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La FFA engluée dans les sales affaires

Clémence Calvin, Morhad Amdouni, Jean-Michel Serra. Trois dossiers brûlants affectent maintenant la FFA, et sa direction. Les attentes sont fortes autour de la capacité d’André Giraud et son équipe à gérer les questionnements suscités par ces trois affaires, qui mettent à mal l’image de la FFA et de l’athlétisme…

Les mois se suivent et se ressemblent… Comme le dit si bien le chercheur, Fabien Gargam, enseignant à l’Université Renmin University of China : « Une crise se conjugue rarement au singulier. Généralement une crise engendre une autre crise, et ainsi de suite. La FFA n’échappe pas à la règle. »

Une vérité que toutes et tous aimeraient bien occulter. Ce serait ainsi quasiment par le plus grand hasard que seraient apparues l’affaire Calvin, puis la révélation d’une intervention du Docteur Jean-Michel Serra auprès de l’AFLD au sujet d’Ophélie Claude Boxberger, sa néo-compagne, et pour finir, last but not least, le cas Amdouni.

En réalité, ces trois épisodes dévoilent un certain laxisme fédéral consternant dont s’est fait l’écho la presse nationale au soir de Doha, et surtout le refus de toute remise en cause. Ce n’est pourtant pas faute d’entendre les dirigeants répéter que les choses doivent changer, et le ménage doit être fait. Mais force est d’admettre que six mois après le séisme Calvin, les promesses de changements n’ont pas été suivies d’actes forts…. Et que l’argumentaire déployé en avril, à savoir une quasi-stupeur face à ces dérives, se répète à nouveau en octobre.

24 heures avant la diffusion du sujet sur le dopage au Maroc, les représentants de la FFA et de la fédération Marocaine, dans les tribunes de Doha

Les nouvelles idées n’ont pas été prises en compte

Pourtant au printemps, ils et elles, athlètes, jeunes entraîneurs, anciens entraîneurs… ont été nombreux.ses  à collaborer pour lancer de nouvelles idées, des axes de travail novateurs dans l’espoir d’impulser une dynamique différente. Egalement à intervenir régulièrement pour lancer des alertes sur les uns et les autres. En particulier pour avertir au plus haut niveau sur des informations à risque circulant sur Morhad Amdouni. Alors, comment jouer la surprise maintenant qu’elles se voient diffusées au grand jour ???

Déjà, les cadres fédéraux n’avaient rien vu venir pour Clémence Calvin. Ses mystères autour de ses lieux de stages, modifiés souvent à la dernière minute, n’avaient pas suscité de questionnements. Ils correspondent pourtant à un élément fort dans l’argumentaire de l’AFLD contre la jeune femme, qui retient comme circonstance aggravante, le nombre de 13 localisations différentes en 15 jours. Une volatilité particulièrement peu adaptée à la préparation d’une marathonienne de top niveau. Ses métamorphoses physiques n’avaient pas plus interpellé les encadrants, théoriquement pourtant des spécialistes de l’entraînement et du marathon.

Les alertes lancées sur Morhad Amdouni n’ont pas été prises en compte

Les choses étaient encore plus limpides pour Morhad Amdouni. L’équipe allemande d’ARD avait effectué un long tournage au Maroc à l’été 2018, et il avait filtré auprès de quelques initiés que Morhad Amdouni pourrait se retrouver en difficulté. La diffusion du sujet réalisé avait d’abord été programmée au début de la saison estivale, puis finalement reportée au moment du Mondial de 2019. Dès le mois d’avril 2019, à ma connaissance, au moins deux journalistes avaient informé André Giraud du risque de voir exploser cette affaire. Mais au fil des mois, les rumeurs grandissantes se voient simplement occultées. Avec, très certainement, l’espoir que ce sujet ARD ne soit pas publié…

C’est bien mal connaître Hajo Seppelt, qui mène avec ARD un combat inlassable contre le dopage et les instances du sport, accusées, au minimum de laxisme, voire d’implication active dans ces dérives. Le journaliste allemand n’a jamais été pris à défaut dans ses révélations, grâce à une collaboration avec des lanceurs d’alerte efficaces, et engagés pour faire éclater au grand jour les méfaits du dopage.

