A travers les années, les plus grands talents français se sont illustrés au Championnat de France de cross. La rédaction de spe15 vous fait revivre quelques grands moments de ce grand rendez-vous des demi-fondeurs.
1981 – 1995 : coup double pour Alex Gonzalez chez les seniors et les vétérans
Alexandre, c’était le grand. Francis, c’était le petit. Les deux hommes se connaissent sur le bout des pointes. Tous les deux originaires du Sud Ouest, ils partagent à quelques intonations près le même accent et le même désir de vaincre, Alex Gonzalez et Francis Gonzalez sur le 15, se partageant les premiers rôles de 1975 à 1982. A eux deux, ils cumulent 7 titres en plein air sur cette distance.
En 1981, les deux hommes se retrouvent sur le champ de cross de La Grande Motte, tracé au pied des dunes et des pinèdes. Pierre Lévisse est toujours aussi combatif, Radhouane Bouster perd une chaussure, José Marajo ne peut suivre, c’est finalement les deux Gonzalez qui s’expliquent devant une foule considérable.
C’est l’époque où le cross, même si l’on est coureur de 1500, fait partie intégrante de tous les programmes hivernaux. Ca ne se discute pas. Au final, Alexandre l’emporte dans l’emballage final devant Francis pour 2 petites secondes.
Celui-ci, 14 ans plus tard et 3 participations aux J.O. (deux fois sur 1500 m en 1980 et 1984 puis sur marathon en 1988), s’impose à nouveau chez les vétérans dans le bourbier de Castres. Passé préparateur physique dans les sports co, il chassera avec succès les records des plus de 40 ans.
Avec la victoire de Driss El Himer, la Légion débarque en 1998
C’est en 1991 que le Général Piquemal créée une section course à pied au sein de la Légion Etrangère. Mais c’est seulement en 1998 que la Légion fait une entrée remarquée sur la scène du cross avec la victoire de Driss El Himer au France de cross.
Les polémiques ne vont pas tarder d’autant plus que cette équipe se renforce et se structure. Objectif, améliorer l’image « barbouzienne » de ce corps d’armée en recrutant sur le continent africain de jeunes athlètes.
Driss El Himer, 8 fois sacré champion de France, ouvre ainsi la voie, il restera à la Légion jusqu’en 2001, mais la relève est là d’autant plus que ce petit bataillon se professionnalise. Ca ne porte guère le képi, ça court et ça gagne et dans les contres allées du cross, ça gueule sur ces coureurs qui obtiennent en deux foulées la nationalité française. 2007, c’est même l’apothéose avec sur le podium trois légionnaires ou ex, Driss El Himer, Simon Munyutu et James Theuri.
Depuis la Légion a formé un club, l’Athleg. Et même si Les règles d’obtention de la nationalité française ont changé, elle poursuit ses recrutements. En 2010, ces francs-tireurs remportent le titre par équipe avec Larhiouch, Indongo, Niyonkuru, Kiprotich, Chebet et Amguil.
2012 : Benjamin Malaty, crossman et marathonien dans la foulée
Le cross tremplin du marathon, l’équation fait recette dès les années 80. Au sortir des Mondiaux de cross, alors que les coureurs africains n’ont pas encore totalement kidnappé la course en plein champ, certains expérimentent ce schéma de préparation. Citons des noms, l’américain Alberto Salazar (actuellement le coach de Mo Farah), l’australien Rob de Castella, l’anglais Hugh Jones et bien sûr le portugais Carlos Lopes champion du monde de cross en 1984 et 1985 et entre temps, vainqueur du marathon des J.O. de Los Angeles.
Une brèche est ouverte. Et Benjamin Malaty en 2012 s’inscrit pleinement dans cette logique. A 26 ans, il ne veut pas rater le coche et arriver trop vieux sur la route du marathon. C’était la règle dans les années 80, mais le mythe du trentenaire basculant sur les 42 km, c’est fini.
En décembre 2011, il a déjà les jambes, il termine 12ème des Europe de cross. Il ne dévie pas. Une préparation marathon avec du cross, c’est faisable. Quatre mois plus tard, il remporte le titre national sur l’hippodrome de la Roche-sur-Yon, tremplin vers un marathon de Paris où il termine premier français en 2h 13’15 », une performance lui ouvrant les portes de la notoriété. Le Malaty sympa, beau brun, beau gosse, à l’accent savoureux, décroche les contrats. Il devient Monsieur Marathon.
15 ans au pouvoir, le strike de Pierre Lévisse
Pierre Lévisse fut un grand baroudeur des champs de cross. Première médaille en 1976, la dernière en 1991 alors qu’il est âgé de 39 ans, soit une longévité exceptionnelle de 15 années. Au total, 4 titres en or, 4 médailles d’argent et 4 fois sur le podium pour du bronze, personne dans l’histoire du cross moderne n’a creusé un tel sillon dans les labours de France et de Navarre. Seul lui échappe un podium en 1980, un France remporté cette année là par Dominique Coux.
C’est la génération Arpin – Pantel qui viendra à bout de cet infatigable coureur talentueux qui remporte le titre de champion du monde avec l’équipe de France en 1978 à Glasgow. Les copains d’alors sont avec Lucien Rault, Radhouane Bouster, Alex Gonzalez, Thierry Watrice, Jean Paul Gomez, Jean Luc Paugam, Jean Luc Lemire et Dominique Coux.
Passé la quarantaine, il tente l’aventure des courses sur route aux Etats Unis. Pigeon voyage s’installant à Boulder pour vivre une expérience unique au royaume du running. Il sera classé en 1992, vétéran de l’année par Runner’s World après avoir remporté Boston et New York chez les Masters.
Aujourd’hui Pierre Lévisse promène encore sa grande silhouette aux abords des cross pour suivre son fils Emmanuel. A 19 ans, le fiston compte déjà 4 sélections en équipe de France de cross.
Les triathlètes au pouvoir chez les jeunes
Les triathlètes même chez les jeunes catégories, ça bosse. Un entraînement trio-quotidien qui au final est excellent dans les labours du cross. Car ces athlètes propres sur eux ne rechignent pas à courir l’hiver pour valider les process d’entraînement et travailler sur des secteurs aérobie- course à pied qui au printemps seront payant dans les secteurs pédestres.
Et globalement lorsqu’un cadet s’entraîne 4 à 5 fois par semaine, son homologue du triple effort est largement au double, un cumul dans les trois disciplines qui au final est triple gagnant.
Et cela se retrouve dans les lignes droites des courses cadets- cadettes et chez les juniors du France de cross.
En 2008, Emmie Charayon est vice championne de France de cross à Laval. Etienne Diemunsch tombé dans le nid de la course à pied avec son père l’un des pionniers du trail prenait l’argent chez les espoirs à la Roche sur Yon en 2010. Cassandre Beaugrand, double championne de France chez les cadettes ces deux dernières années est l’une des grande espoir du tri, sur les traces de Maxime Hueber Moosbrugger, ce grand gaillard lui aussi deux fois titrés chez les cadets.
Quant à Elodie Mouthon, championne de France de cross court en 2008, c’est désormais en free ride qu’elle s’éclate.
1992 : Le champion de France n’est pas le vainqueur
Brumath, premier championnat de France où le champion de France n’est pas le vainqueur de la course ! L’ouverture des France aux coureurs étrangers licenciés en France débute de manière tonitruante. Aïssa Belaout est Algérien et évolue sous les couleurs de l’US Montélimar. Il crée une énorme surprise en franchissant la ligne en vainqueur. Mais le champion de France sera Tony Rapisarda. Pour la deuxième place, l’on fait monter Abdellah Behar, encore Marocain à cette époque, et Bruno le Stum. Cette première édition « open » laisse un goût un tantinet amer, Tony Rapisarda ne découvrant son titre qu’après la ligne d’arrivée.
Les scénarios se répètent à travers les années, et il y eut des éditions plus délicates que d’autres. En 1998, Abdellah Behar se révélait particulièrement meurtri après sa place de deuxième Français derrière Driss el Himer, qui évolue sous les couleurs de la Légion Etrangère, et donc Français d’office. Mais Abdellah Behar ignorait cette règle, et se faisait piéger, en laissant Driss el Himer s’envoler dans une course remportée par le Marocain d’Alès, Hassan Lahssini.
La déception fut d’autant plus cuisante pour Behar qu’il pensait avoir conquis à Chartres son 3ème titre de Champion de France.
2014 : Clémence Calvin, l’or sur toutes les distances
Clémence Calvin est un cas unique dans les annales de l’histoire du cross français. La jeune athlète s’affirme comme la seule à avoir conquis successivement tous les titres, de cadette à senior. A 24 ans, Clémence affiche ainsi un décompte exceptionnel, de 8 titres de championne de France.
Cette remarquable série a débuté à Challans en 2006, avec le titre cadette, qu’elle renouvelle à Vichy en 2007. Puis un nouveau doublé, en junior, en 2008 à Laval, et 2009 à Aix les Bains. Elle suit, avec deux fois le sacre chez les espoirs, en 2010 à Niort, et 2011 à Paray le Monial. Et ça repart de plus belle chez les seniors, avec un enchaînement osé, l’or sur le cross long en 2013 à Lignières en Berry et sur le cross court en 2014 au Pontet.
Boueux, secs, plats, bosselés, tous les terrains de cross réussissent à cette combative, capable de se transcender sur le plan mental, et rôdée à se présenter au pic de sa forme pour ce rendez-vous de mars. Son pragmatisme est également bien acéré, c’est ainsi qu’elle avait fait le choix l’année dernière du cross court, s’estimant trop peu préparée pour se battre sur le cross long.
Cet hiver a marqué une rupture pour Clémence Calvin. Après la réussite de la médaille d’argent sur 10.000 mètres au Championnat d’Europe de Zürich, les problèmes de santé se sont succédés, et elle sera absente aux Mureaux.
1998 : Driss Maazouzi, le cross et la salle
Briller en cross et en indoor, ce n’est pas si fréquent, et Driss Maazouzi est le seul Français à y avoir réussi . L’or qu’il décroche à Birmingham en 2003 sur 1500 mètres en salle arrive tard, il a déjà 34 ans, mais il s’affirme comme l’homme phare du demi-fond français depuis 1998, entre le bronze du Mondial 2001, plusieurs records de France du 1500 mètres, sept titres consécutifs de champion de France du 1500 mètres, et quatre titres sur le cross court.
En toute logique, Driss Maazouzi fut le premier titré sur cette nouvelle épreuve, impulsée par l’IAAF en 1998, et à Chartres, il ne dissimulait pas sa satisfaction face à cette création, à la distance si bien adaptée aux spécialistes du 1500 mètres.
L’ex Marocain devient la référence française en cross court, mais ce n’est qu’à partir de 2000 qu’il peut représenter la France au Championnat du Monde. Le Maroc se fait en effet prier pour lui accorder son quittus de sortie, indispensable après qu’il ait représenté ce pays aux Jeux Olympiques d’Atlanta.
La carrière du Stéphanois s’achèvera par un baroud d’honneur au France de cross 2008 où il souffle encore la politesse à ses rivaux pour une 5ème victoire, il a alors 39 ans. Mais cette fois, plus question d’intégrer une équipe au Mondial de cross, l’épreuve a été supprimée du programme par l’IAAF en 2006.
2014 : Mokhtar Benhari, triple sacre
Lorsqu’on a été athlète de haut niveau, la transition seniors-vétérans s’effectue parfois de manière tonitruante. Mokhtar Benhari s’est employé à illustrer que son talent résistait à son statut de quadragénaire. L’année dernière au Pontet, le titre vétéran lui revient, et il devient ainsi un « cas » unique, seul Français à avoir reçu une médaille d’or en cross court, c’était en 2005, puis en cross long, c’était en 2008.
Un triplé étonnant. Ou plutôt un doublé surprenant. Une victoire chez les vétérans pour un athlète de son niveau n’était somme toute que très logique, alors que l’enchaînement cross court/cross long paraît plus saugrenu.
Mais Mokhtar Benhari est versatile, et ses 26 sélections en Equipe de France en témoignent, variant du 3000 mètres en salle au semi-marathon, en passant par le 5000 m et le 10000 mètres. C’est en cross, aux Mondiaux, et aux Europe, qu’il a été retenu le plus souvent.
En 2005, il vient de remporter son titre sur le cross court, mais il se voit qualifié en cross long pour le le Mondial organisé à St Galmier, où il connaît la déception d’un abandon. Il reviendra sur cette distance par la grande porte trois ans plus tard avec la victoire au France !
2010 : Fatima Yvelain, l’or long après le court
Fatima Yvelain pourrait être considérée comme le pendant au féminin de Mokhtar Benhari, capable elle aussi d’enchaîner le titre sur cross court, cross long, et vétéran.
La performance peut paraître exceptionelle, même si elle a traversé les années en empilant les sélections en Equipe de France, présente à neuf reprises à un Mondial de cross. Sa victoire à la Roche sur Yon la propulse une nouvelle fois au Mondial, et elle terminera 42ème.
Deux ans plus tard, elle retrouve ce parcours de la Roche sur Yon, avec cette fois, la 35ème place. Quelques semaines plus tard, au semi-marathon de Perpignan, elle sera contrôlée positive à l’EPO et suspendue pour deux ans jusqu’en juillet 2014.
A peine sa sanction achevée, que Fatima Yvelain retrouve les compétitions, et à 46 ans, elle a ainsi terminé vice championne régionale de cross pour la Provence fin janvier dernier, mais ne figure pas sur les listes des inscrites du France des Mureaux.
Textes : Odile Baudrier et Gilles Bertrand
Photos : Gilles Bertrand