 100%, la combinaison entraînement et travail.
Tout est possible pour ce gros talent, qui n’a fêté ses 21 ans que fin décembre ! Son parcours parfait témoigne d’exceptionnelles qualités encore amplifiées depuis son arrivée aux Etats Unis : « J’aime beaucoup cette ambiance américaine. Il y a un esprit d’équipe qui m’a beaucoup apportée. Je suis arrivée à 17 ans, j’étais un peu le bébé de l’équipe et je me retrouve comme une des vieilles. Cela m’aide à mûrir mentalement, à partager mon expérience. »
Dans le top 20 français senior
Et sa pratique s’est encore enrichie cet hiver. Avec en ligne de mire pour cet été, le Championnat d’Europe espoirs, et peut-être le 10 km route. Liv l’avoue, elle rêve aussi de disputer le meeting Areva, même si elle se reprend très vite pour insister : « Je n’ai pas encore le niveau ! »
Mais en réalité, faute de courir en France, Liv se mésestime. Ses chronos actuels l’ont propulsée dans le top 20 Français senior de tous les temps sur 5000 mètres… Les choses sérieuses pourraient se poursuivre, il traîne déjà dans un coin de sa tête l’idée de découvrir le 10000 mètres. Et en cette fin de soirée, à Stanford, elle n’a rien perdu de la très belle démonstration sur cette distance de Shalane Flanagan, la référence absolue aux Etats-Unis.
Texte : Odile Baudrier
Photos : Gilles Bertrand