Les performances réalisées par des athlètes convaincus de dopage ne sont pas effacées rapidement des tablettes des statistiques officielles. Le marcheur canadien Evan Dunfee s’en était ému début mai au sujet de l’Ukrainien Kovalenko. Autre exemple, avec Clémence Calvin, encore en tête du bilan marathon français, malgré sa suspension de 4 ans.
Long, et tortueux. La suppression des performances d’athlètes convaincus de dopage ne s’effectue pas facilement. Et cette lenteur ne peut qu’irriter leurs concurrents pénalisés par ces résultats qui demeurent trop longtemps dans les statistiques officielles.
Prenez le meilleur chrono du marathon féminin français. Et bien en ce 17 mai 2020, il apparaît encore comme la propriété de Clémence Calvin. La trentenaire demeure placée en leader sur le bilan tous temps du marathon français. Elle devance ainsi Christelle Daunay, et ses 2h24’22’’.
La situation est identique au niveau mondial, Clémence Calvin pointe au 182ème rang du bilan tous temps de World Athletics. Et dans la base statistiques de référence qu’est tilastopaja.eu, elle figure également avec le repère NR, Record National, en face de son résultat du marathon de Paris.
Clémence Calvin, un record en cours d’homologation !!
Dans les bases de la FFA, ce Record de France apparaît avec la mention IH, à savoir Instance Homologation (et le record de Christelle Daunay demeure inscrit). Une formule pour le moins surprenante puisque Clémence Calvin a fait l’objet en décembre 2019 d’une suspension de quatre ans par l’Agence Française anti-dopage pour des faits de fuite lors de son contrôle de fin mars 2019 au Maroc.
Pourquoi une telle situation ? Les processus de suppression des performances s’avèrent exagérément lents. Pour des raisons de légalité juridique. L’AIU confirme que les décisions prises par les instances anti-dopage nationales ne lui sont en général transmises qu’après que tous les recours aient été achevés. Or Clémence Calvin a déposé en début d’année un dossier auprès du Conseil d’Etat pour contester sa sanction. Avec l’espoir d’un examen avant le mois de septembre. Et en filigrane, un autre espoir, celui de voir lever sa suspension, pour prétendre à disputer les JO de Tokyo reportés…
Tant que l’AFLD n’aura pas transmis à l’AIU la décision officielle, l’AIU ne pourra activer la suppression du chrono réalisé au marathon de Paris. C’est ainsi qu’un certain « no mans land » peut apparaître au point de voir la marathonienne encore briller sur toutes les bases statistiques, sans aucune mention à sa suspension. D’autant que l’AFLD n’a toujours pas diffusé sur son site internet cette décision, confirmant sa politique du secret. A ce jour, les décisions des différentes commissions des sanctions qui se sont réunies depuis novembre 2019 ont été diffusées au compte-gouttes. Et à consulter attentivement leur numérotation, il apparaît clairement que beaucoup de décisions ne sont pas publiées.
Evan Dunfee proteste sur le retard
Une situation opposée à celle impulsée par l’Athletics Integrity Unit qui, depuis deux ans, a choisi la transparence sur ses actions. Avec surtout la diffusion publique très rapide des suspensions provisoires prononcées à constatation de la violation d’une règle anti-dopage. Une méthode qui permet de faire connaître très vite tout manquement constaté, d’autant que l’AIU informe en direct par twitter de l’inscription sur cette liste. Ce n’est donc plus au gré de confidences que sortent les informations sur le dopage de tel ou tel.
Mais cette volonté de probité trouve aussi ses limites. Le Canadien Evan Dunfee s’en est offusqué début mai. Le marcheur s’est insurgé de constater que six ans jour pour jour après son record personnel établi en mai 2014 lors de la Coupe du Monde du 20 km, le résultat de cette Coupe du Monde demeurait inchangé sur le site de World Athletics, avec toujours en 10ème position l’Ukrainien Nazar Kovalenko. Or celui-ci a fait l’objet en 2017 d’une suspension de trois ans pour irrégularités du passeport biologique, avec suppression de tous ses résultats entre mai 2012 et mai 2015.
Mais les hiatus administratifs ont fait des leurs, et Evan Dunfee s’est fendu d’un tweet rageur pour constater que cette 10ème place, (qu’il avait perdue pour deux secondes !) ne lui était toujours pas attribuée, pas plus que la 3ème place collective revenant au Canada. Sans oublier aussi les 7500 dollars qui auraient dû revenir à l’équipe canadienne.
Un tweet très efficace puisque dans la journée, « World Athletics » effectuait la correction tant attendue ! Quant au prize money, c’est une autre histoire…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand