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Les mystères du contrôle Hattouchi, à St Denis Emotion et la FFA

La situation autour du contrôle positif à la CERA de Mohamed Hattouchi lors de l’inter de cross de Lifa et sa suspension de 4 ans décidée par la FFA en avril 2016, s’avère très complexe. Toutes les performances réalisées par l’athlète de St Denis Emotion n’ont pas été immédiatement effacées des bases de la FFA. Ceci résulterait d’un appel déposé par Mohamed Hattouchi sur sa suspension, qui n’a pas encore été examiné par la FFA.

Mohamed Hattouchi, positif à la CERA
Mohamed Hattouchi, positif à la CERA

La révélation du contrôle de Mohamed Hattouchi à la CERA lors de l’inter de cross de LIFA de février dernier a suscité de très nombreuses réactions empreintes de colère face à ce nouveau cas de dopage affectant un athlète marocain évoluant dans un club français.

Deux points suscitent questions. D’abord pourquoi prendre de la CERA pour finir 3ème de son inter de cross, 34ème au France de cross, courir le 3000 m steeple en 9’07’’??? Autre élément sujet à caution, pourquoi toutes les références d’Hattouchi n’ont-elles pas été immédiatement supprimées du site de la FFA malgré la décision prise le 30 avril 2016 par la commission disciplinaire anti-dopage ??

Hattouchi arrivé par hasard à St Denis Emotion ?

Pour essayer de comprendre le parcours de Mohamed Hattouchi l’amenant à ce contrôle, il ne faut pas compter sur le club de St Denis Emotion… Après un premier appel téléphone, où il m’est demandé de rappeler le lendemain, c’est Kévin, l’un des 6 salariés du club, et également dirigeant m’affirme-t-il, qui accepte de répondre à mes questions, et encore sous condition que son identité ne soit pas révélée…

Alors comment Mohamed Hattouchi est-il arrivé au club : « Il a voulu s’inscrire au club, il a pris un dossier d’inscription, tout simplement. » Selon lui, l’athlète habite près de St Denis, mais il ne sait pas précisément où, et le club n’a de toute façon aucun contact à me communiquer pour le joindre…

Le jeune porte-parole du club réfute aussi l’idée d’un recrutement effectué par le club de St Denis Emotion, pour accompagner sa démarche de montée en nationale 2 : « Non, c’est du relationnel. Ce sont des athlètes qui n’ont pas un niveau assez important pour espérer une rémunération. Nous, on n’a pas les moyens de rémunérer des athlètes de niveau national. »

Hattouchi aux interclubs 2014 pour SDE

C’est en 2014 que les premiers résultats de Mohamed Hattouchi sous le maillot de St Denis Emotion apparaissent, pour les interclubs, avec un steeple couru en 9’21’’. Avant ce résultat, aucune autre performance n’est recensée pour lui sur les bases de la FFA ou de « All Athletics ». Et en trois années, il compte en tout et pour tout 12 résultats. En 2014 : un 10 km et 2 steeple en 2014 (dont son record de 9’04’’ réalisé à St Maur). En 2015 : trois cross (71ème au France), un steeple aux interclubs (qui sera invalidé ?), un semi-marathon en 2015 (La Voie Royale en 1h07’’). Et en 2016 : 3 cross (34ème au France) et le steeple des interclubs.

Le club a tenu à révéler sur son site le contrôle positif de l’athlète subi lors de l’inter de cross de mi-février cette info à la mi-mai immédiatement après avoir reçu un courrier recommandé de la FFA. Pour St Denis Emotion, l’annonce a créé une énorme surprise, comme le souligne mon interlocuteur : « Nous, on ne s’y attendait pas. On part du principe que les gens s’entraînent régulièrement. Et que ça ne nécessite pas de produits dopants ». Mais y avait-il eu des soupçons sur cette situation ? « Non, aucun soupçon. C’est la mauvaise surprise. On a ressenti de la surprise et de l’énervement. Sur le coup, on a eu peur que les résultats des interclubs soient annulés. »

Depuis cette information, Mohammed Hattouchi n’aurait pas réapparu au club : « Pour nous, il n’existe plus. Une histoire comme ça, c’est mauvais pour la réputation du club. Les gens peuvent penser que les athlètes marocains viennent à st Denis Emotion et se dopent, alors qu’en vérité, ce n’est pas ça. Il y a un nombre conséquent d’athlètes, ils s’entraînent ensemble, il y a une bonne ambiance. Une personne qui prend des produits dopants, ça fait du mal à un club, à un groupe. »

