Les stéroïdes anabolisants figurent parmi la liste des produits interdits, considérés comme dopants, et tout récemment Amandine Guyot a été suspendue après un contrôle positif, argumentant avoir eu recours à des stéroïdes uniquement pour sa pratique du body building. Alors, efficaces ou pas pour les coureurs à pied ? Pierre Sallet, spécialiste anti-dopage au sein de « Athletes for Transparency », explicite une réalité complexe. Il souligne surtout le danger pour la santé que présentent ces substances.
Quid des stéroïdes anabolisants ?
Ce sont des hormones qu’on appelle endrogènes, et qui donnent le caractère masculin. Ces substances sont fabriquées par l’organisme. Les principales stéroïdes anabolisants sont : la testostérone, l’hydrotestostérone, les stéroïdes, qui forment trois grandes catégories d’endrogènes.
Les stéroïdes anabolisants peuvent être des substances naturellement produites par l’organisme, ou bien des stéroïdes artificielles ou encore des molécules artificielles, reproduisant les molécules naturelles.
Le sportif à la recherche de dopage dispose de deux possibilités :
- prendre de manière exogène une molécule produite par l’organisme
- utiliser des stéroïdes anabolisants, qui sont des molécules de synthèse, que l’organisme ne produit pas.
En résumé, il s’injecte des molécules que l’organisme produit déjà ou bien des molécules que l’organisme ne produit pas.
Dans tous les cas, toute la classe des stéroïdes anabolisants figure bien sur la liste des interdictions WADA dans la catégorie S1 – agents anabolisants, et les substances sont interdites.
Quels effets des stéroïdes anabolisants ?
Le terme d’anaboliste s’oppose à cataboliste : anaboliste signifie une croissance sur les tissus – cataboliste correspond à la destruction de molécules dans l’organisme.
La première réaction anabolisante des stéroïdes se traduit sur les tissus : notamment les stéroïdes anabolisants ont un effet très fort sur la cellule musculaire. L’hormone de croissance comporte une action beaucoup plus générale, elle entraîne un développement des cellules osseuses, des tissus musculaires. La substance la plus propice à provoquer un développement spécifique sur la cellule musculaire demeure les stéroïdes anabolisants, et notamment la testostérone. Dans le cas d’une recherche de prise musculaire, le sportif cible plutôt les stéroïdes que l’hormone de croissance. D’autant que c’est aussi beaucoup moins cher.
Mais cet effet sur les cellules musculaires n’est pas le seul provoqué par les stéroïdes anabolisants. Ils ont en effet une action importante sur l’hématopoïèse, c’est-à-dire sur la stimulation au niveau de la moëlle osseuse pour produire les globules rouges.
Et une 3ème action provient des stéroïdes anabolisants : il s’agit de la diminution des triglycérides, d’où une action sur la perte de graisses.
En analysant seulement l’effet principal du produit, à savoir la prise de masse musculaire, l’intérêt de ces substances sur la course à pied apparaît très limité puisque une prise de masse signifie une prise de poids, ce qui n’est pas bon pour les coureurs et coureuses. Mais cela occulte complètement deux impacts des stéroïdes anabolisants
- Ils produisent une stimulation de l’hématopoïèse – donc de la production de globules rouges
- Ils provoquent une perte de masse grasse
Ces deux aspects sont bien évidemment bénéfiques pour la course à pied.
Les coureurs aussi utilisent des stéroïdes anabolisants
L’histoire du dopage démontre que beaucoup de coureurs de fond et demi-fond ont été positifs aux stéroïdes. Or, si des athlètes de très haut niveau basculent sur une substance, on sait d’expérience qu’ils ne le font jamais par hasard : le sportif à la recherche du dopage, s’il sent que la substance n’a pas d’effet sur lui, ou présente des effets secondaires trop forts, va s’en séparer. Donc s’il conserve cette substance, c’est forcément parce qu’il en ressent des bénéfices.
En résumé, d’un côté, la théorie est que les stéroïdes anabolisants et la testostérone ont plutôt un impact sur la masse musculaire et au premier abord, il apparaît que pour être plus performant en course à pied, la prise de substances agissant au niveau sanguin, (type EPO, transfusions…), est plus efficace. Toutefois, en analysant plus finement, il apparaît que les stéroïdes ont un effet sur l’hématopoïèse, sur la perte de masse grasse, donc un effet encore plus visible sur la performance dans les sports d’endurance.
