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Le dopage invité permanent des Jeux Olympiques

Le dopage n’épargne pas les Jeux Olympiques. Quelques chiffres en témoignent. Plus d’une centaine de sportifs présents pour Paris 2024 ont déjà connu des suspensions pour dopage. Ce sont également plus d’une centaine de médailles qui ont été retirées à des sportifs qui avaient été récompensés lors des JO depuis 2004. Pourtant peu de sportifs sont suspendus durant les Jeux Olympiques, même si une étude récente annonce que 13% des sportifs auraient recours au dopage !

Chaque Olympiade compte comme un repère pour appréhender la lutte anti-dopage. Et au moment où débutent les Jeux Olympiques de Paris, c’est l’occasion d’un état des lieux du dopage, à travers plusieurs chiffres très intéressants.

Le premier est celui du nombre de sportifs présents à Paris 2024 qui ont déjà été suspendus pour des faits de dopage. Ils seront plus d’une centaine, selon le recensement effectué par le média norvégien NRK avec l’aide du site de référence anti-doping database. C’est comparable au comptage réalisé en 2016 pour les Jeux de Rio, par le New York Times, avec 120 athlètes, et au final, 35 médailles avaient été conquises par d’anciens dopés.

L’athlétisme est le sport le concerné. A Rio, des poids lourds de l’athlétisme faisaient leur retour après une suspension : Justin Gatlin, Asafa Powell, Shelly Ann Fraser Pryce, Yohan Blake, Lashawn Merritt, Christine Ohuruogu.

A Paris, c’est le come back du sprinter britannique Chijindu Ujah, contrôlé positif lors des JO de Tokyo, après sa médaille d’argent en relais. Ou encore de Kemi Adekoya, du Bahrein, champion du monde indoor en 2016, suspendu jusqu’en 2022, et Eid Naser Salwa, également du Bahrein, championne du monde du 400 m en 2019, suspendue jusqu’en 2023. Sans oublier l’Américaine Sha Carri Richardson, seulement suspendue un mois pour marijuana, mais évincée des JO de Tokyo.

41 médailles de Londres retirées ensuite

Le second est celui du nombre de médailles olympiques retirées ensuite à leurs propriétaires, car convaincus du dopage durant les JO. Et ce sont 118 médailles qui ont été « reprises », depuis les Jeux de 2004 (été et hiver). Avec une olympiade particulièrement marquante : celle de Londres, où 41 médailles ont été ensuite supprimées.

Londres 2012 a résonné comme un véritable fiasco de la lutte anti-dopage, au vu du nombre de sportifs aux résultats disqualifiés en raison d’une suspension. Le site Olympmedia, une bible statistique sur l’olympisme, avait effectué en 2020 un décompte des sportifs qui avaient finalement vu leur résultat londonien balayé, pour aboutir au chiffre de 139.

Essentiellement des athlètes, ils sont au nombre de 90, à la faveur de l’exclusion de près de 40 représentants de la Russie, (suite à l’enquête Mc Laren), avec également le Français Hassan Hirt, qui avait été exclu des JO juste après sa série du 5000 mètres du 8 août. Le résultat de son contrôle positif à l’EPO du 3 août avait été connu le lendemain de sa course.

Des tests peu efficaces pendant les JO

Le troisième est le tout petit nombre de contrôles positifs enregistrés durant les Jeux Olympiques : 25 à Pékin (puis 59 après le retesting), 8 à Rio, 6 à Tokyo, comme le rappelle le site ANTIDOPING DATABASE. Le plus spectaculaire vient des JO de Londres : il n’y avait eu que 9 échantillons anormaux, mais le décompte s’était ensuite élevé à 37, à la faveur des restestings d’échantillons.

Pourquoi un tel décalage ? Parce que certains produits ne sont pas détectables à la date des JO et le deviennent ensuite à la faveur de techniques d’analyse plus performantes. Les scientifiques travaillent dans l’ombre pour découvrir des méthodes plus efficaces et confondre les tricheurs, et les informations obtenues sur un athlète orientent aussi les restestings. Mais cette méthode trouve aussi sa limite dans le temps, puisque autorisée pendant 10 ans. Sans parler de l’indécence de modifier X années plus tard un podium olympique, pour réattribuer une médaille. Il est d’ailleurs notable que des médailles n’ont jamais été réattribuées.

13% d’athlètes se dopent ?

Le quatrième est ce pourcentage de 13% d’athlètes admettant se doper ! C’est une étude universitaire conduite en Grande Bretagne qui a livré ce chiffre impressionnant, comme l’a révélé le journaliste Edmund Willison sur son site Honest Sport. Cela correspondrait à un chiffre de 104 dopés (sur la base des 800 réponses reçues) alors que l’UKAD, l’agence anti-dopage britannique, prononce en moyenne 21 sanctions par an. Mais l’agence antidopage anglaise a de suite souligné que plus de réponses devraient être intégrées pour pouvoir prétendre à connaître l’étendue réelle du dopage dans le pays.

Est-ce une surprise ? Pas vraiment, à considérer un autre chiffre, celui des 41% d’athlètes qui avaient reconnu se doper lors d’une étude menée durant les Championnats du Monde d’athlétisme de 2011 à Daegu. Un travail soigneusement dissimulé par World Athletics (IAAF à l’époque), mais finalement révélé au grand jour, avec beaucoup de retard.

1% de contrôles positifs, c’est un petit score

Le cinquième est celui de 1%. Ce tout petit chiffre est celui du nombre de cas de dopage détectés par les instances anti-dopage. Chaque année, au niveau mondial, ce sont plus de 300.000 tests qui sont effectués à travers tous les pays et par les différentes instances. Avec au bout du monde moins de 3000 contrôles positifs !

Pourquoi un chiffre aussi faible ? C’est un expert de la lutte anti-dopage qui l’explique le mieux dans le rapport publié par l’AMA en 2012 « Lack of Effectiveness of Testing » : l’ancien patron de l’agence mondiale, David Howman n’hésite pas à souligner que les sportifs ne sont pas toujours testés pour les bonnes substances. Par exemple, en foot, seulement 10% des échantillons sont analysés pour y découvrir EPO et HGH, deux molécules évidemment très efficaces pour booster les performances dans ce sport.

Le petit budget de la lutte anti-dopage

Le sixième est celui du budget de la lutte anti-dopage. Soit 420 millions par an. C’est beaucoup ? Pas vraiment, comme le rappelle le journaliste Nick Butler, qui le rapproche du budget de l’industrie du sport, soit 460 milliards. Un tout petit ratio qui confirme que le dopage n’est pas un sujet majeur pour les différents acteurs du sport.

Le Comité Olympique International consacre 160 millions à l’anti-dopage, sur un budget total de 7.6 milliards. C’est peu alors que chaque Olympiade se voit souillé par des tricheurs, et l’on assiste à des victoires au goût douteux, qui ne manqueront pas d’être remises en cause plus tard. Les vraies victimes de ce laxisme demeurent les athlètes propres. Mais cela ne compte visiblement pas du moment que le spectacle olympique est réussi…

Analyse : Odile Baudrier