Au fil du temps, le championnat du monde de cross a perdu de son aura, et son organisation espacée tous les deux ans amplifie encore cette tendance. L’Europe en particulier délaisse cet évènement, et le choix de Guiyang en Chine n’a pas pesé dans le bon sens pour incurver ce phénomène.
Mars 2013 à Bydgoszcz en Pologne. Lamine Diack fait la moue. Le Président de l’IAAF ne dissimule pas sa frustration face à la perte de vitesse du Championnat du Monde de cross. Les chiffres de participation se sont étiolés. On compte alors 443 participants et 44 pays. Le chiffre le plus bas depuis le Mondial de cross de 1983 ! Et Lamine Diack de se lamenter aussi sur l’absence de plusieurs pays d’Europe, et sur le petit nombre de certaines délégations de certains pays.
Deux ans plus tard, Lamine Diack n’a pas besoin de perdre du temps à réécrire ses notes pour la conférence de presse d’ouverture de son ultime Mondial à Guiyang ! Il peut se contenter de répéter à la lettre ce qu’il déclarait en Pologne. Il aura juste à actualiser une toute petite info : il devrait y avoir 51 pays au départ, soit 7 de plus qu’en 2013, et seulement un athlète de plus engagé, 444 participants contre 443.
Une commission cross a pourtant bien été créée par l’IAAF, pour réfléchir à l’avenir de ce Mondial, et incurver cette tendance. Mais à quand remonte exactement ce mouvement de désintérêt ?
Le cross court, un coup de boost sans lendemain
Il faut prendre le temps de plonger dans les résultats pour trouver quelques chiffres repères. A Aix les Bains, en 1990, on accueille 229 seniors hommes issus de 43 pays. En 2000, à Vilamoura, on compte 160 athlètes sur le cross long hommes, avec 54 pays engagés, et l’on y ajoute aussi les 164 coureurs du cross court, représentant 51 pays. Deux ans plus tard, à Dublin, c’est déjà beaucoup plus light : 133 sur le cross long issus de 37 pays, et 123 sur le cross court pour 39 pays.
L’effritement progressif amène l’IAAF à supprimer le cross court introduit en 1998. Pour la première édition de ce nouveau programme en 2007, le cross long compte 162 athlètes pour seulement 45 pays, il ne revient même pas au niveau du début des années 2000. L’implacable dégringolade va se poursuivre : à Guiyang, les seniors hommes sont 119 représentant 38 pays.
L’introduction du cross court paraît avoir joué un rôle pernicieux, en déstabilisant l’évènement. Cette épreuve supplémentaire s’est finalement révélée comme une occasion de démonstration de force supplémentaire pour les coureurs du Kenya et d’Ethiopie. Doit-on aussi pointer du doigt sur les doublés de Kenenisa Bekele, vainqueur cross court et cross long de 2002 à 2006 ??? Avec par ricochet à cette ultra domination de l’Afrique sur le cross, le désintérêt des autres nations qui n’ont plus que des miettes à grapiller.
Des prize money pour les teams
L’IAAF a lancé l’incendie avec le cross court, puis a tenté de l’éteindre. En 1998, elle a voulu booster le nombre d’équipes engagées, en prenant en compte 4 athlètes au lieu de 6 pour le calcul des résultats des Team. A partir de 2001, elle introduit aussi des primes pour les équipes, avec 20.000 dollars pour la 1ère équipe.
Pourtant force est d’admettre que tous ces efforts se révèlent vains, la désaffection s’accroît encore depuis que la décision brutale est prise de n’organiser le Mondial que tous les deux ans. Les focus changent, l’évènement comme oublié à la faveur de cette absence récurrente.
Comme en témoignent les chiffres de ce 41ème Mondial ! Sur l’hippodrome de Guiyang, il y a aura seulement 17 équipes au complet, elles étaient 18 pour le 1er championnat du monde en 1973. Les prize money collectifs n’ont servi à rien, et la question de leur maintien se posera à un moment ou un autre, le budget total d’un mondial monte à 280.000 dollars.
En parallèle, l’IAAF a diminué la prime au vainqueur, passant de 40.000 dollars à 30.000 dollars. C’est très peu à considérer la concurrence des marathons pourvoyeurs de dollars à foison pour des talents susceptibles de briller à travers le monde entier.
Dans le passé, on a pu voir des coureurs enchaînant Mondial de cross et marathon de printemps, mais avec le choix de la Chine comme terre d’accueil, un tel challenge n’était plus possible. Là encore, l’IAAF a joué un rôle pernicieux, la faveur donnée à ce géant économique suscite un moindre engagement de l’Europe, sans que l’Asie ne se mobilise. A l’exception de la Chine, qui a inscrit, elle, 32 athlètes, le nombre maximum possible…
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand