Les deux sœurs Tomomi et Nozomi Takamatsu n’ont que 14 et 17 ans mais sont déjà considérées au Japon comme des prodiges du demi-fond.
Les motos ouvreuses sont tous phares allumés, les spectateurs massés en foule sur les bords de trottoirs se penchent comme pour recevoir une offrande. Les mains se tendent, les petits drapeaux s’agitent au vent, les coureurs arrivent.
Janvier, c’est le mois des Ekiden au Japon et celui de Kyoto réunit les meilleures équipes nationales dont le Kanagawa Team qui avec les deux sœurs Takamatsu Musembi a les faveurs d’un public connaisseur et enthousiaste.
Dans le troisième relais, la foule redouble de ferveur au passage de Tomomi, c’est la cadette, elle n’a pas encore 15 ans. Elle remplie son rôle à la perfection en réalisant 9’10 », gagnant 6 places et propulsant son équipe en tête de ce marathon disputé en relais. Puis c’est au tour de Nozomi de courir avec le petit anneau de tissu glissé dans les doigts. La foule crie « Nozomi, Nozomi, Nozomi ». C’est l’aînée de la famille qui l’an passé remportait à Nanjing, en Chine la médaille d’or sur 3000 mètres des Jeux Olympiques de la jeunesse en 9’01»58. Multi-championne du Japon autant sur 800 m que sur 1500 m, c’est la chouchoute du public. Sa foulée est limpide et assurée, elle cède du terrain mais elle résiste et assure pour son équipe basée à Osaka la victoire en établissant un nouveau record national avec un temps de 2h 14’55».
Son talent est immense
Nées d’un père kenyan, Maxwell Musembi qui fut un bon coureur de niveau international, vainqueur notamment du marathon de Nagano en 2001 et d’une mère japonaise, les deux sœurs sont devenues la coqueluche d’un pays qui voue un culte au marathon. L’histoire s’écrit la plume trempée dans le miel.
Maxwell et Kaoru se sont rencontrés au Kenya mais c’est au Japon que le couple décide de s’installer pour vivre. Ils font leur valise et s’installent à Osaka alors que la petite Nozomi n’a que trois ans.
Le père vit de la course à pied, un record à 2h 12’16 » réalisé à Nagano en 2000 est suffisant pour évoluer dans le circuit pro japonais. Puis il devient entraîneur et c’est naturellement qu’il suit les premières foulées de sa gamine toute menue, toute frêle. Est-ce une question de génétique ? Mais son talent est immense.
La famille Takamatsu, dans le rêve et la rigueur
Dans le milieu de l’athlétisme, on regarde d’un œil en coin ces prodiges du tartan et des labours qui une fois la puberté passée, disparaissent des radars et du grand livre des records. A ce titre, polémiques et interrogations ne se sont jamais éteintes à propos de la légitimité des championnats du monde cadets qui tous les deux ans, depuis 1999, réunissent les meilleurs athlètes d’une génération. Pourtant, les résultats parlent d’eux même. L’exemple de Bydgoszcz où eurent lieu les premiers championnats du monde cadets le prouve. Une génération marquée par l’éclosion des Ladji Doucouré, Veronica Campbell, Adrianna Lamalle, Kenenisa Bekele, Saif Shaheen Saaeed, Vivian Cheruiyot, Anna Chicherova, Krisztian Pars, Jacques Freitag pour ne citer qu’eux, soit 22 médaillés ayant poursuivi une carrière internationale chez les seniors.
Autant dans le discours du père, de la mère et des deux gamines, propos largement relayés par la presse japonaise friande de cette belle histoire, il ne fait aucun doute que la détermination à réussir au plus haut niveau mondial est la priorité d’une famille soudée autour de ce projet athlétique ambitieux. Réussiront-elles ? La famille Takamatsu est dans le rêve et la rigueur. Lorsque l’on effeuille les statistiques du Mondial 1999, l’exemple des français Sébastien Homo vainqueur à la perche et de Joachim Kiteau médaillé d’or au javelot prouve que dévisser en plein vol ou négocier un autre chemin de vie balaye d’un revers de main les plus beaux espoirs.
> Texte : Gilles Bertrand