Les stéroïdes anabolisants, obligatoires pour le body building ?
L’entraînement a un impact sur la masse musculaire, et la prise de masse musculaire est un mécanisme normal suite à un entraînement. Avec deux phénomènes : l’hypertrophie : les fibres musculaires croissent en diamètre, le muscle grossit. Et l’hyperplasie : les fibres musculaires se dédoublent.
L’entraînement influence sur la masse musculaire, et également sur la perte de masse grasse, avec diminution des tryglicérides.
Pour la perte de masse grasse, il n’existe pas de limite : l’organisme a des alarmes, mais pas d’inhibiteur total, qui bloque à un moment l’amaigrissement. Dans le cas où la personne ne mange pas, à un moment, elle continue à maigrir, à s’affaiblir et à mourir.
Par contre, pour ce qui concerne le muscle, après un certain temps, le bodybuilder atteint une limite par l’entraînement, notamment par les phénomènes d’hypertrophie : le diamètre de fibres atteint ses limites, et à partir de là, l’entraînement ne permet plus de progresser. La seule progression possible est alors d’origine chimique, par la prise de toutes les substances exogènes, de la testostérone à la DHEA, l’hormone de croissance, le salbutamol.
A l’observation des bodybuilders, je vois des sportifs avec des muscles hypertrophiés, à l’extrême, des pertes de masse grasse très importantes, des peaux d’apparence spécifique, très asséchées, et je n’arrive pas à concevoir que ce soit possible naturellement.
Je ne peux croire que naturellement, l’athlète ait atteint cette esthétique-là par des moyens d’entraînement et de la gestion d’alimentation. Selon moi, cela suppose une prise massive de stéroïdes anabolisants, et une prise massive de diurétiques en période de compétitions pour sécher. Ce sont ces deux produits qu’on voit à l’œil nu.
C’est comme la prise de corticoïdes dans des sports d’endurance, où les volumes d’entraînement sont très élevés, que ce soit à pied, ou en vélo. On observe chez ces sportifs très peu d’adiposites au niveau des joues, et une inflammation due à la rétention d’eau sur les joues : ce sont des témoins clefs de la prise de corticoïdes
Les cures de stéroïdes anabolisants, différentes selon le sport
Le dopage est une expertise dans le protocole. Les produits utilisés pour le body building et la course à pied ne seront pas utilisés de la même manière : pas dans les mêmes périodes, les mêmes dosages, les mêmes modes d’injection. Evidemment le stéroïde pris pour augmenter la masse musculaire, pour prendre 15 kg de muscles des membres supérieurs, n’est pas l’idéal pour courir longtemps. A un moment, cela devient délétère.
L’usage de stéroïdes en complément des médicaments classiques utilisables dans les sports d’endurance, a un effet bénéfique, mais dans le cas d’une cure très orientée bodybuilding, un effet bénéfique peut exister sur les premiers mois, lors des premières prises de masse musculaire et de l’assèchement, mais ensuite, l’effet va être délétère sur la performance course à pied.
Les stéroïdes, un vrai danger pour la santé
Les stéroïdes anabolisants sont les substances les plus dangereuses, elles ont un effet anaboliste, elles provoquent le développement des tissus, elles agissent sur les cellules musculaires, mais aussi sur toutes les cellules,
Ces produits engendrent un développement cellulaire, le code génétique des cellules peut être modifié, et des cellules normales deviennent cancéreuses. Le gros risque est de développer des cancers, et des problèmes sur la fonction rénale. Les stéroïdes sont en effet plus efficaces avec des prises massives de protéines, qui sont des grosses molécules, et exigent donc un travail énorme pour le rein pour gérer les molécules, et les catalyser.
Mais stéroïdes + protéines = un risque énorme sur la santé. Et encore plus important chez les filles car les hormones endrogènes sont présentes en très petite quantité chez les filles, et elles donnent le caractère mâle. C’est encore plus dramatique pour la santé et la fertilité d’une femme.
N’oublions pas non plus que ces substances ont un effet sur l’humeur. Elles donnent la patate, le sentiment d’être fort, costaud. Mais quand le sportif arrête, il voit son corps se transformer à l’inverse, et l’humeur s’assombrit beaucoup..
Propos recueillis et synthéthisés par Odile Baudrier