Le bras de fer entre la Russie et World Athletics se poursuit, avec le refus de la Fédération Russie de payer son amende de 10 millions de dollars. Au même moment, une étude statistiques soutient que le dopage russe n’a finalement pas été si efficace qu’on pouvait le penser !
5 millions de cash, c’est la somme très attendue de la Fédération d’athlétisme de Russie par World Athletics. Soit la moitié du total exigé, correspondant à une amende et à des frais engagés par la Fédération Internationale, en particulier pour les actions auprès du Tribunal Arbitral du Sport, et dans l’action contre le sauteur Lysenko. Mais la Russie n’a pas effectué ce paiement, au prétexte d’un manque crucial de trésorerie, dans une période où la crise sanitaire du COVID a fait ses dégâts.
Toutefois cet argument n’a nullement convaincu Sebastian Coe, et le communiqué émis en ce 2 juillet en atteste, dévoilant son irritation face à cette promesse non tenue après tant de négociations avec le nouveau président de la Fédération, Yurchenko.
Avec comme conséquence immédiate que les athlètes russes qui espéraient pouvoir évoluer sous bannière dite « neutre » devront très probablement oublier cette idée, et du même coup, une participation aux JO de Tokyo 2021.
Un trio de haut niveau était pourtant monté au créneau, en demandant à Vladimir Poutine d’intervenir pour que cette situation très explosive se débloque. Mais la pression de Shubenkov, champion du monde du 110 m haies, d’Anshelika Sidorova, championne du monde de perche, Mariya Lasitskene, triple championne du monde à la hauteur n’a servi à rien, et ces trois champions du monde pourraient bien ne pas pouvoir découvrir le village olympique japonais….
Le dopage russe n’a pas été si efficace !!!
Ce nouveau cahot intervient alors qu’est publiée une vaste étude sur les performances des athlètes russes, entre 1993 et 2019. Avec un titre très surprenant : « Le dopage russe est-il ce qu’il semble être ? »
Pour trancher, Jovana Subic, de RunRepeat, a analysé 29120 résultats réalisés par 354 athlètes olympiques russes, dans 4691 évènements sur une durée de plus de 25 ans. Objectif : comparer les résultats des athlètes « propres », à ceux d’athlètes sanctionnés pour dopage.
Même s’il est bien en évidence que trois disciplines féminines ont été particulièrement salies par les dopées, le 1500 m, le marteau, le 20 km, avec au moins 12% des résultats annulés pour dopage, et que le dopage a particulièrement concerné les femmes, avec 4 fois plus de femmes suspendues que d’hommes, deux conclusions s’avèrent plus qu’étonnantes.
La première est que dans six disciplines, les performances « propres » s’avèrent meilleures que celles des « dopés ». Il s’agit du 800 m et 1500 m femmes, 1500 m hommes, marteau hommes, du javelot femmes, du 400 m haies femmes.
La seconde que certains athlètes suspendus ont finalement été plus performants en-dehors de la période où ils se dopaient.
Ce travail est-il crédible ?
Toutefois, quel crédit accorder à ce gros travail statistique ? La prudence s’impose évidemment, et même Dimitrije Curcic, le responsable des contenus sportifs chez RunRepeat, l’a admis dans une interview donnée au site « FrancsJeux ».
Car comment imaginer qu’un athlète olympique russe ait pu vraiment évoluer hors dopage, compte tenu du système étatique mis en place, et qui peine d’ailleurs à disparaître, comme l’a démontré l’affaire du sauteur Lysenko, qui a reçu l’aide de sept officiels russes pour fournir de faux documents pour expliquer ses no shows…
Et bien sûr, dans ce credo de l’athlète « propre », les regards ne peuvent que se tourner vers Elena Isinbayeva, qui a traversé une longue et très prolixe carrière sans aucune ombre officielle. La double championne olympique a justement tenté d’infléchir World Athletics et le CIO, dans ce conflit financier avec la Russie. Au prétexte que la suspension de la Russie constitue une violation des principes sportifs et du droit des athlètes « purs ». L’argument avancé par la Tsarine ne peut que faire sourire…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.