L’heure est aux changements à l’Alès Cévennes Athlétisme, avec la volonté d’en finir avec une image ternie par les affaires de dopage qui ont concerné trop d’athlètes du club. Pour négocier ce virage, le club s’appuiera sur Philippe Rémond, nommé manager de l’élite, et sur Thierry Pantel, qui retrouve ainsi le club de ses débuts.
Le petit local à côté du stade Pujazon ne paie pas de mine. Le fief de l’Alès Cévennes Athlétisme, sombre, un brin tristounet, malgré ses étagères garnies de trophées, accueille pourtant trois athlètes aux palmarès scintillants. Hassan Lahssini, Philippe Rémond, et Thierry Pantel, ont pris place aux côtés de Pascal Daniel et Yves Albaladejo, les patrons du club. Un trio aux allures de « Dream Team », chargée d’une mission très spéciale : celle de modifier l’image du club, ternie ces dernières années par des affaires de dopage touchant trop d’athlètes évoluant en son sein.
Le constat est implacable, on peut égrener les noms de Khalid Zoubaa, Abraham Kiprotich, Mohamed El Hachimi, tous positifs sous les couleurs de l’AC Alès, ou encore de Hassan Hirt, ex-licencié suspendu ensuite, et de Hassan Ben Lkhainouch, suspendu avant d’intégrer le club. Une litanie qui a le nom d’hérisser les poils d’Yves Albaladejo, trésorier depuis près de 25 ans, qui ne dissimule pas son exaspération face aux polémiques suscitées par ces cas, tout en enfourchant le credo d’une certaine naïveté face à de telles dérives.
Des années durant, Marie Claude, son épouse, présidente du club jusqu’à son élection à la Mairie d’Alès, en mars 2014, a affiché cette même attitude, mêlant enthousiasme et innocence. Mais ces derniers mois, les donnes ont changé, et l’approche des responsables du club s’est radicalement modifiée.
Moins d’athlètes étrangers
Pascal Daniel, le néo-président après 25 ans à la vice-présidence, explique sans ambages : « On recherche à améliorer notre image, qui a été perturbée avec certains athlètes étrangers. On veut modifier le regard de la FFA, du milieu. Pour cela, on va opter pour plus d’athlètes français. » Hassah Lahssini, premier athlète étranger licencié au club, depuis 1995, renchérit : « On a fait confiance à des athlètes, on leur faisait signer une charte d’athlètes propres. Mais on ne peut pas contrôler. Alors, on a décidé de changer, pour évoluer vers un athlétisme clean. Ce n’est pas une question de racisme. On veut construire une nouvelle équipe sans histoire.»
Le virage ainsi amorcé se traduit de manière radicale : l’équipe élite d’Alès ne comptera plus cette saison qu’un Marocain, Othmane El Goumri, et intègrera un nouveau venu, Freddy Guimard, aux côtés de Romain Courcières, Hassane Ben Lkainouch, Khalid Zoubaa. En rupture totale avec ces années où la recherche de la performance incitait au recrutement d’athlètes qu’on pourrait qualifier de mercenaires. Yves Albaladejo justifie : « On faisait appel à des athlètes plus forts, pour garder nos sponsors, pour conserver notre subvention municipale. On avait aussi face à nous la Légion, un adversaire démesuré, constamment renouvelé. ». Cette méthode paie grassement sur les podiums, l’AC Alès a engrangé 8 titres de champion de France de cross et 5 de vice-champion, sans oublier le titre de la Coupe d’Europe des cross.
Cette obsession du haut niveau doit aussi beaucoup au contrat d’objectif signé avec la ville d’Alès, délivrant une subvention de 130.000 euros, (diminuée cette année à 120.000 euros), sur un budget total de 280.000 euros, en contrepartie d’objectifs de résultats et d’effectifs, et intégrant environ 13.000 euros de primes revenant à l’élite en fonction de ses sélections et performances.
