L’Espagne demeure bien la plaque tournante du dopage en Europe. Pour la deuxième fois en moins d’une année, la police espagnole démantèle un nouveau laboratoire clandestin fabriquant des produits dopants. Pourtant depuis 2016, les opérations de la police ont été nombreuses mais les laboratoires continuent à produire sans relâche et à alimenter toute l’Europe…
L’Espagne reste fidèle à sa réputation de plaque tournante du dopage. La nouvelle opération de la police espagnole le confirme, au cœur d’un laboratoire clandestin installé dans une maison à Benalmadena, situé à 20 km au sud de Malaga.
C’est un nouveau coup fort envoyé dans la fourmilière du dopage qu’a donné la Police Nationale Espagnole, avec cette interpellation de sept personnes impliquées dans la fabrication de produits dopants. Lors de leur descente, filmée et diffusée sur Twitter, es policiers ont saisi plus de 125000 doses de médicaments divers, des machines, et également des ingrédients bruts prêts à être utilisés pour la fabrication des produits dopants. Ces ingrédients arrivaient à Benalmadena, depuis la Chine, la Turquie et la Bulgarie. Et ce sont justement ces livraisons qui avaient attiré l’attention des autorités douanières, dès 2019.
Près de trois ans plus tard, combien de doses de dopants sont sorties de ce laboratoire, et combien de sportifs ont pu profiter de cette production illicite ? L’Espagne apparaît un véritable eldorado pour les tricheurs, avec cette dissémination de laboratoires à travers tout le pays.
Les arrestations se multiplient, les trafiquants n’arrêtent pas
En mai 2021, c’est au sud de Madrid qu’allait être découvert le plus gros laboratoire clandestin d’Europe, capable de produire 1000 kilos de stéroïdes anabolisants et autres produits interdits par an, et 21 personnes étaient arrêtées, avec la saisie de 3 millions de doses de produits.
En juin 2018, c’est dans la province de Saragosse que l’opération « RELIEF » était conçue, avec l’interpellation de six personnes à Calatayud. Les perquisitions menées à Calatayud, Madrid et Valence, allaient dévoiler de l’hormone de croissance, de la testostérone, de l’insuline, et du matériel pour les transfusions sanguines.
En février 2018, la police démantèle un trafic d’EPO, qui concerne sept sportifs, et notamment le marathonien Julio Rey, vice-champion du monde en 2003, qui avait achevé sa carrière en 2009, mais continuait à être actif dans le dopage.
En 2017, une énorme opération avait été menée, avec l’arrestation de 14 personnes, et la saisie de plus de 3 millions de doses d’hormones de croissance, l’un des plus grands stocks d’Europe. Quelques mois plus tard, l’opération CHAMBERTI débouchait sur la mise en cause de l’athlète Illias Fifa, après la découverte à son domicile de produits dopants, et de Mokhtar Ayoub, champion d’Espagne du 3000 mètres.
L’affaire Jama Aden n’a débouché sur aucune sanction
Sans oublier bien sûr l’interpellation en juin 2016 près de Barcelone de Jama Aden, l’un des plus importants entraîneurs mondiaux en demi-fond, placé en garde à vue, après la découverte d’EPO dans l’hôtel de Sabadall où il résidait avec ses athlètes, et surtout l’Ethiopienne Genzebe Dibaba, six titres mondiaux, et recordwoman du monde du 1500 m (3’50 »07).
Mais finalement six ans plus tard, l’affaire n’a pas eu de véritable impact, ni sur le plan sportif, ni sur le plan légal. Le coach qui travaillait alors essentiellement pour le Qatar n’avait pu se rendre aux Jeux Olympiques de Rio, mais ses meilleurs athlètes y étaient bien présents, et Genzebe Dibaba y décrochait l’argent olympique sur le 1500 mètres.
Toutefois aucune suspension sportive n’était prononcée contre Jama Aden. Il jouait alors fin en se faisant complètement oublier, il était question d’une retraite dans son pays d’origine, la Somalie, mais en février 2020, il était signalé par la presse britannique de retour en stage en Ethiopie. Et il réapparaissait publiquement en septembre 2021, au Bahrein, aux côtés de Kalkidan Gezahegne, lors d’une cérémonie organisée, en l’honneur de son titre de vice-championne olympique du 10000 mètres. Visiblement, Jama Aden a retrouvé en toute impunité le chemin des stades, en évoluant cette fois pour le Bahrein, frère ennemi du Qatar, son ancien employeur. Et il n’a rien oublié de ses méthodes, qui ont permis à sa nouvelle protégée de se hisser sur un podium olympique, à 30 ans, et après un « creux » de près de 10 ans depuis son titre mondial indoor sur 1500 mètres !
Officiellement, son cas n’est pas fermé par la justice espagnole, un procès était programmé pour l’automne 2020, la période du COVID a brouillé les calendriers. Mais il est certain que Jama Aden ne reviendra pas en Espagne pour ce procès, et qu’une éventuelle condamnation n’aurait en réalité pas de conséquence pour lui. Sauf de lui fermer la porte de l’Espagne.
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : D.R.