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Latifa Schuster, sanction pour dopage réduite à 2 ans

La FFA a pris la décision de réduire la durée de la suspension de Latifa Schuster qui avait fait l’objet d’un contrôle positif à la cocaïne survenu en octobre 2016 suite à sa victoire au marathon de Munich. La commission d’appel a été sensible aux arguments de l’Alsacienne et de son avocat, plaidant un écart de conduite en raison de problèmes personnels graves. Latifa Schuster est maintenant suspendue pour 2 ans au lieu de 4 ans.

 

Latifa Schuster

Latifa Schuster

« C’était une soirée débauche. » Ce sont les mots que Latifa Schuster  utilise pour qualifier la soirée d’octobre qui l’a conduite à être contrôlée positive à la cocaïne à l’issue de sa victoire au marathon de Munich le 9 octobre 2017. Une consommation qu’elle ne conteste pas, qu’elle justifie par de graves problèmes personnels, mais qu’elle se refuse à associer au dopage. La commission d’appel anti-dopage de la FFA l’a entendue, et a décidé le 10 mai de réduire sa suspension des 4 ans décidés en mars, à seulement 2 ans.

A la date du 8 juin, la FFA n’a toujours pas publié le Procès Verbal validant cette modification de sanction, mais Latifa Schuster l’a reçu et se montre très impatiente de me le communiquer et de me présenter ses arguments pour expliquer cette situation complexe qu’elle livre dans les détails.

Quitte à lever le voile sur des aspects très privés de sa vie personnelle, comme elle l’avait déjà fait lors de la première instance, et comme elle l’a renouvelée à nouveau auprès de la Commission d’Appel. Ce serait en raison d’une grande détresse intime qu’elle aurait basculé le temps d’une soirée « entre filles » : « Voilà, on est sorties, j’en avais marre, on s’est un peu disputés avec mon mari, j’ai retrouvé des vieilles copines de soirée, et j’ai dit Je m’en fous, au point où j’en suis dans ma vie de merde… »

Un travail sur les dates avec son avocat Maître Mehl

Quand a eu vraiment lieu cette soirée de dérive ?? Latifa Schuster avait fourni des explications embrouillées sur les dates, ce qui avait influencé négativement la commission anti-dopage de 1ère instance. Pour ce 2ème passage devant la FFA, Latifa a rôdé son discours, avec l’aide de son avocat, Maître Grégoire Mehl, pour affirmer que cette prise aurait eu lieu le mardi 4 octobre 2016, et non pas le 1er octobre 2016, comme elle l’avait dit précédemment. Elle avait même évoqué une 2ème prise de cocaïne fin octobre.

Pour justifier ces errements, Latifa Schuster a sa petite explication : « Moi, je suis très tête en l’air, je ne suis pas très date. Mes collègues, mon chef, le savent, je ne suis pas très calendrier. D’octobre à une commission au mois d’avril, tout référencer, pour moi, c’est très compliqué. Je me suis trompée sur les dates. Je ne suis pas sortie le samedi, il y avait la course le lendemain. Je suis sortie mardi soir. Je pense que je me suis trompée dans ces dates-là. A la FFA, ils n’ont pas cherché à comprendre. Pourtant le dossier était béton. Ils avaient assez d’éléments pour comprendre qu’il y a une situation familiale compliquée, avec une famille recomposée, de nombreux enfants, 5 enfants. Et donc ils n’ont pas tenu compte de tous ces éléments que je leur avais remis en 1ère instance. Ils n’en ont tenu compte qu’en 2ème instance. »

Et même si on lui fait remarquer que les familles recomposées sont très fréquentes en France à notre époque, elle rétorque : « Oui, c’est banal. Mais c’est trop de pression avec des enfants en bas âge, la compétition, le boulot. Des disputes assez régulières avec mon mari, des incompréhensions. Moi qui mettais la pression sur la course à pied, les entraînements. Oui, j’ai eu un écart. J’ai dit Allez les filles, on va y aller, j’en ai ras le bol, on se lâche. Franchement, c’est plus un accident de vie, qu’une affaire de dopage. »

Un accident de vie, pas du dopage

Cette idée d’un « accident de vie », elle l’avait déjà développée lors de son passage en première instance, mais elle n’avait pas été entendue, et elle s’en offusque répétant à tout va qu’il n’était pas question de dopage. Pourtant la cocaïne figure dans les substances interdites par le Code Mondial Anti-dopage, en raison de sa qualité de stimulant…

A cette remarque, Latifa Schuster rétorque immédiatement : « Oui, c’est vrai et nul n’est censé ignorer la loi. Mais quand vous courez en amateur… Car je ne suis jamais estimée championne ou sportive de haut niveau. » Même si en Alsace, Latifa Schuster était connue pour écumer les courses locales, squattant les podiums.

Mais Latifa Schuster l’affirme, ce n’est que par passion qu’elle accumulait toutes ces compétitions, dont elle ne retirait pas d’avantages financiers : «Je n’avais aucun argent, les primes étaient minimes, je ne courais pas pour les primes, je repartais souvent avec des paniers gourmands, c’était le plaisir de retrouver les collègues de la course à pied, de trouver une bonne ambiance de la région. Je suis passionnée, je ne me voyais pas comme quelqu’un de douée, j’adorais communiquer, libérer une certaine pression que j’ai dans une vie de famille, dans le boulot, dans machin… Une vie à 200 à l’heure. Je ne levais jamais la tête, j’étais tout le temps à fond. »

Pourtant malgré sa réussite dans moult courses régionales, Latifa Schuster n’avait jamais connu un seul contrôle anti-dopage avant celui du Marathon de Munich, le 9 octobre 2016. Elle avait été nouveau testée le 9 novembre, lors de la perquisition menée à son domicile, suite à l’enquête judiciaire ouverte alors.

« Je ne me suis JAMAIS dopée pour courir »

L’affaire a fait grand bruit en Alsace, Latifa ne dissimule pas que partout, elle a pu entendre chuchoter derrière elle sur ce dopage. Mais elle revendique d’avoir toujours couru propre, et me répète plusieurs fois avec force : « Je  ne me suis JAMAIS dopée pour courir. JAMAIS. JAMAIS. Je vous le dis JAMAIS. Ma seule faiblesse a peut-être été d’avoir été un peu fragile au moment où ça s’est passé. On est toujours carrées. On est toujours strictes. A un moment, on a envie de péter les plombs. Quand vous lâchez prise, vous lâchez prise. »

De toute façon, la coureuse n’en démord pas, ce produit ne l’a pas avantagée sur le plan sportif : « Non, cela ne pas n’a pas aidée. A Amsterdam, en 2016, j’ai fait 2h57’, (**), je n’avais pas tapé de cocaïne. Ma ligne d’évolution a toujours été très cohérente. » Son avocat et elle ont ainsi argumenté auprès de la commission d’appel de la FFA que « la cocaïne n’est pas de nature à améliorer les performances sur les disciplines qu’elle pratique, à savoir les courses de fond », produisant un article de presse justifiant cette affirmation.

Un élément peu tangible que la Commission d’appel n’a pas voulu prendre en compte, la cocaïne figurant bien sur les listes de stimulants interdits. C’est donc au vu des éléments démontrant la « détresse psychologique » de la jeune femme, et d’une prise de drogue en-dehors du contexte de la compétition que la sanction a été diminuée, et ramenée à 2 ans. Latifa Schuster s’avoue satisfaite : « 4 ans, c’est beaucoup. Que j’ai 2 ans, c’est normal, tu as fait une connerie, tu réfléchis. Mais 4 ans, c’est vraiment du dopage. »

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

(**) Latifa Schuster a en réalité couru à Amsterdam en 2015 en 3h00’27’. Elle a couru à Paris en 2016 en 2h59’26, qui demeure son record, puisqu’à Munich, elle avait réalisé 2h56’20 », qui ont été invalidés après son contrôle positif.

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