Encore et toujours le dopage. Tout au long de l’année 2020, crise du COVID ou pas, l’actualité n’a pas arrêté de rebondir. Certaines affaires ont trouvé leur conclusion, et d’autres demeurent encore dans l’attente d’une décision finale. Et force est d’admettre que la lutte anti-dopage n’en a jamais fini, et que les tricheries demeurent envers et contre tout…
CLAP DE FIN
Clémence Calvin, définitivement suspendue
Tous les recours ont été épuisés pour Clémence Calvin, et Samir Dahmani, qui se voient maintenant définitivement suspendus jusqu’en décembre 2023. Le couple n’a pas obtenu gain de cause auprès du Conseil d’Etat, qui a confirmé en septembre 2020, la suspension décidée par la Commission des Sanctions de novembre 2019. Ainsi s’achevait cette affaire rocambolesque débutée en avril 2019 par un contrôle anti-dopage inopiné mené au Maroc par l’AFLD auprès de la marathonienne en préparation pour le Marathon de Paris. Mais Clémence Calvin allait démontrer une pugnacité incroyable pour contester les faits en soutenant que les contrôleurs de l’AFLD s’étaient présentés comme des policiers, et en démentant sa fuite pour se soustraire au contrôle. Rétrospectivement, ce sont surtout les rebondissements judiciaires qui ont alimenté la chronique, sous la direction d’avocats de renom, maître Péricard et Bosselut incitant leur cliente à des recours successifs devant le Conseil d’Etat. Au bout du compte, les arguties de la jeune femme ont été balayés et la sanction a même allongé de quelques mois en raison de la violation de sa suspension provisoire, lors d’entraînements menés sur le stade du club de Martigues, qui n’a jamais complètement pris ses distances avec son ancienne égérie.
La suspension de la Russie pour deux ans seulement
Le Tribunal Arbitral du Sport a livré ce jeudi 17 décembre un verdict final sur la suspension de la Russie, mise en cause pour des déviances dopantes orchestrées par l’Etat. La porte demeurera fermée pour les Jeux Olympiques de Tokyo, et Pékin, hivernal, mais le come-back est maintenant programmé pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Un quitus qui a provoqué des réactions hostiles de nombreux observateurs de la lutte anti-dopage, tant la Russie apparaît avoir encore peu évolué pour rompre avec ses très mauvaises habitudes. Derrière cette décision très favorable à l’avenir sportif de la Russie, pointe la pression de Thomas Bach, président du Comité International Olympique, aux liens forts avec Vladimir Poutine, le président de la Russie. L’idée d’une future candidature de la Russie pour les Jeux Olympiques n’est plus à écarter. World Athletics décidera en mars prochain du sort réservé à la Russie,
Les retests des JO de Londres sont terminés
Les ultimes tests effectués sur les échantillons prélevés lors des JO de Londres ont livré en août une nouvelle liste d’athlètes finalement sanctionnés pour dopage. Ce sont 139 participants des JO 2012 qui ont été démasqués, incluant 39 médaillés et 13 champions olympiques, alors que durant les JO, seulement 9 cas positifs avaient été annoncés. L’athlétisme a payé un lourd tribut avec 91 cas, essentiellement de Russes. Le décompte apparaît maintenant terminé puisque le retesting des prélèvements n’est autorisé que dans les huit années qui suivent. De nouvelles molécules, non détectables à un moment T, peuvent ainsi être découvertes par la suite, et environ 2/3 des 5000 échantillons ont été passés à la moulinette. Toutefois tous les podiums n’ont pas été revus et toutes les médailles n’ont pas été systématiquement réattribuées. Justice n’est donc pas faite pour les athlètes propres.
REBONDISSEMENTS EN VUE
Ophélie Claude-Boxberger, une affaire encore à trancher
Une série dramatique digne de Netflix. C’est le sentiment souvent ressenti face aux incessants rebondissements autour du contrôle positif à l’EPO d’Ophélie Claude-Boxberger, depuis ce début novembre où la Montbéliarde s’est vue notifiée sa suspension provisoire. Un « cas » très simple sur le papier, qui s’est vite complexifié, avec ces aveux chocs d’Alain Flaccus, cette accusation pour empoisonnement d’Ophélie Claude-Boxberger, puis le revirement radical d’Alain Flaccus, qui soutient avoir été manipulé par l’athlète et sa mère, et une plainte pour viol aggravé de la jeune femme à l’encontre de son ex beau-père, et ex-entraîneur, qu’elle accuse d’abus entre l’âge de 14 ans et 18 ans. Autant d’affaires judiciaires qui mettront encore du temps à aboutir, avec une enquête de l’OCLAESP qui compte déjà beaucoup de surprises, et des investigations complètes à mener sur le volet des accusations sexuelles. Le volet sportif devrait, lui, se décanter maintenant assez rapidement, pour livrer une décision sur la suspension définitive de la steepleuse.
