Le Maroc est une nouvelle fois frappé par le dopage, avec une dizaine de cas en un an, incluant plusieurs contrôles positifs à l’EPO, comme pour Mustapha El Aziz, détecté deux fois positif à l’EPO en une semaine ! Le marathonien Dazza, qui valait 2h05’, vient, lui, de recevoir quatre ans de suspension pour irrégularité de son passeport biologique.
Dix cas de dopage en un an au Maroc. La situation s’est tendue avec l’annonce en début d’année sur le site de la fédération Royale d’Athlétisme du Maroc de deux nouveaux cas, celui de El Jalaoui, positif au meeting de Rabat de juin 2019, suspendu pour 4 ans, et de Abdelkrim Boubker, positif début mai 2019, suspendu pour 5 ans.
Ils se sont ajoutés aux autres suspensions prononcées des douze derniers mois par l’IAAF, pour arriver maintenant à un total de 10 ! Avec au minimum à quatre reprises de l’EPO. Comme pour Mustapha El Aziz, qui présente une drôle d’originalité : détecté positif à l’EPO à deux reprises en une semaine, le 7 juin 2019 en Croatie et le 14 juin 2019 aux 10 km de Langueux…
L’on peut aussi rappeler l’affaire Mahmoud ElHamri, suspendu par l’AFLD, car évoluant en France, sous les couleurs du CA Béglais. Avec pour lui aussi, la découverte d’EPO lors des interclubs 2019.
Dazza, le dopage pour préparer Prague
La suspension du marathonien El Mahjoub Dazza s’appuie, elle, sur des irrégularités du passeport biologique, motif qui avait déjà conduit dans le passé à une sanction pour Othmane El Goumri. Et la décision du tribunal disciplinaire de l’AIU fourmille en 44 pages de tous les détails sur ce cas très révélateur d’une véritable organisation du dopage autour de l’athlète.
Le verdict des experts est sans appel : les informations sur les valeurs détectées lors des huit prélèvements sanguins subis par El Mahjoub Dazza entre mai et novembre 2019 démontrent une utilisation d’EPO et/ou d’une transfusion sanguine, à deux reprises.
Une conviction acquise par le trio Morkeberg, Audran, Schumacher, dès leur première analyse en octobre 2019, à partir de cinq échantillons. Et le premier échantillon a immédiatement attiré leur attention, par le niveau très élevé de son taux « Off Score », s’élevant à 140. D’où leur suspicion d’entrée sur le marathonien, encore étayée par le fait que ce prélèvement avait été effectué la veille de son marathon de Prague qu’il allait remporter en 2h05’, soit son deuxième chrono de ce niveau en quelques mois, après Valence fin 2018.
2h05 le 5 mai 2019, et un off score de 140, puis début juillet, le off score fléchit à 109.31. Mais, entre fin juillet et début septembre, trois autres échantillons vont faire apparaître des taux variant entre 52.3 et 64.7, qualifiés de « normaux » par les experts, et en décalage complet avec les deux premiers.
Dès le mois d’octobre, il apparaît acquis que l’EPO et/ou la transfusion sanguine ont été utilisés par Dazza, pour se préparer pour l’épreuve de Prague, son troisième marathon. Et le coureur est informé de ces irrégularités début décembre. Il vient alors de s’illustrer à Fukuoka, avec la victoire et un chrono de 2h07’10. Or ses valeurs hématologiques laissent à nouveau apparaître des taux très élevés de son off score, dans la période de préparation pour cette épreuve, avec début novembre le chiffre de 108.
Dazza, à nouveau le dopage pour Fukuoka
Deux victoires, deux chronos et deux périodes révélant l’usage de produits et/ou méthodes interdites. C’est sommairement résumé le minutieux travail des experts scientifiques. Et les détails apportés par Dazza sur son entraînement ne les ont nullement convaincus sur les variations de taux qu’il impute à un changement de méthode, avec en début d’année, pour préparer Prague, des séances trop chargées, effectuées en altitude, essentiellement à Ifrane, dans des conditions très froides, puis le passage à des séances plus intensives, dans des températures élevées, à Rabat.
Une véritable supercherie que le jeune coureur n’a certainement pas orchestrée seul, car le dosage des cures et/ou les manipulations sanguines ne s’improvisent pas. Sans oublier que le programme avait tout de même été bien bâti puisque l’EPO utilisée n’a jamais été détectée durant ces sept mois…
Les justifications apportées dans ses réponses dévoilent d’ailleurs une certaine connaissance des éléments relatifs au passeport biologique et susceptibles d’être acceptés par les experts pour justifier les irrégularités de taux, en particulier l’impact sur les taux de off score que les stages en altitude peuvent provoquer. Il y ajoute également une contestation sur les délais d’analyse des échantillons, estimant que l’analyse est effectuée beaucoup trop tard après le prélèvement.
Dazza se défend sans avocat
D’autant plus surprenant qu’officiellement, El Mahjoub Dazza est le rédacteur de ces réponses, puisque non assisté par un avocat, et cela même si l’AIU lui avait proposé des avocats acceptant d’intervenir « pro bono ».
Or les trois membres du tribunal disciplinaire présidé par Patrick Grandjean ont eu la surprise lors de l’audience du 10 juillet 2020 de découvrir qu’en réalité, El Mahjoub Dazza ne pouvait pas s’exprimer à l’oral en français, et le comprenait difficilement. Il admettait alors avoir été épaulé par un ami juriste pour répondre aux accusations des experts.
Un ami visiblement très bien informé, mais soucieux de rester anonyme, comme le sont restés ses conseillers très spéciaux, qui lui ont permis de booster sa carrière, probablement dès 2017, année où ses chronos explosent, avec 13’18’’ sur 5000 m, 27’39’’ sur 10000 m, puis en 2018, 2h05’ sur marathon.
Mais dix cas plus tard, cette organisation bien huilée conserve encore tous ses mystères…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.