Les contrôles anti-dopage n’ont pu s’effectuer normalement au printemps en Europe durant la crise du COVID 19. C’est la conclusion d’une étude menée auprès de 48 pays européens. Complexité pour effectuer les prélèvements, difficulté à les acheminer dans les laboratoires, et fermetures des laboratoires, sont autant d’éléments qui ont ralenti la lutte anti-dopage. Cette situation très certainement identique à travers le monde entier explique-t-elle l’explosion des chronos actuellement constatés en athlétisme ?
Une lutte anti-dopage à l’arrêt quasi complet durant les deux mois de la crise sanitaire provoquée ce printemps par le COVID 19. C’est le bilan dressé par une étude publiée en juillet sous l’égide du Conseil de l’Europe, et passée quelque peu inaperçue.
Paradoxalement, c’est une publication dédiée à l’UFC, Ultimate Fighting Championship, cette organisation américaine d’arts martiaux mixtes, qui a mis en évidence ce travail effectué par « l’Anti Doping Convention du Conseil de l’Europe », une structure méconnue qui regroupe 48 pays européens.
Ce sont ces 48 pays d’Europe qui ont été sollicités pour expliciter comment la lutte anti-dopage a continué à s’organiser dans leur pays respectif durant la pandémie de COVID 19. Et les réponses collectées témoignent d’un vide sidéral !
33 pays sur 48 ont stoppé leurs contrôles
Avec un constat implacable parfaitement résumé par la carte réalisée par « The Body Lock » où apparaissent en couleur verte les pays « normaux » et en rouge les pays où la lutte anti-dopage s’est stoppée. Ils sont ainsi 33 pays sur les 48 à révéler que les tests hors compétition ont été complètement stoppés durant la pandémie. Et 14 à affirmer avoir maintenu un programme de contrôles hors compétition, mais très réduit par rapport aux objectifs habituels. Les chiffres varient entre 5% pour la Suède et 90% pour la Géorgie, et l’information n’est pas communiquée pour la France, qui s’est bornée à indiquer que les contrôles ont été effectués dans le respect des règles sanitaires.
Une évolution plus que logique compte tenu de l’obligation de confinement imposée aux sportifs, comme aux contrôleurs, et des contraintes sanitaires strictes à respecter pour un test anti-dopage qui ne pouvait qu’être effectué au domicile des athlètes, vu la fermeture quasi-totale dans toute l’Europe de toutes les structures sportives.
8 laboratoires sur 16 en fermeture totale ou partielle
S’ajoutait aussi le problème du transport des échantillons vers les laboratoires, là aussi rendu très compliqué avec la contrainte de délais courts à respecter sur le plan réglementaire et en parallèle l’arrêt des vols aériens et le ralentissement des transports routiers. Ainsi 24 pays ont admis avoir eu des difficultés fortes ou moyennes dans ce domaine (dont la France).
Sans oublier aussi un ultime obstacle, celui de la fermeture de la quasi- totalité des laboratoires anti-dopage dans toute l’Europe (fermeture totale pour la France, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, fermeture partielle en Belgique, Allemagne, Norvège, Roumanie, et pas de fermeture en Autriche, Pologne, Suède, Suisse, Turquie).
Et ailleurs, dans le monde ? On ne peut que prédire que ce grand vide n’a pu que se répéter à travers les différents continents, et probablement avec encore plus d’emphase. D’où en conclusion, un véritable blanc seing donné aux sportifs un peu partout dans le monde.
Les espaces aériens encore fermés en août
Avec pour conséquence une sérieuse explosion de chronos dans l’athlétisme mondial, et en particulier dans le demi-fond ??? La question ne peut être éludée. Le tout récent record du monde du 5000 mètres explosé par Joshua Cheptegei, avec un gain de 2 secondes sur la référence très ancienne du mythique Bekele, ne pouvait y échapper, en parallèle aussi de tous les questionnements sur le bénéfice apporté par sa chaussure Nike, la Zoom X Dragonfly.
Les péripéties autour du très long voyage supporté par l’Ougandais pour rejoindre Monaco ont révélé que l’espace aérien d’Ouganda demeure encore fermé et que ce n’est que sur une demande du Président de la République d’Ouganda que l’athlète a pu bénéficier d’un vol spécial vers le Kenya, puis la Turquie et la France.
Les budgets en forte baisse dans 45% des cas
Toutefois, comme pour beaucoup d’autres aspects de la société, les conséquences de la pandémie ne se limiteront pas au court terme. L’analyse du Conseil de l’Europe révèle que les budgets affectés à la lutte anti-dopage ont été très réduits pour 45% des pays, parmi lesquels la Hongrie, l’Italie, l’Espagne, la Suède, Monaco… où les priorités ont été revues dans un contexte de monstrueuse épidémie. Et avec la crise économique, ces donnes pourraient ne pas changer dans un proche futur.
Moins de budget = moins de tests = plus de tricheurs. Avec en ligne de mire, dans 10 mois, les Jeux Olympiques de Tokyo ??!!
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : D.R.