Morhad Amdouni, entre ombres et lumière
Qu’il semble loin cet automne 2019 où le nom de Morhad Amdouni apparaît dans le documentaire de l’Allemand Hajjo Seppelt consacré au dopage au Maroc. L’équipe du journaliste de référence dans l’anti-dopage dévoile des SMS échangés entre le champion d’Europe du 10000 m et un dealer de produits dopants, qui réclame son paiement après une fourniture d’EPO. L’affaire fait sensation d’autant que Morhad Amdouni vient de quitter précipitamment le Qatar où il s’était installé pour la préparation du marathon du Championnat du Monde, et de se déclarer forfait. Il s’y ajoute dans le même temps le refus du programme Quartz Elite de l’intégrer, en raison d’éléments biologiques apparaissant douteux. Et dans la foulée, le départ de Philippe Dupont, son entraîneur, et de Riad Ouled, son manager. Quatorze mois plus tard, aucun élément nouveau n’est officiellement apparu, malgré un début d’enquête par l’OCLAESP, et des informations encore en cours de vérification. Morhad Amdouni a renoué avec la réussite sportive, avec le record de France de l’heure, 20.772 km, et une grosse performance au Mondial de semi-marathon, en 59’40’’.
Taoufik Makhloufi, beaucoup de bruit pour rien ?
L’affaire Taoufik Makhloufi explose au grand jour fin octobre. La rumeur circule depuis déjà près de deux mois autour de la découverte d’un sac qui lui appartiendrait et qui contiendrait du matériel de perfusion et des médicaments. Taoufik Maklhoufi refuse dans un premier temps de s’exprimer, de même que Philippe Dupont, son entraîneur. Finalement les deux hommes réagiront tour à tour, dans la presse algérienne, et dans l’Equipe, d’une voix unanime, l’un pour réfuter toute dérive dopante, l’autre pour confirmer toute sa confiance envers son protégé. Les secousses sont énormes en Algérie, face à cette attaque de cette icône de l’athlétisme algérien, tellement peu performant. Le Directeur des Equipes Nationales, Abdelkrim Sadou, se révèle très offensif contre Thierry Vildary qui a, le premier, dévoilé le nom du triple champion olympique. En France aussi, les conséquences se révèlent surprenantes, avec cette attaque en règle menée contre Jimmy Gressier, qui a découvert avec Mehdi Belhadj ces produits par le hasard d’une curiosité mal placée, celle de voir si ce sac contenait les nouvelles pointes Nike. L’OCLAESP s’est saisie de cette affaire surprenante, qui, sauf rebondissements très inédits, aura peu de chances de se conclure à charge. Quant au volet sportif, il apparaît à ce jour sans suite.
AFFAIRES A SUIVRE
Le Kenya, patrie du dopage
La tendance ne s’est pas incurvée cette année pour le dopage des athlètes du Kenya, qui déshonorent un peu plus chaque jour leur pays. Il ne se passe pas un mois sans que l’Athletics Integrity Unit annonce de nouveaux d’athlètes accusés de dopage, et aux contrôles positifs à l’EPO, aux stéroïdes anabolisants, et aux irrégularités des passeports biologiques, il s’y ajoute maintenant les sanctions pour des défauts de localisation. La pression est montée d’un cran en 2020, avec 50 athlètes kenyans actuellement suspendus, amenant un total de 138 cas depuis 2008, et incluant plusieurs noms de renom, comme Asbel Kiprop, Rita Jeptoo, Elijah Manangoi. Autant d’éléments confirmant la fausse naïveté des entraîneurs et managers, soutenant que le dopage ne concernait que des niveaux intermédiaires de l’athlétisme du Kenya. Pour autant, le pays n’a supporté aucune sanction collective, et les Kenyans continuent à essaimer sur les épreuves du monde entier. Preuve encore au semi et marathon de Valence, où les chronos ont valsé. Et les dollars également !
RODCHENKOV Act, la toute puissance américaine
Le Rodchenkov Act fera partie des ultimes lois votées par Donald Trump, dans son dernier mois de présidence. Une signature officialisant cette loi qui autorise les Etats Unis à se transformer en gendarmes mondiaux de l’anti-dopage, avec cette possibilité d’agir pour des faits de dopage organisé à travers le monde entier. Même s’il ne s’agit pas d’intervenir sur les sanctions sportives des athlètes pour dopage, les réticences face à cet énorme pouvoir donné à la justice américaine n’ont pas manqué, et en particulier de la part de l’Agence Mondiale Anti-Dopage, et de nombreuses agences nationales, comme l’AFLD. Avec en filigrane la crainte de l’affaiblissement de l’AMA, à la faveur également de la remise en cause des budgets versés par les Américains. Cette loi a aussi suscité de vives réactions de part son nom, celui de Gregory Rodchenkov, l’ex-patron du laboratoire anti-dopage de Moscou, et surtout grand organisateur du dopage en Russie. Il restera maintenant à voir quelles en seront les vraies utilisations, et la légitimité juridique pour prendre le pas sur une juridiction nationale.
COVID et lutte anti dopage, deux antagonistes
Les acteurs de l’anti-dopage réussiront-ils à surmonter les énormes difficultés créées par la crise sanitaire mondial pour conserver un niveau de contrôles satisfaisant à l’approche des Jeux Olympiques de Tokyo 2020/2021 ??? L’interrogation demeure alors que les reconfinements et couvre-feux se multiplient dans la majorité des pays d’Europe et d’Amérique, pour tenter de contrer cette nouvelle vague de maladies. Une situation encore plus explosive finalement qu’au printemps, lors du premier confinement, alors même que les dates des JO approchent à grands pas. Or déjà, les statistiques de l’anti-dopage avaient révélé un gros blanc dans les contrôles, en raison de la difficulté à déléguer des préleveurs au domicile des sportifs. En France, le nombre de contrôles a ainsi accusé une forte baissé, 6500 au lieu des 8000 habituels. Et la tendance est apparue semblable, voire même beaucoup plus forte dans les autres pays européens. Alors, quelle crédibilité accorder aux performances « post Covid » ? Quelle garantie que des athlètes peu scrupuleux ne s’engouffreront pas dans cette brèche largement ouverte ???
EN APPEL
Salwa Aid Naser, innocente jusqu’à quand ?
4 contrôles anti-dopage ratés en 11 mois. Et pas de sanction ! Salwa Aid Naser pensait s’être bien sortie de son bras de fer avec l’Athletics Integrity Unit, et ses avocats de se féliciter que leurs arguments, même peu crédibles, aient été retenus. Mais la satisfaction de la jeune sprinteuse du Bahrein a été de courte durée. La décision a fait l’objet d’un appel par World Athletics, et fait très rare, par l’Agence Mondiale Anti-dopage. Une manière de dire trop, c’est trop face à la parfaite mauvaise foi de la championne du monde du 400 mètres, qui avait multiplié les approximations dans ses déclarations d’adresses, pour créer la confusion auprès du préleveur, incapable, de surcroît, de la joindre par téléphone, car soi-disant en panne à ce moment-là… Mais au petit jeu du chat et de la souris, que mènent certains athlètes avec les contrôleurs anti-dopage, pour éviter un prélèvement à une date à haut risque pour eux, Salwa Aid Naser pourrait être la perdante face au Tribunal Arbitral du Sport.
Christian Coleman, en guerre contre sa suspension
Christian Coleman, lui aussi, s’était bien réjoui du tour joué aux autorités anti-dopage l’année dernière, lorsqu’en septembre 2019, il se voyait innocenté pour trois contrôles manqués, et allait conquérir quelques semaines plus tard le titre de champion du monde du 100 mètres. Mais son attitude très offensive contre l’Athletics Integrity Unit, carrément accusée d’incompétence, s’est vite vue contrecarrée par une nouvelle procédure, là encore pour 3 contrôles ratés, et avec cette fois à la clef, une suspension de deux ans. Et même si la décision prise dévoile les mensonges débités par Christian Coleman pour justifier ces absences lors de la venue des préleveurs, l’Américain n’a pas dit son dernier mot et a déposé un recours devant le Tribunal Arbitral du Sport.
Fin novembre, le TAS a confirmé que les appels de Salwa Aid Naser et Christian Coleman seraient tranchés dans les prochaines semaines. Avec en ligne de mire, le quitus pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020-2021.
Lamine Diack et consorts ne veulent pas payer la note
Leurs sanctions ne leur conviennent pas. Lamine Diack, Papa Massata, Habib Cissé, Valentin Balaknitchev, Gabriel Dollé, ont fait appel dans un même élan des décisions prises à la mi-septembre par le tribunal correctionnel de Paris, avec des peines de prison ferme pour tous les protagonistes (excepté le docteur Dolle) de cette vaste affaire de corruption au sein de l’IAAF, et de monnayage de contrôles positifs d’athlètes principalement de Russie et Turquie. Les juges parisiens avaient livré des décisions fortes, avec en particulier 4 ans de prison, dont 2 ans fermes pour Lamine Diack, qui a toujours contesté les faits reprochés malgré les très nombreuses preuves démontrant des détournements de fonds au détriment de l’IAAF qu’il présidait et des méthodes de racket contre des athlètes pour leur éviter des suspensions. Son fils, Papa Massata Diack, n’a pas non plus accepté les 5 ans fermes, et surtout l’amende de 1 millions d’euros, qui apparaît pourtant terriblement faible compte tenu des énormes montants engrangés dans des contrats de marketing facturés à son avantage. Le plus surprenant est peut-être de voir que le Docteur Gabriel Dollé a suivi le mouvement même s’il n’a reçu « que » 140.000 euros d’amende, qui correspondent en fait à la somme en cash reçue à son départ de l’IAAF, comme un dédommagement pour la dissimulation de contrôles. Finalement, à quel moment sera vraiment sanctionnée cette bande de 6, qui s’est enrichie grassement pendant près de 5 ans ? Et quand les parties civiles recevront-elles les sommes qui leur ont été attribuées par les juges ?