En quelques semaines, deux sportifs ont été suspendus pour contrôle positif à l’EPO, le Néo Zélandais Zane Robertson, et le triathlète Américain Collin Chartier. Tous les deux ont finalement avoué avoir utilisé l’EPO, en se justifiant par une baisse de leurs performances. Les deux soutiennent également qu’il s’agissait de leur première injection d’EPO. Vrai ou faux ???
L’anti-dopage se télescope parfois de manière étonnante. Début mars, le « cas » Robertson crée la stupeur chez les passionnés d’athlétisme. Quelques semaines plus tard, c’est celui de Collin Chartier qui provoque un séisme chez les fans du triathlon. Deux cas qui sortent des habituels litanies de noms d’athlètes issus du Kenya ou de Russie. Et tous les deux vont provoquer une deuxième surprise, celle de leurs aveux. Une situation extrêmement rare chez les athlètes positifs, qui préfèrent souvent se « noyer » dans les mauvaises explications…
Pourtant, au départ, Zane Robertson avait réagi de la pire des manières en apprenant que son échantillon prélevé en mai 2022 lors de Great Manchester Run avait révélé la présence d’EPO. Le Néo-Zélandais avait adopté une posture étonnante : conserver le secret sur sa suspension provisoire, continuer à faire des compétitions comme si de rien n’était, monter un dossier médical complet truffé de faux pour se justifier.
Zane Robertson, une défense à la Kenyane
En bref, Zane Robertson avait réagi « à la kenyane », reproduisant une méthode que tant d’athlètes du Kenya ont répétée à travers les années. Or Zane Robertson, tout Néo-Zélandais qu’il soit, a été largement inspiré par le Kenya, pays où il a choisi de vivre, en 2007, dès l’âge de 17 ans. L’histoire a alors fait le tour du monde chez les passionnés d’athlétisme, séduits par ce parcours novateur, celui de ces jumeaux, qui décident de s’installer à Eldoret pour s’y préparer aux côtés de leurs rivaux, les athlètes du Kenya.
Quinze ans plus tard, les Robertson apparaissent avoir tiré leur épingle du jeu, avec six records nationaux pour Zane, de la piste au semi-marathon, et marathon (2h08’), une médaille de bronze aux Commonwealth Games 2014, deux participations aux JO (2016 et 2021), et un record national du 10.000 m pour son frère Jake.
La « vraie » histoire se révèle beaucoup plus complexe. Zane avait annoncé s’être installé en Ethiopie, lassé des histoires de dopage qui polluent le Kenya, et avait clamé avec force en 2016 qu’il avait été menacé de mort au Kenya pour avoir parlé du dopage. En réalité, il était revenu depuis peu à Eldoret, dans des conditions difficiles. Affecté par le COVID et la longue période sans compétitions, qui l’a fragilisé sur le plan financier. Usé par un divorce compliqué et coûteux. Ebranlé par la suprématie d’athlètes qu’il sait tricher avec le dopage.
Zane Robertson invente même de faux médecins
Une équation qui le conduira tout au droit au dopage. C’est finalement ce qu’il explique au micro de Don Harvey pour son podcast « Runners Only » pour justifier pourquoi il s’est tourné vers l’EPO. Et il insiste aussi sur son énorme détresse psychique, et sur ses idées suicidaires.
La démarche s’avère finalement rare chez les athlètes suspendus pour dopage. Mais force est d’admettre aussi que la première réaction de Zane Robertson avait été le mensonge. L’annonce que son contrôle de fin mai lors de la Great North Run de Manchester revenu positif à l’EPO, et idem l’échantillon B, ne l’interrompt pas. En novembre, Zane Robertson dispute un 10 km en Egypte. En parallèle, il entame la production de son dossier de défense, qui intègre moult faux documents. Il a sorti l’artillerie lourde en invoquant s’être rendu dans une clinique kenyane pour une vaccination contre le COVID. C’est alors qu’il soutient que l’équipe médicale aurait commis une grosse erreur : lui administrer un traitement pour le COVID, qui incluait soi-disant de l’EPO. Autant de données fantaisistes qui vont vite se trouver démontées, puisque même les deux médecins qui l’auraient soigné, n’existent pas…
C’est finalement seulement après avoir reçu une suspension de 8 ans par l’anti-dopage de Nouvelle Zélande que Zane Robertson consent à reconnaître ses torts et à faire ses aveux. Avec une version très simple : il s’est dopé une seule fois. Une posture qui ne peut pas bouger d’un fil, pour éviter que toute sa carrière ne soit remise en cause… Ce serait alors tous ses records, qu’il faudrait revoir !
Le triathlète Collin Chartier a débuté l’EPO en novembre 2022 ??
Une dose unique et la faute à pas de chance que ce « one shot » ait débouché sur un contrôle positif. C’est la même doctrine pour le triathlète Collin Chartier . L’Américain aurait, lui, fait sa commande d’EPO sur internet pour pouvoir « tenir son rang » face à des rivaux qu’il estime « tous dopés ».
Mais Collin Chartier, lui, n’a pas essayé de jouer. A l’annonce de son résultat positif de février 2023, suite à un contrôle hors compétition, et de sa suspension provisoire révélée fin avril, il a posé cartes sur table. Avec humour en expliquant : « Je ne vous ferai pas le coup du burrito contaminé ou de la fausse vaccination du COVID. Oui, j’ai pris de l’EPO ».
Une cure qu’il affirme avoir débuté en novembre 2022. Quelques semaines plus tôt, en septembre, ce professionnel du triathlon de 29 ans venait d’empocher plus de 100.000 dollars pour sa victoire au PTO US Open, où il avait créé une énorme surprise. Un joli gain qu’il devrait conserver puisque les tests effectués ce jour-là n’ont rien révélé d’anormal, a révélé le PTO, l’organisation des triathlètes professionnels.
Tout de même, le timing apparaît troublant : une victoire majeure en septembre en toute « propreté » et une cure d’EPO en novembre ??? Comme pour Zane Robertson, les spécialistes de l’anti-dopage s’interrogent sur l’incroyable coïncidence qui existerait d’un prélèvement effectué juste après une injection unique d’EPO ou le début d’un dopage.
Alors, vrais ou faux aveux, il faut certainement patienter un peu plus longtemps pour se faire une véritable opinion. Avec le risque qu’un fournisseur livre le nom de ses clients ou qu’un ami complice parle. Ou bien que leur conscience se libère et livre une vérité totale…
Analyse : Odile Baudrier
Photos : D.R.