Il y avait déjà quatre athlètes français suspendus en raison de problèmes de localisation. Pierre Amboise Bosse, Mouhamadou Fall, Mehdi Frère, Amaury Golitin pourraient bientôt être rejoints par Wilfried Happio qui vient d’être suspendu provisoirement par l’Athletics Integrity Unit. La mise en cause pour ces manquements apparaît comme la seule méthode actuellement efficace dans la lutte anti-dopage en France. Mais à noter tout de même l’apparition tardive sur la liste des Français sanctionnés en 2024, du nom de Jean Philippe Beauvilliers, un coureur master de 52 ans, contrôlé positif lors du Championnat de France de cross de mars 2024…
L’état des lieux à fin décembre 2024 de la lutte anti-dopage en France ne prêtait pas vraiment à plaider en faveur de son efficacité ! Avec un seul athlète mis en cause pour violation des règles anti-dopage, Mehdi Frère. Le marathonien rejoignait ainsi un trio d’athlètes français d’élite sanctionnés pour les mêmes motifs, les fameuses irrégularités de localisation, également reprochées à Amaury Golitin, Pierre Ambroise Bosse, Mouhamadou Fall.
Happio suspendu provisoirement va présenter sa défense
Mais l’actualité du début d’année 2025 pointe du doigt maintenant sur un nouvel athlète de niveau international, Wilfried Happio. La nouvelle est apparue au grand jour en ce jeudi 30 janvier avec un tweet rédigé par l’Athletics Integrity Unit qui annonçait sa suspension provisoire pour ce même motif.
L’affaire rappelle celle de Mehdi Frère, où là aussi, l’AIU avait prononcé une suspension provisoire, le 4 juin 2024. Car Wilfried Happio, comme Mehdi Frère, était intégré dans le groupe cible de l’AFLD, et également de l’AIU. Une double surveillance qui autorise ainsi l’AIU à s’emparer des dossiers et l’expérience prouve que lorsque l’AIU décide d’une suspension provisoire, c’est qu’elle dispose de preuves qu’elle estime irréfutables.
Trois no shows depuis mai 2024 ?
Bien entendu, Wilfried Happio conserve toute latitude pour se défendre face à l’AIU, et faire valoir ses explications pour justifier ces trois no shows. Car selon Romain Donneux de l’Equipe, il s’agit pour le Hurdler de trois absences lors de contrôles anti-dopage inopinés, lors du meeting de Doha en mai 2024, du meeting d’Ostrava, fin mai 2024, et cet automne.
L’avocat de Wilfried Happio a beau jeu d’indiquer qu’il vient de recevoir la procédure et qu’il va maintenant fournir des explications. Car en réalité, la procédure de l’AIU a d’abord intégré une phase de questionnements à l’athlète, pour justifier ces manquements. Et ce n’est que parce que ses réponses n’ont pas convaincu que la suspension provisoire est prononcée.
La France, le plus gros contingent d’athlètes sanctionnés pour problèmes de localisation
Une nouvelle suspension d’un athlète d’un tel niveau ne peut que choquer. A noter qu’actuellement sur le plan mondial, 28 athlètes sont sanctionnés pour ce motif, et qu’avec 4 athlètes, la France représente le plus gros contingent concerné, soit 15% du total. Et derrière la France, on retrouve 3 pays avec 3 athlètes : la Russie, l’Inde, le Kowait. Au moins deux, la Russie et l’Inde, sont également des pays où l’on sanctionne pour des contrôles positifs. Le cas de la France apparaît donc très atypique.
Jean Philippe Beauvilliers, un athlète master suspendu
Un contrôle positif a bien eu lieu l’année dernière en France, mais il a évolué en très grande discrétion pour n’apparaître sur les listes AFLD et AIU qu’en ce début d’année 2025. Il s’agit de la suspension prononcée à l’encontre de Jean Philippe Beauvilliers, suite à un échantillon positif à la boldénone, un anabolisant, prélevé lors du Championnat de France de cross de mars 2024.
Ce jour-là, cet athlète de 52 ans, habituellement en lice dans des compétitions classiques, sur piste et sur courtes distances sur route, évolue dans la catégorie Handisport, probablement sur déficit visuel, et il termine 2ème de ce France. Une procédure est alors lancée par l’AFLD, et le collège décide le 26 septembre 2024 d’une suspension de 3 ans. Une durée qui confirme que Jean Philippe Beauvilliers a admis ses torts, obtenant ainsi une réduction d’une année.
Le championnat du monde Master disputé après son contrôle positif
Pourtant le coureur, licencié à Nice Côte d’Azur, a continué à participer à des compétitions jusqu’à la mi-août, avec en point d’orgue, le Championnat du Monde Masters organisé à Göteborg. Il y a disputé la finale 2 du 5000 mètres catégorie M50, avec une 51ème place à la clef, et un chrono de 19’03’’07. Une performance qui se voit ainsi gommée par sa suspension ainsi que la dizaine de résultats établis après mars 2024.
Contacté par nos soins pour expliquer cette situation, Jean Philippe Beauvilliers n’a pas répondu, et les questions ne manquent pas autour de ce cas d’un sportif qui compte près de 20 ans de pratique de l’athlétisme, avec un arrêt entre 2016 et 2021, sous les couleurs de l’ECLA Albi, l’Olympique de Marseille, Marseille Athlétisme, et Nice Côte d’Azur Athlétisme, depuis 2023, et il était ainsi présent au Championnat d’Europe des Masters en septembre 2023.
D’autant qu’en parallèle, le quinquagénaire se présente comme préparateur physique professionnel, et mêle pratique classique et paralympique, visiblement sur déficit visuel, et présent à ce titre sur 5000 mètres, pour l’inauguration de la piste du stade de France pour les JO et Paralympiques.
Le Boldenone, un produit pour le bétail
Le métabolite de boldenone, incriminé dans ce cas, relève de la catégorie des anabolisants androgènes, et interdit à ce titre par l’Agence Mondiale Anti-Dopage. Elle est destinée au bétail et aux chevaux, et il est acquis que par exemple, en Colombie, les éleveurs bovins l’utilisent pour faire grossir l’animal et gagner de la masse musculaire. C’est dans ce contexte qu’en 2020, le le tennisman colombien Robert Farah avait connu un contrôle positif à la boldenone, qu’il avait imputé à la viande de son steak. Une contamination qui lui avait permis d’être exonéré de toute sanction…A contrario, le rugbyman Kais Gasmi avait reçu en juin 2023 une suspension de 4 ans de l’AFLD pour ce même produit doublé d’un autre anabolisant.
Analyse : Odile Baudrier
Photo : D.R.