Les résultats des interclubs n’ont pas été affectés

D’autant que St Denis Emotion a été très inquiet que son classement des interclubs s’envole. Hattouchi avait disputé le steeple lors du 1er tour, le 8 mai à Franconville, il y avait terminé 2ème en 9’07’’29, soit un total de 988 points. Mais les techniciens ont vite sorti les calculettes pour constater que son déclassement ne changeait rien au résultat de St Denis Emotion, crédité de la 2ème place avec 48.458 points devant Entente Franconville en 48.091 points. Tout simplement car le 4ème du steeple, Fouad Idbafdil, également licencié à St Denis Emotion, était crédité, lui, de 899 points. En supprimant Hattouchi et en intégrant Idbafdil, le total revenait à 48.369 points. C’est encore mieux que Franconville.

C’est donc un ouf de soulagement qu’ont poussé les dirigeants de SDE, engagés dans la démarche d’accéder à la Nationale 2 depuis plusieurs années. Et c’est un grand Merci qu’ils doivent adresser à Fouad Idbafdil… Celui-ci ne portait le maillot de St Denis Emotion que depuis un tout petit mois. Sa licence n’a été enregistrée que le 20 avril 2016. Pile poil le jour où la FFA prenait la décision de suspendre Hattouchi pour 4 ans.

Un simple hasard de dates ? Oui, argumente Kévin du club de St Denis Emotion, qui s’emmêle un peu dans les explications, avant d’asséner : « Parce qu’on avait besoin de 2 coureurs de steeple. On n’en avait qu’un. C’est un club où il en faut 2. On avait anticipé. » Mais là encore, ce serait par le bouche à oreille que Fouad Idbafdil serait arrivé au club. Il évoluait précédemment sous les couleurs de l’Athle Perche Pays de l’Aigle Mortagne, mais n’avait jamais disputé de steeple avant qu’il ne court les interclubs pour St Denis Emotion.

La FFA ne gomme pas ses performances ?

Autre élément très étrange dans ce dossier. Celui de la non-suppression des performances de Mohamed Hattouchi des bases de la FFA. Le 30 août, il demeure doté de son résultat au France de cross, et au steeple. Seule sa 3ème place à l’inter de cross Lifa a disparu.

Pour quelles raisons ??? Clément Gourdin, du service juridique de la FFA, prend quelques minutes pour consulter le dossier avant de me répondre : « Je ne peux pas vous répondre. Car le dossier est en appel. Je pense qu’il va être transmis à l’AFLD. »

Mais la tension monte très vite lorsque j’insiste pour comprendre pourquoi la 1ère décision n’est appliquée que partiellement, et le juriste s’abrite derrière le secret de la procédure d’appel (l’interview figure in-extenso à la fin de cet article), et à bout d’arguments, il m’assène : « Je ne comprends pas trop où vous voulez en venir. Il y a bien marqué annulation des performances entre le jour de l’infraction et la notification de la présente décision, mais déjà, vous n’avez pas la date de la notification de la décision. »

Un vrai paradoxe à considérer que la sanction apparaît sur le site de la FFA en date du 7 juillet, et est déjà présente sur la liste diffusée par l’IAAF en date du 6 juin…

Les performances sont brutalement supprimées…

Mais le plus étrange va se produire dans les jours qui suivent ma conversation téléphonique du 31 août avec Clément Gourdin : tout à coup, la fiche de Mohamed Hattouchi est modifiée, et ses performances au France de cross et aux interclubs apparaissent avec la mention « Invalidé »… Le revirement de la FFA apparaît pour le moins surprenant.

Il faudra donc maintenant attendre le résultat de la procédure d’appel. Mais il est quasi-certain que c’est l’AFLD qui sera amenée à intervenir sur le dossier, les délais étant dépassés pour que la FFA l’analyse. Une situation également un peu surprenante pour un appel qui a dû être déposé dès le mois de mai, et qui pouvait donc être largement examiné avant les vacances d’été.

Enfin dernière zone d’ombre dans ce dossier : pourquoi la performance d’Hattouchi aux interclubs 2015 est-elle maintenant notée comme invalidée sur les bases de la FFA ? Y-aurait-t-il une autre affaire dans l’affaire ???

