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La Turquie brille au Championnat d’Europe de cross

Samokov en Bulgarie a souri à la Turquie, qui réalise le doublé sur la course seniors hommes, avec Kemboi Arikan et Ali Kaya. Et le titre collectif tombe dans l’escarcelle de ce pays souvent sous les lumières pour ses dérives dans le dopage, ainsi que pour sa politique de recrutement à l’étranger.

Kemboi Arika, champion d'Europe de cross, une belle mise en avant de la Turquie

Kemboi Arika, champion d’Europe de cross, une belle mise en avant de la Turquie

Kemboi Arikan. Ali Kaya. La Turquie se retrouve à l’honneur grâce à ces deux transfuges du Kenya. Dans leurs pays natal, ils se nommaient Paul Kemboi et Stanley Kiprotich Mukche.

La Turquie poursuit ainsi avec ce doublé du Championnat d’Europe de cross sa mise en avant sur ce continent qu’elle voudrait intégrer de manière plus forte au sein de la Communauté Economique Européenne.

L’irruption d’athlètes vêtus du maillot rouge et blanc sur les podiums européens puis mondiaux a débuté dès les Jeux Olympiques de Pékin avec Elvan Abeylegesse, double médaillée d’argent sur 5000 m et 10.000 mètres, première illustration de la politique de recrutement impulsée par la Turquie pour étoffer ses équipes pour le grand rendez-vous programmé en 2012 dans sa capitale, l’Europe en salle.
Hewan Abeye a quitté son Ethiopie natal à l’âge de 17 ans pour Istanbul et le puissant club turc « Enka », soutenu par l’énorme entreprise de construction Enka, fort de 30.000 salariés, qui a misé gros sur son club de sports, fort de 50 coachs au service de 700 jeunes sportifs turcs évoluant sur une dizaine de sports.

Dans l’optique d’amélioration des performances, ces jeunes talents se voient renforcés par des athlètes d’Ethiopie et du Kenya, attirés par les conditions financières très intéressantes. C’est ainsi qu’après Elvan Abeylegesse, on a vu aussi briller Alemitu Bekele, et les deux jeunes femmes se mettent en évidence aux Europe de Barcelone en 2010, avec le doublé sur 5000 m et également l’or pour Abeylegesse sur 10.0000 mètres.

A Barcelone, scintille également une athlète turque « locale », Navin Yanit, qui remporte le titre sur les haies, ce qu’elle renouvellera deux ans plus tard, en 2012. Cette même année, aux JO, s’illustre à nouveau Asli Cakir, sacrée championne olympique du 1500 mètres, après avoir été prise pour dopage en 2004.

30 athlètes suspendus en août 2013

Mais début août 2013, ces deux athlètes 100% turques vont se retrouver prises dans la nasse du dopage. Car la Fédération Turque a décidé de marquer un grand coup en suspendant 31 athlètes pour deux ans ! Jamais un pays n’avait pris une suspension aussi massive…

La Turquie a choisi d’envoyer un signal appuyé aux instances internationales du sport. Pourquoi ? Par pur calcul. A l’été 2013, le pays est encore en lice avec Madrid et Tokyo pour obtenir les JO de 2020. La désignation de la ville d’accueil est prévue pour début septembre, et la Turquie supporte la pression forte de l’IAAF pour qu’elle agisse contre ses athlètes aux performances douteuses. L’athlétisme turc est ainsi sabordé, mais Istanbul n’est pas choisie pour autant…

18 mois plus tard, l’athlétisme turc repose à nouveau sur les épaules des ex-Africains naturalisés. Le championnat d’Europe de 2014 a dévoilé un bilan appauvri, une seule médaille pour la Turquie. Celle d’Ali Kaya, en bronze sur 10.000 mètres. Et seulement deux autres performances notables, la 4ème place de Kemboi Arikan sur le 10.000 mètres, et la 5ème d’Elvan Abeylegesse sur le marathon.

A Samokov, pour l’Europe de cross, la médaille d’or par équipe de la Turquie révèle une nouvelle montée en charge, toujours appuyée sur les athlètes recrutés à l’étranger. Pourtant la relève chez les femmes tarde à venir alors qu’aux JO de Londres, l’équipe nationale était complètement déséquilibrée avec 8 hommes contre 25 femmes. Mais c’était en 2012, une toute autre époque !

> Texte : Odile Baudrier

> Photo : Gilles Bertrand