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Les no shows, le nouveau credo de l’anti-dopage

Cette année 2020 marque la volonté de l’Athletics Integrity Unit de s’attaquer de manière forte aux problèmes des no shows, si souvent minimés dans le passé. Trois champions du monde viennent d’en faire les frais, avec nouveau venu sur la liste, le Kenyan Elijah Mannagoi, sacré en 2017, qui rejoint Salva Eid Nasser et Christian Coleman. Il renforce l’énorme bataillon des Kenyans suspendus pour dopage. Et d’autres gros noms seraient dans les tuyaux.

Avis de tempête sur les no shows. L’Athletics Integrity Unit s’est lancée dans un bras de fer avec les athlètes pour que les sanctions suivent ces manquements, trop souvent minimisés par les fédérations.

Même en France, lorsque Teddy Tamgho se voit mis en cause en 2014, par l’AFLD pour avoir été absent à trois reprises en 18 mois (*) lors de la visite inopinée d’un contrôleur anti-dopage, il trouve une oreille attentive auprès des membres du comité anti-dopage, présidé par Michel Marle. Comme le dévoile le PV publié en juin 2014, il y est explicitement évoqué la bonne foi de l’athlète, et mentionné que ces manquements résultent « davantage de la négligence de l’athlète, plutôt que d’une réelle volonté de se soustraire aux contrôles anti-dopage ».

Teddy Tamgho, suspendu mais présent dans le staff FFA

Et le soutien au triple sauteur durera d’ailleurs durant toute l’année de sa période de suspension, puisqu’il sera présent, à l’invitation de la FFA, à plusieurs rendez-vous majeurs, comme en qualité d’entraîneur pour le Mondial Juniors d’Eugene en juillet 2014, un regroupement national en novembre 2014, le France en salle en février 2015, ou encore au France de cross de mars 2015, cette fois, calé dans le protocole de remise des médailles. Autant de points que certains observateurs considèrent en opposition au Code Mondial Anti-Dopage, qui impose qu’un athlète suspendu ne peut plus assumer aucune fonction officielle dans une compétition.

Au Kenya, le président de la Fédération a eu bien du mal à admettre que des suspensions puissent être prononcés contre des athlètes de son pays pour des absences lors de contrôles, ou pour des manquements dans les localisations obligatoires. Et d’invoquer l’ignorance des athlètes et leurs carences en internet, qui provoqueraient ces loupés. Un argument auquel l’AIU oppose une réponse très claire : « ce sont le plus souvent les managers des Kenyans qui gèrent leur localisation ».

Déjà 9 affaires de no show en 2020 !

Cette mansuétude à l’égard des loupés de localisation, ou des ratés lors des visites des contrôleurs, n’a visiblement plus cours à l’AIU, qui a dévoilé depuis le 1er janvier 2020 pas moins de 9 affaires, incluant trois champions du monde, alors qu’il y avait eu seulement deux entre 2018 et 2019.

Après Salva Eid Naser, du Bahrein, championne du monde 400 m haies en 2019, l’Américain Christian Coleman, champion du monde 100 m en 2019, c’est au tour de Elijah Mannagoi, sacré sur 1500 m à Londres en 2017, et 10ème performer tous temps (3’28’’80) de se voir pointé du doigt. Et son discours paraît dupliqué sur celui de ses deux prédécesseurs : il s’indigne, il ne comprend pas, il n’a jamais rien utilisé.

Des propos stéréotypés qu’on a tellement entendus qu’on pourrait les écrire avant même l’athlète ! Comme dans de multiples dossiers kenyans, où la défense de l’athlète s’appuie sur de sérieux mensonges, voire même sur de faux documents. Et des affaires au Kenya, il n’en manque pas, avec plus de 138 sanctions pour dopage prononcés entre 2004 et 2018, et 12 depuis le début de l’année.

4 suspensions sur 5 concernent le Kenya !!

En ce jeudi 23 juillet, c’est même un record : 4 suspensions sur 5 concernant des Kenyans ! Et l’AIU n’a pas hésité à balancer en rafale les tweets annonçant les noms des nouvelles personnes concernées, en créant ainsi un effet de masse plus que choquant.

Mercy Kibarus, (Nandrolone et 8 ans de suspension car récidive), Kenneth Kiprop Kipkemoi, (4 ans pour Terbutaline), Patrick Siele (fuite ou refus de contrôle), et Elijah Manangoi (problèmes de no shows). Voilà le quatuor en or d’une journée qui a renforcé l’hostilité, déjà forte, contre les athlètes du Kenya, et les réactions n’ont pas manqué pour insister que ce pays devrait, comme la Russie, être mis au ban par l’IAAF, pour se voir interdit de compétition majeure. Or le contexte apparaît d’autant plus dérangeant à lire Sadiqque Shaban, un journaliste kenyan très bien informé, qui affirme : « Les autorités débloquent maintenant débloquer des cas anciens qui avaient été négligés ou dissimulés confidentiellement ». Et d’ajouter : « D’autres cas sont à attendre dans les prochains jours. »

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

(*) En 2014, la règle était de 3 manquements (localisation ou absences) en 18 mois, et la sanction de 1 année. Désormais, elle comporte 3 manquements en 12 mois, et la sanction « normale » est de 2 ans, qui peut être réduite selon les circonstances.