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand

 

CLEMENT GOURDIN  — Service Juridique de la FFA

Je souhaitais vous interroger sur le cas de Mohamed Hattouchi, suspendu pour 4 ans par la FFA. Certains résultats n’ont pas annulés, le France de cross et les Interclubs. Pourquoi ?

Il regarde longtemps dans ses dossiers.

Je ne peux pas vous répondre. Car dossier en appel. Je pense qu’il va être transmis à l’AFLD.

C’est surprenant, car sur le site de la FFA, il figure le document de suspension, et il est noté que les performances doivent être annulées. Est-ce à cause de l’appel que cela n’est pas fait ?

Non. Mais je ne peux pas rentrer dans les détails du dossier. La seule chose que je peux dire c’est qu’il y a eu des difficultés sur le dossier, comme vous avez pu le voir sur la décision.

Lesquelles ?

Je ne peux pas vous répondre, je suis désolé.

Est-ce le fait qu’il n’ait pas pris ses courriers ?

Oui. Notamment. C’est pour cela qu’en fait, pour le moment, le sportif a fait appel pour pouvoir fournir des explications. La procédure est encore pendante, je ne peux pas vous répondre.

Vous indiquez que l’appel ne sera pas statué au niveau de la FFA, mais de l’AFLD ?

Ca va dépendre du délai. La difficulté est que comme les membres du jury d’appel sont des bénévoles, ce n’est pas facile de les réunir pendant la période estivale. Selon le délai, cela pourrait finir à l’AFLD. Mais je ne peux pas vous en dire plus. Il y a une procédure en cours, et je ne peux pas donner des éléments sur cette procédure.

La décision est du 20 avril. Quel est le délai d’appel ?

C’est 10 jours.

Donc il a fait appel dans les 10 jours ?

Je ne peux pas vous répondre.

La chose dont on est sûr est que sa performance du jour du contrôle a été supprimée, mais il figure toujours sur les résultats du France de cross début mars, et des interclubs mi-mai. Donc quelle est la cohérence ?

La cohérence est que la fédération n’est pas obligée d’annuler tous les résultats de l’athlète.

Pourtant c’est ce qui est dit dans la décision ?

Encore une fois, je peux juste dire qu’il y a une procédure en cours, et que je ne peux pas vous répondre.

Pourquoi n’êtes-vous pas obligé d’annuler toutes les performances puisque c’est notifié sur le PV du 20 avril ?

Qu’est ce qu’il faut que je vous dise en fait ? Pour que vous compreniez qu’il y a une procédure en cours et que je ne peux pas vous répondre ??

Ce n’est pas grave. Ce n’est pas qu’à moi que vous parlez. C’est aussi aux licenciés FFA qui ne comprennent pas.

Les licenciés FFA sont capables de comprendre que quand il y a une procédure en cours, on ne peut pas donner d’information sur la procédure en cours, au risque de vicier la procédure.

Mais cela n’a rien à voir avec la procédure en cours. Je ne cherche pas à avoir des informations sur la procédure en cours. J’essaie de comprendre pourquoi il y a des performances annulées et d’autres non annulées.

Pour le moment, la décision fait l’objet d’un appel. Quand la décision sera définitive, il y aura l’application de certains aspects. Pour le moment, aujourd’hui, il y a une procédure en cours, et voilà. Je ne comprends pas trop où vous voulez en venir. Il y a bien marqué annulation des performances entre le jour de l’infraction et la notification de la présente décision, mais déjà, vous n’avez pas la date de la notification de la décision.

Vous l’avez publié sur le site de la FFA le 7 juillet. On peut penser que si vous le publiez publiquement le 7 juillet, c’est que l’athlète est notifié.

Vous n’avez pas la date exacte.

L’IAAF publie la suspension sur sa liste du 6 juin. Si l’IAAF publie le 6 juin, c’est bien qu’ils ont des éléments et que l’athlète a été notifié ?

Ecoutez, je ne peux pas vous répondre. C’est pour une raison juridique. Les résultats ne sont pas annulés car il y a une procédure en cours. Je ne peux pas vous dire autre chose.

On ne sait pas du tout à quel moment cette procédure aboutira, et si ce sera à la FFA ou à l’AFLD ?

Non.