Othmane El Goumri est réapparu sur la scène internationale ce dimanche avec la victoire au marathon de Dublin, en 2h08’06. Cette situation n’a pas manqué de susciter polémique auprès des organisateurs mis en cause pour avoir accueilli le Marocain suspendu deux ans pour passeport biologique douteux.
La polémique était fatale. Othmane El Goumri ne s’est pas contenté d’empocher la victoire à Dublin, il l’a fait en torpillant le record antérieur de plus de cinq minutes pour l’amener à 2h08’06’’. Et comble, il supplante ainsi l’Irlandais Stephen Scullion, second en 2h12’01’’, qui aurait pu à la fois l’emporter et s’approprier le record…
L’effarement était total du côté des organisateurs mis en cause pour avoir accepté d’accueillir le Marocain après sa suspension pour dopage. Jim Aughney, le directeur de la course, clamait que l’épreuve a pour politique de ne pas inviter d’anciens dopés tricheurs. Alors comment Othamne El Goumri a-t-il pu se retrouver avec le dossard 14 ? Selon l’organisation, le Marocain se serait inscrit sur internet et sa présence n’aurait été découverte que 15 jours avant. Trop tard pour le refuser, aurait-il été estimé, avec la crainte qu’une plainte soit déposée auprès de l’IAAF ( ??). Et l’analyse du plateau propulsait Othmane El Goumri comme ultra favori de l’épreuve…
C’est ainsi qu’un boulevard royal s’est déroulé devant Othamne El Goumri, arrivant à Dublin, pour sa première grande course internationale en 18 mois. Certes, après sa suspension, l’ancien athlète de l’AC Alès avait d’abord renoué avec la compétition par un 10 km aux Pays Bas, puis sur semi, en Espagne, avec un excellent 1h01’47’’ à Valence fin octobre 2018.
Quatre courses seulement au Maroc avant le marathon de Dublin
Mais après son abandon au marathon de Valence, début décembre où il effectuait ses débuts, il s’est confiné au Maroc, pour y courir 4 compétitions, cross, 20 km, semi et marathon, à Rabat, qu’il boucle en 2h08’20’’.
Le chrono de Dublin s’inscrit dans cette continuité, mais il marque tout de même les esprits, car ce parcours n’avait jamais généré mieux qu’un 2h13’. La fin de course du Marocain a aussi suscité une certaine perplexité : il se situait sur les bases d’un temps en 2h10 jusqu’au 30ème kilomètre, et à partir de là, il évoluait pendant les douze derniers kilomètres sur une allure de 2h03’. Pour finalement produire 2h08’ !
Mais aux questions impertinentes du journaliste irlandais Cathal Dennehy sur son ancien passé de dopage, le coureur affirmait : « J’ai été testé à mon retour au Maroc par la Fédération, par l’AIU, et je suis heureux de leur donner tout ce qu’ils demandent. »
3 contrôles avant sa reprise, et depuis aucun contrôle hors compétition
Une affirmation plus que gratuite, car les faits le démontrent constamment, il n’est pas facile de savoir vraiment qui est contrôlé et par qui… Selon nos informations, Othame El Goumri aurait été soumis aux contrôles obligatoires imposés par la réglementation avant d’être autorisé à reprendre la compétition suite à une suspension pour dopage. C’est l’ORAD d’Afrique, l’agence régionale anti-dopage pour l’Algérie, la Lybie, la Mauritanie, le Maroc, la Tunisie, installée à Rabat, qui a effectué ces trois contrôles.
Ensuite, selon nos informations, le Marocain n’a connu aucun contrôle hors compétition. Ce n’est donc qu’à l’occasion de sa participation à des compétitions qu’il aurait pu être contrôlé. C’est-à-dire à quatre reprises cette année, toujours au Maroc, en février (cross et semi de Safi), en avril, marathon de Rabat, en septembre, 20 km de Marrakech.
Et ce n’est que pour le marathon de Dublin qu’il a pointé sa tête hors du Maroc pour une course très juteuse financièrement, avec ses 12.000 euros de primes au vainqueur, auxquelles s’ajouteront les 10.000 euros de bonus pour un chrono sous les 2h09’. Soit en final, un total de 22.000 euros.
Une situation qui ne peut qu’irriter le clan des anti-dopage, Othmane El Goumri avait été suspendu fin 2016 pour des irrégularités de son passeport biologique qui remontaient tout de même à 2013, soit trois ans de mensonges et de tromperies. Il avait ainsi été suspendu deux ans de juillet 2016 à juillet 2018, mais avait aussi vu toutes ses performances annulées depuis la mi-août 2013, incluant sa victoire au France de cross 2014 et 2016, sous les couleurs de l’AC Alès.
On aurait pu espérer meilleur garde fou pour sa reprise…
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand