Le monde de l’athlétisme du Kenya est sous le choc après la découverte du contrôle positif d’Asbel Kiprop. La situation s’est encore amplifiée avec l’annonce du décès brutal d’une jeune athlète de 23 ans de retour d’une suspension pour dopage. Les anciens athlètes du Kenya montent au créneau pour appeler à une lutte plus efficace.
En une semaine, un voile s’est abattu sur le monde de l’athlétisme du Kenya. Le contrôle positif d’Asbel Kiprop peut s’assimiler à un véritable tremblement de terre pour toute la communauté de l’athlé. Certes, il est le 41ème athlète du Kenya à être déclaré positif. Mais c’est bien le premier grand pistard. Et cela change notablement la donne.
A ce choc, s’est ajouté le décès brutal de Sheila Chepng’etich , une jeune athlète de 24 ans, qui effectuait son retour après une suspension de quatre ans pour dopage. Les circonstances précises de sa mort n’ont pas été communiquées, mais les observateurs n’ont pas manqué d’évoquer le contrôle positif que Sheila avait connu en décembre 2014. Celle-ci n’avait alors que 19 ans, et elle avait empoché quelques mois plus tôt la médaille de bronze au Mondial junior sur 1500 mètres.
Cette suspension d’une athlète aussi jeune aurait dû déjà sonner comme une alerte pour l’athlétisme du Kenya, et d’autres énormes coups de semonce se sont produits depuis, avec les deux grands noms du marathon marqués au fer rouge, Rita Jeptoo et surtout Jemima Sumgong, la championne olympique.
Brother Colm, Moses Kiptanui, Moses Tanui, Paul Tergat, tous indignés
Mais le cas Asbel Kiprop marque une cassure, en confirmant que les pistards n’échappent pas non plus à la dérive dopante que trop de spécialistes voulaient limiter aux marathoniens, avides de dollars. Ainsi en mai 2015, Brother Colm, l’entraîneur de David Rudisha, nous avait longuement expliqué que le dopage ne concernait que le marathon.
Une opinion partagée par Moses Kiptanui, l’un des plus grands athlètes du Kenya, triple champion du monde sur steeple, vice-champion olympique en 1996, qui n’a pas dissimulé sa grande surprise à constater avec Kiprop que l’athlétisme « pur » était aussi souillé que le marathon.
Les réactions indignées des anciennes stars de l’athlétisme du Kenya se sont succédées. Moses Tanui, champion du monde du 10.000 m en 1991, double vainqueur du marathon de Boston, n’a pas hésité à demander au gouvernement du Kenya de suspendre les athlètes coupables et les « agents voyous ». Qui désigne-t-il par cette appellation très vague ???
Paul Tergat, sept fois champion du monde de cross, deux fois vice-champion olympique du 10.000 m, est intervenu, lui, en sa qualité de président du Comité Olympique du Kenya, en lançant un avertissement : « La culture du silence et du secret entourant le dopage ruinera l’athlétisme du Kenya ». La formule est pour le moins lapidaire, et on aurait pu espérer plus constructif de la part d’une personne dirigeant une instance aussi importante…
La loi anti-dopage adoptée par le Kenya en 2016 offre pourtant des possibilités fortes de lutte contre ces pratiques, en prévoyant des peines de prison pour les athlètes positifs n’acquittant pas leurs amendes. Et la loi sera suivie à la lettre, a rappelé le Secrétaire d’Etat aux Sports, Rashid Echesa, aux journalistes du Nation. Mais on ne peut s’empêcher de penser que les fortunes acquises par les marathoniens et athlètes devraient leur permettre de payer aisément leurs amendes, et d’éviter la prison…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand