Une perquisition de l’OCLAESP a eu récemment lieu à l’INSEP, après la découverte de matériel de perfusion dans des sacs laissés en consigne par un athlète étranger. L’histoire rappelle celle de la descente dans l’hôtel de l’équipe cycliste de Nairo Quintana, où des kits de perfusion ont été saisis. Dans le passé, des grands noms de l’athlétisme, comme Mo Farah, Alberto Salazar, Jama Aden, avaient été reliés à de telles méthodes d’injection, mais les suites de ces affaires n’ont pas été très probantes.
L’OCLAESP en descente à l’INSEP. L’information circulait en toute discrétion en ce début de mois de septembre, mais se voyait confirmée du bout des lèvres par Florian Rousseau, directeur de la très haute Performance à la FFA, lors du Championnat de France d’athlétisme d’Albi.
Hasard des calendriers, deux semaines plus tard, l’OCLAESP sévissait de la même manière sur le Tour de France avec une perquisition menée à l’hôtel de l’équipe Arkéa Samsic, lors de la journée de repos de Grenoble. Elle débouchait quelques jours après, sur la mise en garde à vue d’un médecin et du kiné de l’équipe.
Côté INSEP, les gendarmes anti-dopage se sont contentés d’un simple état des lieux de sacs appartenant, selon nos informations, à un athlète étranger, habitué de l’INSEP, mais qui n’y est plus présent depuis plusieurs mois, crise sanitaire oblige.
Le matériel de perfusion, pour diluer le sang et éliminer les traces d’EPO
Ce serait un imbroglio autour de ces sacs demeurés en consigne, qui aurait provoqué leur ouverture, et la découverte à l’intérieur de produits propices à créer une suspicion de dopage. Lesquels ? Du matériel de transfusion ou des kits de perfusion, les informations divergent. L’on sait bien que les kits de perfusion sont utilisés par les sportifs dopés pour procéder à la dilution de leur sang, afin d’y éliminer les traces d’EPO.
Le scénario a été identique quelques semaines plus tard, lors de la perquisition menée à l’hôtel de l’équipe de Nairo Quintana, où étaient également découverts ces fameux kits et du sérum physiologique, nécessaire pour masquer l’usage du dopage sanguin, en permettant de faire diminuer le taux d’hématocrite.
Un athlète difficile à entendre, car à l’étranger
Avec quelles suites pour de telles affaires ? Pour l’équipe Arkéa Samsic, deux gardes à vue, un médecin, et le kiné, ont eu lieu, et les deux frères Quintana entendus, et tout le monde est ressorti dans l’attente des conclusions de l’enquête judiciaire lancée à la demande de la Procureure du Pôle Santé de Marseille.
Pour l’affaire de l’INSEP, les informations, qui filtrent au compte gouttes, ne laissent pas augurer d’une suite très positive (!!) pour ce cas complexe puisque concernant un athlète étranger. Sur un plan légal, celui-ci ne pourrait être entendu qu’à son retour en France, et à ce stade, compte tenu de la situation sanitaire et de l’absence de compétitions en vue, cela demeure très hypothétique.
De toute façon, la saisie d’objets laissant planer la suspicion de dopage ne constitue pas de preuves tangibles. Mathieu Teoran, le secrétaire général de l’AFLD, n’a pas manqué de le rappeler avec force juste après la perquisition sur le Tour de France, menée en cavalier seul par l’OCLAESP.
Mo Farah n’a pu être inquiété
En athlétisme, plusieurs affaires ont dévoilé la béance posée par les règles de l’AMA, qui fixent une norme compliquée à appliquer : les perfusions intraveineuses de produits non interdits, (comme le sérum physiologique) ne sont pas autorisées si elles dépassent l’injection de plus de 100 ml par période des 12 heures. Mais comment s’assurer du respect d’un telle limite ??? La mission s’avère quasi-impossible, sauf à obtenir des témoignages ou preuves formelles.
Et c’est ainsi que Mo Farah, qui s’était vu incriminé pour des injections massives de carnitine, effectuées sur la prescription d’Alberto Salazar, et sous la houlette du médecin anglais docteur Chakraverty , n’a finalement reçu aucune sanction, et pas même un avertissement, faute d’avoir eu la preuve formelle que la limite des 100 ml avait été enfreinte.
Certes, Alberto Salazar, lui, a pu être sanctionné par l’USADA d’une suspension de quatre ans, mais parce que l’agence anti-dopage a pu obtenir plusieurs témoignages l’incriminant directement, comme celui de Steve Magness, qui avait expliqué avoir reçu une injection massive de L-Carnitine, préconisée par Alberto Salazar, alors son entraîneur, et effectuée par le Docteur Brown.
Jama Aden jamais suspendu par l’IAAF
Le « cas » Jama Aden se révèle encore plus criant sur les limites des découvertes policières. En juin 2016, les « Mossos d’Esquadra » avaient mené une perquisition très fructueuse à Sabadell avec profusion de seringues d’EPO, et de médicaments comme l’AKTOVER 40, interdit en injection intraveineuse massive.
Toutefois tous ces éléments démontrant bien l’utilisation de produits et de méthodes illicites par le groupe coaché par Jama Aden n’ont finalement débouché sur pas grand chose. Un seul athlète, le qatari Musaesb Balla, a été suspendu, pour 4 ans, mais tous les autres, y compris Genzebe Dibaba, n’ont nullement été inquiétés.
Jama Aden, lui-même, n’a reçu aucune sanction sportive et a pu reprendre un moment sa fonction d’entraîneur. Les policiers espagnols avaient pourtant pu constater de visu que l’entraîneur somalien avait jeté à plusieurs reprises des seringues dans des poubelles à proximité de l’hôtel de Sabadell.
Jama Aden, bientôt un procès en Espagne ? Mais sans lui !
Mais ce roublard avait bien veillé à ne transporter que des seringues vides, alors que tous les ampoules de produits injectés étaient déposés par l’athlète Musaeb Balla. Et le coach national du Qatar était si bien organisé que tous les stocks d’EPO et autres étaient conservés dans la chambre de l’athlète.
Sa ruse allait lui permettre de transférer toute la responsabilité sur Balla, et d’échapper à toute sanction sportive de la part de l’IAAF. Côté justice espagnole, le procès annoncé demeure encore en attente de confirmation plus de quatre ans après les faits. Quoi qu’il en soit, Jama Aden n’y assistera vraisemblablement pas, et une éventuelle condamnation ne pourrait être mise à exécution…
Texte : Odile Baudrier
Photos : D.R.