L’énorme arnaque de la Russie sur la marche athlétique explose avec encore plus de vigueur, avec une nouvelle sanction, celle de Yelena Lashmanova, qui perd son titre olympique de Londres 2012 et son titre mondial de Moscou 2013. Ainsi les neuf marcheurs russes présents aux JO de Londres ont tous été suspendus pour dopage… L’annonce tombe au moment même où Vladimir Putine a utilisé le stade Luzhniki de Moscou pour une vaste démonstration pro-guerre, avec de nombreux sportifs présents parmi les 200.000 personnes.
Une très belle mascarade. C’est sans conteste la meilleure qualification pour la démonstration de force qu’avait mené la Russie durant les JO de Londres, sur les épreuves de marche athlétique. L’on y avait une nouvelle fois assisté à cet emballement médiatique autour du coach Viktor Chegin, et il n’était question que de son école de marche de Saransk, considérée comme la référence mondiale de la discipline. Toutefois la vérité est que cette domination des marcheurs russes ne valait que par un recours massif au dopage…. Et ce sont au total plus de 30 marcheurs entraînés par Viktor Chegin qui ont été suspendus !
En ce mois de mars 2022, la démonstration est parachevée avec Yelena Lashmanova, cette gamine fluette, devenue championne olympique à seulement 20 ans, en établissant au passage un nouveau record du monde du 20 km marche, puis hissée l’année suivante, à Moscou, au titre de championne du monde. L’Athletics Integrity Unit a abattu ses cartes, en révélant que la marcheuse était suspendue pour deux ans depuis le mois de mars 2021, mais surtout qu’elle avait accepté de perdre son titre olympique, et son titre mondial. Une sanction décidée par l’AIU sur la base des investigations Mac Laren, et des informations disponibles dans les bases de données.
Yelena Lashmanova avait déjà été mise à l’index en 2014. Ce n’était que quelques mois à peine après qu’elle ait obtenu sa médaille d’or au Mondial de Moscou, en août 2013, qu’elle avait subi début janvier 2014, un contrôle positif au GW 1516, une molécule qui brûle les graisses et augmente l’endurance de manière très importante, mais reliée à des cas de cancer. Toutefois cette suspension « classique » de deux ans n’avait pas permis d’annuler ces titres conquis par la tricherie. C’est maintenant chose faite.
La Russie conserve seulement 7 médailles sur les 18 obtenues à Londres
Une justice qui arrive tard. Oui, bien trop tard. Il aura donc fallu dix ans pour que la grande arnaque russe des JO de Londres soit dévoilée. Avec un chiffre qui parle tout seul : les 9 marcheurs russes (*) à Londres ont tous été supprimés des résultats depuis, pour des faits de dopage… Plus globalement, sur les 8 titres olympiques conquis en athlétisme par la Russie, il n’en reste plus que deux ! Et les 18 médailles de l’athlétisme ont fondu pour tomber à sept.
Dans cette période où la Russie domine l’actualité mondiale avec cette terrible guerre, une telle information ne peut que sembler très anecdotique. Mais ce serait oublier trop vite combien le sport a été utilisé à des fins géopolitiques par Vladimir Poutine, avec cette orchestration d’un dopage d’Etat révélé dans une certaine indifférence dès le mois de juillet 2013 par les journalistes Martha Kelner et Nick Harris, dans « Mail on Sunday », mais qui allait vraiment exploser au grand jour après la diffusion du reportage sur la chaîne allemande ARD en décembre 2014. Le journaliste allemand Hajo Seppelt y levait le voile sur les dérives du dopage en Russie, de l’utilisation massive des produits dopants par les athlètes, à leur protection organisée sous la houlette de Gregory Rodchenkov. Celui-ci fuira vers les Etats-Unis, il y témoignera ensuite des pratiques douteuses instaurées par Vladimir Poutine et son ministre des Sports, Vitaliy Mutko, d’abord pour les Jeux Olympiques de Londres, mais de manière encore plus organisée pour les Championnats du monde d’athlétisme de Moscou à l’été 2013, puis pour les JO d’hiver de Sotchi, début 2014.
Ces championnats du monde de Moscou avaient véritablement été conçus pour une démonstration de force des athlètes russes devant leur public. Toutefois l’engouement populaire n’était pas apparu dans les premiers jours du championnat, provoquant une grande crispation du côté de l’IAAF, et son président Lamine Diack n’avait pas dissimulé une certaine irritation de voir que le stade Luzhniki ne soit pas comble pour la finale du 100 mètres.
Au Mondial de Moscou 2013, Serguey Bubka fait venir des Ukrainiens pour remplir le stade
Lors de la conférence de presse de clôture de ce Mondial, Lamine Diack était apparu aux côtés de Vitaly Mutko, le Ministre des Sports de Russie, et de Serguey Bubka, alors vice-président de l’IAAF. Et Lamine Diack n’avait pu s’empêcher d’expliquer le rôle particulier joué par Serguey Bubka pour cet évènement. C’était en effet l’ex-perchiste qui avait sollicité le Président de la Fédération d’haltérophilie d’Ukraine, pour que chaque jour, 2000 salariés de son entreprise de construction soient présents dans le stade, pour combler les vides. Et deux tribunes se retrouvaient ainsi remplies par ces 2000 Ukrainiens, habillés en bleu et jeune, les couleurs de l’Ukraine.
Une anecdote qui, neuf ans plus tard, apparaît appartenir à une époque terriblement lointaine. Depuis, la corruption de Lamine Diack a été dévoilée, avec en particulier, une protection accordée aux athlètes russes pour ce Mondial 2013. Mais surtout, ces liens forts entre Russie et Ukraine apparaissent étrangement surprenants, à l’aune de cette guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.
D’autant que ce Stade Luzhniki s’est retrouvé utilisé pour une démonstration de force de Vladimir Poutine, y attirant près de 200.000 personnes affichant le signe Z, en soutien à la guerre. Un symbole fort pour le monde sportif international, le Stade y avait aussi accueilli en 2018 la finale de la Coupe du Monde, France-Croatie. A cette occasion, Vladimir Poutine trônait aux côtés de Thomas Bach, le président du CIO, et de Gianni Infantino, le président de la FIFA, tous les deux aux liens de grande proximité avec Vladimir Poutine, et qui ont eu beaucoup de difficultés à afficher une véritable opposition à cette guerre.
De son côté, Serguey Bubka, lui, a été propulsé en première ligne pour tenter de soutenir les sportifs ukrainiens, de part sa fonction de président du Comité Olympique d’Ukraine. Il a ainsi reçu les 180.000 dollars donnés par le CIO, un montant qui témoigne d’un engagement plus que limité de Thomas Bach, au regard d’un total d’actifs du CIO qui atteint les 5.6 milliards…
. Texte : Odile Baudrier
. Photos : Gilles Bertrand
LES MARCHEURS RUSSES A LONDRES – disqualifiés pour dopage
20 km marche : Yelena Lashmanova – médaille d’or – Olga Kaniskina – médaille d’argent – Anisya Kirdyapkina – Vladimir Kanaykin, Andrey Krivov and Valeriy Borchin – 50 km marche : Sergey Kirdyapkin – médaille d’or – Sergey Bakulin and Igor Yerokhin