L’antidopage aux Etats Unis se porte mal, et les statistiques le démontrent avec 17 sanctions prononcées en moyenne par an sur les huit dernières années et de nombreuses relaxes après contrôles positifs, comme pour le sprinter Erriyon Knighton, juste à temps pour lui permettre de disputer les JO. Pourtant en parallèle, l’agence américaine n’hésite pas à activer la loi Rodchenkov, qui lui permet une action légale contre des sportifs étrangers. En résumé, un gendarme laxiste ou sévère, selon ses cibles !
39 sanctions prononcées en 2023. Un total de 141 sanctions entre 2015 et 2023, soit une petite moyenne de 17 par an, et un pourcentage de 0.48% sur le nombre de contrôles effectué. 7773 contrôles durant l’année 2023. Ces chiffres parlent tout seuls pour dévoiler une certaine inaction de l’Agence Antidopage Américaine. A titre de comparaison, pour la France, (5 fois moins d’habitants), en 2023, l’AFLD recense 141 sanctions, 12000 contrôles, et 105 cas positifs (soit 0.87%% de résultats anormaux, ce qu’on considère déjà comme très éloigné du vrai pourcentage d’athlètes dopés).
L’USADA recense 96 violations qui auraient pu être sanctionnées en 2023, mais 51 ont finalement été balayées sans suite, soit seulement 1 cas sur 2 vraiment poursuivi par une procédure. Le rapport annuel de l’USADA témoigne de l’inefficacité des méthodes déployées pour le contrôle des sportifs américains. Sans oublier de surcroît que les sports majeurs aux Etats-Unis, football américain, baseball, basket, échappent complètement aux règles anti-dopage, de même que le sport universitaire.
La loi Rodchenkov pour poursuivre les infractions partout dans le monde
C’est un bilan peu glorieux pour un pays qui prétend à être le gendarme anti-dopage du monde en parallèle (ou à la place ?!!) de l’AMA, Agence Mondiale Anti-dopage. Un rôle que lui autorise la fameuse loi Rodchenkov, du nom du Russe Rodckhenkov, patron du laboratoire de Moscou pendant des années, maître d’œuvre de toutes les dérives du dopage en Russie, avant de fuir et de s’installer aux Etats Unis pour y révéler les méthodes douteuses de son ex-pays.
Avec cette loi, la justice américaine dispose des pleins pouvoirs pour poursuivre des infractions anti-dopage même si elles ont été commises à l’étranger par des sportifs d’autres pays du monde, à la condition qu’il soit démontré que ces méthodes dopantes ont nui à des sportifs américains. Ce n’est guère difficile ! La première utilisation de cette arme juridique a concerné Blessing Okagbare, la sprinteuse et sauteuse en longueur du Nigéria, et dans la foulée, son pourvoyeur, l’Américain Eric Lira.
La deuxième est toute récente, elle concerne l’affaire des nageurs chinois qui ont contrôlé positifs en 2021 à la trimétazidine, avant que ces contrôles soient annulés par l’Agence Chinoise Anti Dopage, avec la connivence de l’Agence Mondiale. Un cas qui démontre toute la compromission des instances anti-dopage de certains pays, et jusqu’au plus haut niveau. Travis Trygart, le patron de l’agence US, a vite compris le parti qu’il pouvait en tirer pour s’opposer encore plus haut à Wiltod Banka, le patron de l’agence mondiale.
Des relaxes pour des contaminations par la viande ou les compléments
Et pourtant plusieurs cas ont confirmé que l’USADA concédait facilement des relaxes à des sportifs. L’argument des aliments contaminés par les hormones injectées dans l’industrie du bétail aux Etats Unis s’avère fréquemment avancé pour obtenir la mansuétude de l’USADA, de même que celui de la contamination par des compléments alimentaires, et l’USADA les valide aisément.
Un exemple récent a encore confirmé la méthode américaine. Le sprinter Erriyon Knighton a obtenu sa relaxe à quelques jours du début des trials US au motif que le trenbolone découvert dans son échantillon de fin avril provenait de viande de bœuf contaminée. Une décision obtenue juste à temps pour pouvoir disputer le 200 mètres des Trials et décrocher sa qualification pour les JO de Paris, où il peut jouer le podium.
A titre de comparaison, en France, Alexie Alais a été suspendue deux ans par l’AFLD suite à un contrôle positif à la sibutramine qu’elle soutenait avoir absorbé dans un complément alimentaire acheté au Brésil pour perdre du poids. La responsabilité de la lanceuse de javelot a malgré tout été retenue au motif que le sportif est responsable de tout ce qu’il absorbe comme le prévoit le code mondial antidopage.
Les sanctions atteignent rarement 4 ans
Autre élément notable de l’attitude très « souple » de l’anti-dopage US : la durée des sanctions qui atteint très rarement 4 ans, et se limite en règle générale à 3 ans maximum, y compris pour des contrôles positifs à des produits « lourds », comme les anabolisants, ou des refus de contrôles.
Une seule exception sur les trois dernières années : la suspension de huit ans notifiée à Gil Roberts après un contrôle positif à 4 substances de la famille des anabolisants incluant l’ostarine et le ligandrol. Car il s’agissait d’une récidive pour le spécialiste du 400 mètres, médaillé d’or au relais aux JO de Rio, et d’argent au Mondial 2017, avait déjà été suspendu 16 mois en 2022, positif à l’ostarine. Par contre, dans le passé, en 2017, Gil Roberts avait été relaxé après un contrôle au probénécide, de la famille des diurétiques, en arguant avoir été contaminé par un baiser avec sa compagne traitée pour une infection des sinus. Sept ans plus tard, et deux contrôles positifs, l’alibi paraît avoir été quelque peu usurpé…
Analyse : Odile Baudrier
Photos : D.R.