Les injections de fer ne sont pas interdites par la réglementation anti-dopage, mais elles doivent s’inscrire dans le cadre strictement fixé pour toutes les injections par l’Agence Mondiale Anti-Dopage. De surcroît, en France, elles sont soumises à une restriction d’utilisation importante, puisqu’elles peuvent s’effectuer uniquement dans le cadre hospitalier. Malgré tout, une dérive dopante de cette utilisation demeure possible…
Par Odile Baudrier avec Pierre Sallet (Président AFT (Athletes For Transparency)
La réglementation anti-dopage
Les injections de fer ne sont pas interdites au regard de la liste de réglementations 2018 publiées par l’Agence Mondiale Anti-Dopage et reprise dans le droit français au niveau de l’AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage).
Cette liste 2018 mentionne dans la catégorie des méthodes interdites – dans la rubrique « M2 MANIPULATION CHIMIQUE ET PHYSIQUE » Ce qui suit est interdit : 1. La falsification, ou la tentative de falsification, dans le but d’altérer l’intégrité et la validité des échantillons recueillis lors du contrôle du dopage. Incluant, sans s’y limiter : La substitution et/ou l’altération de l’urine, par ex. protéases. 2. Les perfusions intraveineuses et/ou injections d’un total de plus de 100 mL par période de 12 heures, sauf celles reçues légitimement dans le cadre de traitements hospitaliers, de procédures chirurgicales ou lors d’examens diagnostiques cliniques. »
Les injections de fer peuvent donc être effectuées, sous réserve de respecter le dosage maximal de 100 ml par période de 12 heures, sauf dans le cas de traitements hospitaliers légitimes. Cette quantité maximale peut donc être dépassée dans l’hypothèse d’un traitement prescrit pour une pathologie particulière.
La réglementation française
Une nouvelle circulaire relative aux modalités d’utilisation des spécialités à base de fer injectable faisant suite à une décision de la Commission Européenne, qui visait à renforcer les précautions d’utilisation de ces produits en raison des risques allergiques présentés, a été établie en janvier 2014.
Cette circulaire a inscrit les spécialités à base de fer injectable en réserve hospitalières : elles ne peuvent donc être injectées en France que dans un cadre hospitalier.
Les carences en fer
Le fer est l’un des composants de l’Hème, constitutif de l’Hémoglobine et que l’on retrouve donc au niveau de tous les globules rouges. La formule de Ganzoni permet de calculer la dose cumulée nécessaire pour restaurer l’hémoglobine (Hb) et reconstituer les réserves de fer; elle se base sur l’hémoglobine réel du patient, et l’hémoglobine cible à atteindre. Dans le cas d’une valeur anémique, par exemple une concentration de 8 g/dl d’hémoglobine, il sera déterminé qu’un certain volume d’injections doit être effectué pour atteindre une concentration cible de 12 g/dl.
Dans le cas de pathologies, anémies et/ou carences martiales, qui peuvent survenir par des origines diverses, le traitement de ces patients se fait en milieu hospitalier.
La carence en fer, un handicap pour les femmes
Les femmes sont en règle général plus sujettes aux carences en fer que les hommes, en raison notamment des pertes hémorragiques consécutives aux menstruations. Toutefois dans les sports d’endurance et notamment la course à pied, les chocs au niveau du talon participent également à une hémolyse, c’est-à-dire une destruction des globules rouges. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas d’entraînements longs et répétés. Certains régimes alimentaires spécifiques peuvent également être à l’origine d’une carence en fer de l’organisme.
Dans le passé, beaucoup de jeunes athlètes pouvaient recevoir des injections en fer, pour pallier à ces problèmes. Le changement décidé en 2014 par la Haute Autorité de Santé, en raison des risques élevés de réactions dites d’hypersensibilité liées aux injections de fer, a rendu la chose plus complexe à mettre en œuvre au moins en France…
La tentation du dopage
Les injections pour améliorer la performance sportive
Dans le cas d’une hémoglobine effondrée, le risque pour un sportif est réel, en particulier dans le cadre d’un effort long. La perfusion peut être justifiée par ces situations critiques, dans l’attente d’un retour à la normale de la valeur de l’hémoglobine. Ce traitement médical n’est donc pas là à associer à la performance.
Le problème apparaît dans le cas d’un sportif au profil hématologique normal, sans aucune anémie, et qui se fait prescrire du fer en intraveineuse. Dans ce cas d’un sportif non anémié, et supplémenté par injections de fer, le résultat reste une augmentation de l’hémoglobine. Dans un tel contexte, une injection de fer favorise donc la performance.
En France, la complexité de la législation imposant le passage par le milieu hospitalier pour les injections rend les choses plus difficiles que dans d’autres pays, où les injections peuvent s’effectuer librement. Toutefois, il demeure toujours possible en France comme ailleurs de détourner la réglementation avec la complicité d’un médecin…
L’association du fer avec la prise d’EPO
Dans le cas du traitement de certaines pathologies avec de l’EPO, comme par exemple les insuffisances rénales sévères, cette prise d’EPO s’accompagne la plupart du temps de prises de vitamines mais surtout également d’injections de fer pour une meilleure efficacité du traitement. Dans le cas d’un dopage à l’EPO c’est la même chose, les injections de fer accompagnent souvent les prises d’EPO.
Les injections pour se doper ?
Si la réglementation anti-dopage est la même dans tous les pays, les réglementations médicales elles, sont très différentes. Ainsi pour les pays dans lesquels les injections de fer ne nécessitent pas la réalisation en milieu hospitalier, la réglementation anti-dopage est un bon garde-fou : si une perfusion ou une injection dépasse 100 ml en 12 heures, en dehors d’un traitement hospitalier donc, cela relève d’une infraction à la réglementation antidopage. Avec ces faibles quantités autorisées, les injections de fer doivent être multipliées ce qui limite un usage massif. En ce sens-là, la réglementation est bien faite.
Mais le problème est celui de la PREUVE. Comment arriver à prouver qu’un athlète s’est lui-même injecté du fer au-delà du volume autorisé dans le cas où il demeure en vente libre par voie injectable dans certains pays ou reste facilement disponible sur internet.
Un sportif affichant des valeurs d’hémoglobine et/ou de fer basses mais non pathologiques peut être tenté de basculer vers les injections de fer, sans se contenter d’agir par l’alimentation et les prises orales. Dans ce cas, bien sûr, la performance sportive sera impactée favorablement….
Une substance non recherchée.
Le fer n’est jamais recherché lors des contrôles anti-dopage, puisque ce n’est pas une substance figurant sur la liste des interdictions. La seule règle existante concerne la limite du volume d’injection, soit 100 ml toutes les 12 heures. Les moyens pour démontrer que ce seuil a été dépassé sont évidemment très limités…
> Par Odile Baudrier avec Pierre Sallet (Président AFT (Athletes For Transparency)