Le club au cœur de la campagne municipale
Mais au printemps 2014, cette politique du podium à tout crin va se retrouver propulsée dans la campagne municipale opposant Benjamin Mathéaud, candidat d’union de gauche, et Max Roustan, élu depuis 1995, et qui compte sur sa liste Marie Claude Albaladejo, alors encore présidente du club…. Au cœur de la polémique, un article publié dans « le Monde » mi-février 2014, pointant du doigt les nombreux cas de dopage au sein du club de l’AC Alès, en donnant largement la parole à Bernard Brun, le créateur du club, évincé ensuite du club pour des conflits de point de vue avec ses dirigeants.
Yves Albaladejo n’en décolère pas : « Bernard Brun utilise beaucoup les réseaux sociaux. Il met la suspicion sur chaque performance. Après la parution de l’article du Monde, le journal a refusé notre droit de réponse. Mais cette histoire nous a portés préjudice. Les athlètes en ont souffert. Le club a été sali à travers ça. »
Un épisode délicat qui a probablement joué un rôle d’électrochoc. Pour incurver les habitudes et impulser une forme de retour aux sources pour ce club qui avait débuté sa politique de haut niveau en recrutant, après Hassan Lahssini, quelques talents français de l’époque, Yves Albaladejo égrène les noms de Cyril Ballester, Fabien Lacan, Damien Rouquet, Kévin Paulsen, Augusto Gomes.
Thierry Pantel, come back au club de ses débuts
Mais c’est bien sûr le come-back de Thierry Pantel dans le giron du club qui sonne comme un symbole. L’ex-athlète renoue avec cette structure qu’il a contribuée à faire éclore, licencié dès ses années cadets en 1981, qu’il a retrouvée à nouveau à partir de 1992 après un détour par Marignane. Après sa carrière, Thierry Pantel, devenu éducateur territorial à Brignon, avait créé dans cette commune proche d’Alès, au sein du club omnisports de la Gardonnenque une section athlétisme dès 1998, et en cette fin 2015, il revient vers Alès, avec un objectif très précis qu’il détaille tranquillement : « Ce qui m’intéresse, ce sont les jeunes. Je veux que les jeunes aient la perspective de pouvoir accéder à un grand club ». L’A.C. de la Gardonnenque se mue ainsi en sous section l’AC Alès, apportant dans ses valises quelques jeunes athlètes de qualité, et en particulier Elliott, le fils de Thierry Pantel, âgé de 15 ans.
Et Thierry ne dissimule pas les espoirs qu’il fonde sur Elliott, qui prend ainsi la relève de Pierrot, son fils aîné, gros talent en cadets et juniors, lui aussi sous les couleurs de l’AC Alès avant que des conflits personnels et familiaux n’éloignent tout ce petit monde.
La surprise Philippe Rémond
Avec cette intégration à Alès, Thierry Pantel ramène à son club « historique » une crédibilité certaine, que renforcera une autre arrivée surprenante, celle de Philippe Rémond, recruté pour un poste de manager de l’élite. L’actuel responsable du marathon pour la FFA avoue se lancer avec enthousiasme dans un challenge inédit : «Véhiculer l’image d’une équipe saine. Recréer une vraie dynamique. Car on ne va pas se mentir, le club traîne quelques casseroles… »
Après deux années passées à gérer les relations partenaires pour Marseille-Cassis, et en particulier les sessions d’entraînement dans les entreprises partenaires, l’ex-marathonien apprécie de renouer avec le haut niveau et la performance. Déjà, il se projette dans l’idée de stages pour cette équipe élite, mais ne fait pas mystère de son état d’esprit : « Avec ce qu’on est en train de bâtir, on n’a pas le droit d’avoir de nouvelles casseroles. Même si les mecs sont moins forts. Je préfère prendre des mecs moins forts, mais sains. »
>Texte : Odile Baudrier
> Photos : Gilles Bertrand