Le projet d’annulation des records d’Europe établis avant 2005 a suscité de très vives réactions de la communauté de l’athlétisme. En particulier plusieurs athlètes concernés ont réagi avec une grande hostilité à cette initiative qui les priverait de leurs records, et surtout Paula Radcliffe, Wilson Kipketer, Steve Cram, se sont montrés très offensifs à cette idée, estimant qu’il est ainsi établi un lien entre leurs performances et le dopage…
« C’est une honte, c’est déloyal, et insultant ». Le tweet de Wilson Kipketer est bref, et en trois qualificatifs, il donne la pleine mesure de son sentiment face au projet d’annuler son record d’Europe du 800 mètres, ses 1’42’’67 établis en 1997.
Le Danois est ulcéré d’une telle initiative, comme l’est également Paula Radcliffe. La Britannique a été la première à réagir à l’annonce de la Fédération Européenne, évidemment aussi par tweets, elle en est une habituée au quotidien. Elle ne s’est pas contentée des 150 caractères d’un simple tweet, elle a véhiculé en annexe une longue note reflétant son état d’esprit empreint d’une grande colère à l’idée que son record d’Europe et du monde du marathon puisse lui être retiré.
Dans les arguments circulant pour s’opposer à une telle réforme, l’un d’eux apparaît particulièrement fort, c’est le lien qui se voit ainsi établi entre le record annulé et le soupçon de dopage. Ainsi les athlètes concernés ne peuvent que s’insurger, à considérer qu’on « souille » de la sorte leurs résultats passés, et toute leur carrière.
Steve Cram, concerné pour son record du mile et 2000 mètres, s’est lui aussi irrité de se voir « associé avec tous les tricheurs », et a ajouté : « Ce n’est pas notre faute si depuis tant d’années, le sport n’a pas lui-même fait sa police correctement ».
Sebastian Coe, favorable à l’annulation des records
Face à ces réactions fortes, Pierce O’Callagan, le patron de la commission de la Fédération Européenne, à l’origine de cette idée d’annulation des performances avant 2005, rétorque lui aussi avec une certaine vigueur en affirmant par tweet : « Très dur pour les athlètes propres d’avant 2005, mais le sport est plus grand que les intérêts d’un individu en particulier. Les athlètes propres du futur et l’athlétisme seront les grands vainqueurs ».
Pierce O’Callagan apparaît d’autant plus offensif qu’il sait déjà que Sebastian Coe est très favorable à cette disposition. Le patron de l’IAAF est pourtant lui aussi concerné, puisqu’il perdrait dans l’opération son record d’Europe du 1000 mètres et du 4×800 m, mais il veut élever le débat et s’inscrire dans l’histoire comme le grand « blanchisseur » des performances.
Autre point très soulevé dans les diverses réactions, pourquoi avoir choisi l’année 2005 comme repère des records « propres » ??? Svein Hansen, le président de la Fédération Européenne, a soutenu que cette date correspond à celle à partir de laquelle l’IAAF a stocké les échantillons des athlètes, ce qui permettrait ainsi de les retester pour établir les nouveaux records. Même si jusqu’à maintenant, le retesting n’a pas été autorisé sur des échantillons de plus de 10 ans, soit seulement à partir de 2007.
Les exemples récents de contrôles constatés longtemps après les compétitions témoignent aussi que le dopage n’a pas manqué de continuer à être utilisé pour établir les performances de ces 12 dernières années, et qu’il n’est pas possible de garantir leur totale fiabilité. La Russie par exemple a perdu 17 médailles obtenues aux JO 2008 et JO 2012.
La réforme proposée sera très certainement difficile à faire adopter, avec déjà des réactions hostiles de fédération, comme en Australie…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.