Les premières révélations sur l’étendue du dopage en Russie et sa dimension très étatique avaient créé un mini-séisme l’hiver dernier. Depuis, les informations négatives sur les méthodes peu scrupuleuses des entraîneurs et athlètes russes ont pullulé, mais le témoignage du Dr Rodchenkov, l’ancien directeur du laboratoire anti-dopage de Moscou, dévoile une corruption totale du système, en particulier durant les Jeux de Sotchi. Le Mondial de Moscou a-t-il connu les mêmes dérives ??
C’est un plan très sophistiqué pour faire briller la Russie aux JO de Sotchi qu’a dévoilé le Dr Rodchenkov, l’ancien directeur du laboratoire anti-dopage de Moscou, auprès des journalistes Rebecca Ruiz et Michael Schwirtz, du New York Times.
L’homme qui a fui la Russie en novembre dernier après les premières révélations sur les pratiques douteuses du système sportif russe, a trouvé refuge aux Etats-Unis, avec l’aide de Bryan Fogel, un réalisateur américain, qui travaille sur un documentaire dans lequel apparaîtra le scientifique russe.
Il s’est longuement entretenu auprès du New York Times pour révéler le terrible programme conçu dans l’optique des JO de Sotchi, avec l’objectif que les sportifs russes y dominent, ce qu’ils firent avec 33 médailles alors qu’ils n’avaient que terminé 6ème aux JO précédents. Le premier niveau du plan avait été celui de la définition par ses soins d’un cocktail de produits interdits, mélangeant trois stéroïdes anabolisants avec de l’alcool pour une absorption plus rapide dans l’organisme, et pour diminuer la fenêtre de détection. Ce cocktail redoutable aurait été utilisé dès les JO de Londres en 2012, puis à nouveau à Sotchi en 2014.
Les échantillons sont échangés pendant la nuit
2ème niveau de ce plan, le plus terrible, celui de la manipulation des échantillons prélevés durant les JO de Sotchi. Et là, ce sont les services secrets russes qui rentrent dans la danse, dans un scénario digne d’un film de contre-espionnage. Selon Gregory Rodchenkov, ils auraient mis au point un système permettant de remplacer les scellés apposés sur les flacons d’urine prélevés après les épreuves. Et durant la nuit, ces flacons étaient prélevés par un petit trou dans le mur du laboratoire anti-dopage pour être remplacés par d’autres flacons, mais cette fois contenant des urines « propres », que les sportifs avaient remis au Dr Rodchenkov dans les mois précédant les JO. Selon lui, ce sont environ 100 échantillons d’urine qui auraient ainsi été expurgés, et ils concerneraient 15 médaillés olympiques de Sotchi…
Les officiels russes, le Ministre Mutkhov en tête, ont une nouvelle fois crié au scandale du complot, et il est certain que le témoignage de Rodchenkov ne peut qu’être pris avec certaines précautions, peu d’éléments venant évidemment valider ses affirmations. Il y a quelques mois encore, il faisait partie de l’establishment de la Russie, il avait même reçu la distinction de « Ordre de l’Amitié » par le Président Poutine, justement après les JO de Sotchi.
Rodchenkov contraint à démissionner fuit aux Etats-Unis
Mais dès novembre, mis en cause par les premières révélations sur le système russe, il était contraint à la démission, et il décidait de fuir vers les Etats-Unis, craignant pour sa vie. Dans les mois qui suivirent, deux personnes haut placées de l’anti-dopage disparaissaient d’ailleurs dans des décès inexpliqués.
Après des années en immersion dans un système répugnant, le Docteur Rodchenkov se décide à témoigner contre ses anciens alliés. Quel crédit accorder à ses aveux terriblement intéressés ? Quelques premiers éléments collectés par l’équipe du New York Times semblent valider sa thèse, mais ceci est encore insuffisant.
Dans la foulée, un autre succès russe ne peut qu’interpeller, celui du Mondial de Moscou à l’été 2013, où la Russie avait terminé au premier rang des nations avec 17 médailles, dont 7 en or. Pour cet évènement, Gregory Rodchenkov était également le patron du laboratoire anti-dopage de Moscou. Des manipulations semblables à celles de Sotchi ont-elles pu avoir lieu ???
On en saura peut-être plus dans le futur, mais d’ores et déjà, l’IAAF a informé qu’elle demeurait dans l’attente d’une investigation de l’AMA à l’égard des allégations formulées par Gregory Rodchenkov, avant de décider si elle lançait sa propre enquête.
Wait and see…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.