Le Maroc constitue un nouvel axe de travail pour Hajo Seppelt, et c’est par hasard, que son équipe s’est vu informée de messages Whatsapp, qui jettent le trouble sur des pratiques douteuses de Morhad Amdouni. Un élément qui donne encore plus d’emphase au reportage ARD, par cette dimension européenne, d’autant que c’est à Berlin qu’il a conquis son titre de champion d’Europe, puis sa médaille de bronze.

Hajjo Seppelt

L’appel d’Hajo Seppelt n’a pas été pris en compte

La programmation se voit calée aux jours précédents le marathon du Championnat du Monde, que Morhad Amdouni a décidé in extremis de disputer. Fidèle à la méthode de travail implacable qu’il a bâtie en 13 ans d’investigation, Hajo Seppelt prend contact auprès de la FFA pour l’informer de sa demande de rencontre avec Morhad Amdouni, avec l’objectif de le faire réagir face aux éléments à charge contre lui.

Mais trois jours plus tard, le jeudi 26 septembre,  Morhad Amdouni annonce son forfait pour le Mondial, s’estimant insuffisamment préparé pour un tel évènement. Dès le samedi 28, il quitte sans plus tarder Doha. Et évite ainsi de rencontrer, à la fois, le DTN, et la presse, qui arrivent pour le Mondial.

Un retour très rapide effectué avec ou sans l’accord de la FFA ? Selon plusieurs sources différentes, Patrice Gerges, le DTN, souhaitait voir Morhad Amdouni avant qu’il ne rentre en France, mais il préférait que la décision soit prise par Souad Rochdi, la directrice générale de la FFA, qui optait, elle, pour un come-back rapide, pour éviter de porter la « guigne » à l’équipe de France ( !!). Une information que Souad Rochdi, interrogée par mes soins ce dimanche 6 octobre, réfute complètement : « Je n’ai pris aucune décision sur le sujet du retour de Morhad Amdouni. » Et en retour à ma nouvelle question : « Alors, qui à la FFA, a donné son accord pour qu’il rentre », voilà sa réponse : «Je pense personne. Il était censé attendre l’arrivée de la DTN à Doha. »

Un élément supplémentaire pour confirmer un certain laxisme dans la gestion fédérale des athlètes de haut niveau. Et pas de réponse à mes questions du côté de Mehdi Baala, qui assume pourtant le poste de responsable de la Performance. C’est à ce titre qu’il avait justement donné en août son accord au départ en stage à Doha de Morhad Amdouni.

L’affaire Serra-Boxberger, un camouflet pour la FFA

L’affaire Serra n’a pas non plus livré tous ses mystères, avec cette obstination de la directrice générale, Souad Rochdi à s’opposer aux faits avérés, à savoir une relation privilégiée entre le docteur Serra et Ophélie Claude Boxberger, qui ne peut que jeter le trouble sur l’intervention effectuée auprès de l’AFLD par Jean-Michel Serra, pour inciter l’agence à diminuer le nombre de contrôles sur la jeune femme en invoquant des raisons médicales.

La FFA s’est limitée à un simple blâme. Pourquoi renouveler sa confiance au Docteur Serra, au motif qu’il niait cette relation avec l’athlète ? De vilaines voix s’élèvent pour laisser entendre qu’en 10 ans, le Docteur Serra aurait eu connaissance de bien trop de secrets…

Mais force est d’admettre que le couple a infligé un sérieux camouflet à la FFA, en plein championnat du Monde, avec la divulgation par l’Instagram d’Ophélie Claude-Boxberger des images officialisant leur vie de couple, puis le départ impromptu du Docteur Serra, qui quitte son poste avant la fin du Championnat, pour des « raisons personnelles ». Selon nos informations, celui-ci n’aurait pas accepté que le DTN ait imposé le retour en France à la jeune athlète, après son élimination en séries du steeple, et il a ainsi fait le choix d’abandonner les athlètes pour rejoindre sa néo-compagne en France.

Mais là encore, aucun quitus officiel n’aurait été donné. C’est en tout cas, ce qu’affirme Souad Rochi, pourtant responsable hiérarchique du service médical de la FFA, et de son directeur, le docteur Serra.

Alors, entre demi-mensonges, demi-vérités, une question émerge : « Tous responsables ou tous inconscients ???? »

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : D.R.